14° : Béliard, O. – Paulhan, J – Valéry, P.
Sommaire
1935
PAULHAN, Jean,
9 août 1935
« Cher Francis
Si par hasard tu avais quelque livre de Saint-Martin (le « Philosophe inconnu ») ou si tu en trouvais un chez un bouquiniste, tu me rendrais un grand service en me l’envoyant (et bien entendu, si tu l’achètes, en m’en disant le prix). Je n’ai que « Des Erreurs et de la vérité » et j’aurais terriblement besoin des autres. (À vrai dire, je ne sais même pas s’ils sont trouvables). Par exemple de « l’Homme de désir » ou du « Crocodile », ou de n’importe lequel ».
Lettre à Francis Ponge, 9 août 1935. « Choix de lettres », t. I, 1917-1936, La littérature est une fête, Paris, Gallimard, 1986, lettre n° 283. L’édition de la correspondance Paulhan-Ponge, Gallimard, 1986, ajoute en note à cette lettre : « Paulhan citait déjà Saint-Martin dans la prière d’insérer du Guerrier appliqué (éd. revue et corrigée, Gallimard 1930) : « Claude de Saint-Martin observe que l’homme ne parviendrait jamais à former une vue exacte et pénétrante du monde s’il n’avait à sa disposition les maladies, les rêves, et diverses autres ivresses ou folies. Il faudrait ajouter : certaines entreprises d’ordre plus général, comme l’esclavage ou la guerre […] »
PAULHAN, Jean
1935
« Ç’a été la préoccupation constante de tous ceux qui ont traité des langues — philologues, grammairiens ou philosophes — que d’arriver à découvrir, sous leur apparente diversité, quelque trait universel d’où l’on pût conclure à la nature du langage, et sans doute de l’esprit. Si légères et fragiles qu’elles se soient trouvées à l’analyse, les rêveries de langue universelle ont du moins cette base sûre. Et quand ces rêveurs écrivent (ils l’ont tous écrit) :
« J’engage les observateurs à considérer s’ils ne reconnaissent pas en eux deux sortes de langues : l’une sensible, démonstrative, et par le moyen de laquelle ils communiquent avec leurs semblables ; l’autre intérieure, muette et qui cependant précède toujours celle qu’ils manifestent au-dehors, et en est vraiment comme la mère… » Claude de Saint-Martin.
Comment ne pas reconnaître qu’ils rendent une conviction assez aisément présente en chacun de nous. »
Lettres à M. de Hohenlau (1935). Traité du Ravissement, éd. Périple, 1983, p. 146.
1936
BÉLIARD, Octave
15 octobre 1936
Un texte de Louis-Claude de Saint-Martin, L’Annonce du nouvel homme, présenté par Octave Béliard, paraît dans le n° 4 de Mesures, le 15 oct. 1936, p. 99-126.
1944
VALERY, Paul
1944
« Si l’on jouait au jeu des filiations d’esprits, et que l’on s’occupât de rattacher par leurs similitudes de tendances les hommes du XIXe siècle, dans sa première moitié, à des hommes du siècle précédent, on trouverait facilement dans notre poète les traits d’un contemporain de Svedenborg, de Saint-Martin, de ces théosophes ou de ces mystes dont il avait peut-être trop médité les œuvres, et dont quelques-uns paraissent dans son livre des Illuminés. Il n’était point le seul entre 1830 et 1850 à chercher la lumière dans une contemplation des ténèbres. »
Souvenir de Nerval, Variété, N.R.F., coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. I, p.593.
1945
PAULHAN, Jean
1945
« Les rhétoriqueurs, vaguement retombés en enfance, se balançaient donc vers 1817 sur un cheval de bois, qu’ils s’obstinaient à appeler Pégase. Il ne demeurait au jeune écrivain qu’une ressource : c’était de briser un langage figé, jusqu’au point qu’il pût révéler non plus des types, mais des individus ; concrets, authentiques, inaccoutumés ; non plus des lois, mais des événements ; ni des raisons, mais des passions et des cris, et je ne sais quel essor intérieur libre de langage. D’où viendront l’influence très apparente d’un Jean-Jacques ou d’un Saint-Martin, l’influence plus secrète d’un Sade. On s’en étonne. Quoi ! il s’agit de gens qui ont bien souci de règles et de raisons, de mots ! Les uns vivent en communauté avec Dieu ; l’autre, c’est avec le Diable — qui parlent par leur voix et composent (disait Werner) leurs pièces. Une dictée spirituelle ignore les mots qu’elle revêt. Pour la première fois dans nos Lettres, on allait voir naître des oeuvres qui ne se donnaient pas en exemple. »
Un embarras de langage en 1817 (1945), Œuvres complètes, Cercle du Livre précieux, t. III, p. 162.
PAULHAN, Jean
1945
« On interrogera là-dessus les philosophes qui font les idées venir des mots, non les mots des idées : Saint-Martin, Bonald, Auguste Comte. »
La rhétorique avait son mot de passe (1945), Œuvres complètes, Cercle du Livre précieux, t. III, p. 187.
1964-1967
PAULHAN, Jean
1946-1967
« Le terme brut, l’idée, la chose, si différents soient-ils, n’y font qu’un (1). »
(1) Il s’agit ici de l’élément que l’école de Wurzbourg appelle l’intention de signifier, Claude de Saint-Martin la « mère de notre langage », Saint Augustin le « mot avant qu’il ne résonne ou fasse l’objet d’une pensée », Platon « l’essence du mot » — et celui-même qui fait le fond du mot, quelle que soit l’inclinaison, la nuance particulière que lui imprime (on vient de le voir) notre invention. Il recouvre tout le sens, toutes les définitions au prix desquelles le mot n’est pas distinct de l’idée, ni l’idée de la chose. Mais les trois éléments, si différents soient-ils, s’y trouvent confondus. »
Le don des langues (1964-1967), Œuvres complètes, Cercle du livre précieux, t. III, p. 399-400.