3° : Baader, F – Baader, F. – Bernhardi-Tieck, S – Biographie Moderne – Bonstetten, C. – Bourbon, duch. – Divonne, L. – Faure, A – Gence, J-B-M. – Knorring, K. G. – Krüdener, J. – Leben Und Schicksale – Rosen-Müller – Saint-Martin, L-C. – Sal(t)zmann, F-R. – Schelling, F. W. – Schlegel, A-G – Schlegel, F – Stransky, F. O. – Tieck, F. – Werner, F. L. Z.
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Sommaire
1805
BOURBON, Louise Bathilde d’Orléans, duchesse de
Janvier-février 1805
« […] le diable étant le prince de ce monde domine ses sujets en leur persuadant qu’il n’existe pas, et il les arme contre tout ce qui serait capable de les éclairer sur sa domination et leur esclavage. Voilà la raison du mépris que l’on fait des ouvrages de Mr de Saint-Martin, de Mad. Guyon, et de tant d’autres. Quant à moi, je proteste qu’ils font mon bonheur, et je trouve au fond de mon cœur, et dans toutes les circonstances de la vie, la conviction la plus frappante des vérités qu’ils développent avec tant d’esprit et d’intelligence. »
Duchesse de Bourbon à Ruffein, janvier ou début février 1805. Correspondance entre Mme de B… et Mr R… sur leurs opinions religieuses, Barcelone, 1812-1813, t. I.
BAADER, Franz von
22 mars 1805
« Brief und Kleukers Buch habe ich richtig erhalten. — Ich danke herzlich für beide und werde das Buch bei meiner nächsten Reise nach Landshut (Anfang Mais) zurückstellen. Dass ich Euch Schwärmern Böhms Mysterium nicht zuschicken kann, daran ist eine mühevolle Arbeit schuld, die ich mit diesem alten-Narren ! nennen ihn die Zafen ! — seit einiger Zeit anfing — eine Parallele mit ihm und mit St. Martin. Als Bergmann grabe ich schon seit Jahren unter Tage und höre von dem Geschwätze nichts, das über mir verschallt. — Ich habe manches gefunden, von dem die Schwätzer nichts wissen, aber das Beste liegt noch unter mir und nur manchmal erfreut mich der Klang des Vergrabenen ! Per ignem ad lucem ! Durch den heiss brennenden Schmerz der Unwissenheit zur Erkenntnis ! und man kommt nun durch diese Höllenfahrt der Selbserkenntnis zum Himmel des klaren Wahrnehmens. — Übrigens rate ich ernstlich, St. Martins sämtliche vielen Schriften (auch Kleukers Magikon) erst zu lesen, eh man mit Böhm anfängt, denn jene sind die beste Einleitung dazu — wozu sie Martin selber empfiehlt. — Von leztern kann ich das Verzeichnis schicken, das ich aber H. P. Röschlaub bereits einmal gab. »
(« J’ai bien reçu la lettre, ainsi que le livre de Kleuker. Merci de tout cœur pour les deux ; je mettrai le livre de côté, lors de mon prochain voyage à Landshut (début mai). Si je ne puis vous envoyer maintenant, à vous autres Schwärmern, le Mysterium de Bœhme, c’est à cause d’un travail laborieux que j’ai entrepris depuis quelque temps sur ce-fou ! comme l’appellent les […] ! —, un parallèle entre lui et St Martin. Comme mineur je creuse, depuis des années déjà, sous la terre et n’entends rien du bavardage, qui cesse de retentir à mes oreilles. J’ai trouvé maintes choses dont les bavards ne savent rien, mais les meilleures sont encore enfouies sous moi et parfois seulement leur écho parvient à mes oreilles ! Per ignem ad lucem ! À travers la douleur cuisante de l’ignorance, pour parvenir à la connaissance ! Et alors, par ce voyage aux enfers de la connaissance de soi, on parvient au ciel de la perception claire. — D’ailleurs je conseille sérieusement de lire d’abord tous les nombreux écrits de St Martin (et aussi le Magikon de Kleuker) avant de se mettre à Bœhme car ils en sont la meilleure introduction — c’est pour cela que Martin lui-même les recommande. De ces œuvres je puis envoyer la liste, mais c’est celle qu’il m’est déjà arrivé de donner à H. P. Röschlaub. »)
Lettre de Franz von Baader à Sailer, 22 mars 1805. Susini, Eugène, Lettres inédites de Franz von Baader, Paris, P.U.F., 1967, t. I, p. 241-242.
Susini précise in t. II, p. 118 : « Le livre de Kleuker, dont Baader accuse réception, est la compilation de Saint-Martin intitulée Magikon. »
BERNHARDI-TIECK, Sophie
24 juillet 1805
« Knorring vous envoie son meilleur souvenir et vous prie de vous souvenir enfin, aussitôt que vous le pourrez, de la promesse relative à Saint-Martin. »
Lettre de Sophie Bernhardi-Tieck à Auguste-Guillaume Schlegel, Rome, 24 juillet 1805. Körner, J., Krisenjahre, I, 220.
SCHLEGEL, Auguste-Guillaume
8 août 1805
« Mille souvenirs aux enfants et recommandez-moi amicalement à Knorring. Je vais essayer de me procurer les œuvres de Saint-Martin, mais comment puis-je seulement les faire parvenir à Rome ? »
Lettre d’Auguste-Guillaume Schlegel à Sophie Bernhardi-Tieck, Coppet, 8 août 1805 (réponse à la précédente) (réponse à la lettre de Sophie Bernhardi-Tieck datée du 24 juillet 1805. Voir « BERNHARDI-TIECK, Sophie). Körner, J., Krisenjahre, I, 224.
SCHLEGEL, Auguste-Guillaume
20 septembre 1805
« Mon plus amical souvenir à Knorring ; les œuvres de Saint-Martin doivent d’abord venir de Paris, il n’y a ici presque rien de lui. »
Lettre d’Auguste-Guillaume Schlegel à Sophie Bernhardi-Tieck, Coppet, 20 septembre 1805. Körner, J., Krisenjahre, I, 235.
FAURE, André
18 septembre 1805
« J’aurai encore, je l’espère, bien des moments de libres, que je destinerai à l’étude de la science la plus importante pour l’homme, étude qu’il doit suivre tous les jours, et où il lui faut sans cesse renouveler son travail. Il y a à Grenoble quelques hommes de désir, qui, imbus de connaissances de ce genre, ne sont cependant pas f. m. Je sais qu’ils désirent de se lier particulièrement avec moi pour avoir quelques éclaircissements sur cette science qui, par les livres de M. de S. M. est aujourd’hui assez généralement répandue, mais peu comprise. M’autoriseriez vous, mon B[ien] a[imé] f[rère] à communiquer à ceux d’entre eux à qui je reconnaîtrais du fonds, une conduite éprouvée et le sincère désir du bien, les grades de la F[ranc] m[açonnerie] et les Introductions de notre O[rdre] ? »
André Faure à J.-B. Willermoz, 18 septembre 1805, Beauregard. Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Willermoz, cote 5888.
DIVONNE, comte Louis de
1805
La Voix qui crie dans le désert, par Lodoïk, Paris, Levrault et Schœll, an XIII (1805).
Saint-Martin est évoqué dans l’introduction de cet ouvrage qui est d’inspiration nettement saint-martinienne.
ROSEN-MÜLLER
1805
« L’écrit de Monsieur de Laverne est rédigé dans un style modeste ; il ne lui échappe que rarement une expression forte. Il prend le masque d’un philosophe chrétien et ne veut pas se présenter comme le défenseur des audaces pontificales. Dans ses principes philosophiques, il suit Kant et St Martin, qu’il considère comme les plus grands philosophes de notre époque et dont il loue infiniment les mérites qu’ils se sont acquis à l’égard du christianisme. Mais on comprend très vite qu’il n’en comprend aucun des deux véritablement. »
Darstellung der Reformation Luther’s ihres Geistes und ihrer Wirkungen von Charles Villers… aus den französischen nach der zweiten Ausgabe übersetzt von N. P. Stampeel, nebst einer Vorrede von D. Johann Georg Rosenmüller superintendent in Leipzig, Leipzig, 1805, bey Johann Conrad Hinrichs., p. V.
La préface de Rosenmüller est entièrement conçue comme une réponse polémique à Laverne et une défense de Villers. Traduit d’après la seconde édition, l’ouvrage comporte donc aussi la traduction de la préface de la 2e édition dans laquelle Villers revient sur Saint-Martin à propos du Ministère de l’homme-esprit.
STRANSKY, Franz Otto van
1805
« L’univers matériel est, comme nous l’avons déjà dit souvent, la périphérie de la nature psychique et symbolise partout la ligne courbe ; de là vient que la courbure suit le caractère propre de la sensualité, la droite y est vaincue comme les nombres premiers dans le zéro. L’eau montre le mieux cette courbure concentrique, car elle dissout les écarts du fixe et du passager. C’est ainsi que notre planète a une forme courbe ; tous les calculs et les observations s’accordent là-dessus. En conséquence la nature psychique en général serait dans le même rapport à la nature matérielle et sensuelle, que le principe à la périphérie — rapport qui est le même que celui du 1 au 0. De la même façon la droite est le principe de la courbe, et son intime ; de la vient que la géométrie des sphères soit en fait la géométrie inférieure. Cette vue profonde sur la géométrie appartient à un français peu connu, ce qui est pourtant tout à fait conforme au temps présent. Sur cet objet, il affirme, entre autres, ce qui suit :
« Ainsi, les géomètres conviennent par là qu’ils ont besoin de connaître la ligne droite avant de déterminer leurs courbes. Ajoutons, que c’est en ramenant leurs courbes à la ligne droite, qu’ils parviennent à les rectifier et à les quarrer. La ligne droite est donc le principe et la fin de toute la géométrie. D’après cela, j’oserai avancer une idée qui paraîtra bizarre, mais qui, peut-être, n’en sera pas moins vraie ; c’est que la géométrie des lignes droites, est la véritable géométrie transcendante, puisqu’elle est la génératrice de la géométrie des courbes ; en outre, cette géométrie des lignes droites est plus centrale, plus interne, et plus réellement cachée à nos connaissances que la géométrie des courbes, puisqu’elle n’agit que dans le cercle ou l’enveloppe des choses, tandis que la géométrie des courbes n’agit qu’à leur surface, et n’en compose que la circonférence et le périmètre. »
Beleuchtungen physiologischer und psychologischer Gegenstände, von F. H. d. r. R. fen. Rr. v. Stransky v. Stranska v. Greiffenfels, Dr der Philosophie u. Medizin. Erster Teil, Bamberg und Würzburg, bei Joseph Anton Göbhardt,1805, p. 152-154.
Le « français peu connu » auquel fait allusion Stransky est Saint-Martin. Le texte cité est en effet un extrait de De l’esprit des choses, ou coup d’œil philosophique sur la nature des êtres et sur l’objet de leur existence. Par le Philosophe Inconnu, Paris, Laran, Debrai, Fayolle, an VIII, t. I, p. 314.
LEBEN UND SCHICKSALE des unbekannten Philosophen Saint-Martin,
Stifter des Ordens der wohlthätigen Ritter vom neuen Jerusalem
1805
Erfurt, 1805, « in der Henning’schen Buchhandlung », 3 vol, p. 248, 237, 264.
Cette grosse biographie de Saint-Martin, anonyme, est absolument fantaisiste. Quelques rares rapports avec la réalité en rendent cependant la lecture amusante. Récit d’aventures plus ou moins fantastiques, et bien dans le goût de l’époque.
1806
BERNHARDI-TIECK, Sophie
18 septembre 1806
« Knorring vous remercie chaleureusement pour le Saint-Martin, il souhaite seulement savoir quelles sont les parties que vous avez pour qu’il puisse à l’occasion se procurer les autres. »
Sophie Bernhardi-Tieck à Auguste-Guillaume Schlegel, Rome, 13 septembre 1806. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, vol. I, p. 366.
BIOGRAPHIE MODERNE
1806
« SAINT-MARTIN (N.) chef de la secte des Martinistes, naquit à Amboise, d’une famille distinguée par ses services milit., et devint lieut. dans le régim. de Foix. Mais son amour pour le calme ne pouvant s’accorder avec le tumulte des armes, il obtint sa retraite après 6 ans de service, se mit à voyager, et vint à Lyon, où il resta 3 ans, solitaire et presque inconnu. Il se retira ensuite à Paris, où sa vie paisible et obscure le mit à l’abri des fureurs de la révol., qui le trouva impassible, sans crainte comme sans enthousiasme, n’éprouvant ni ne blâmant rien avec excès ; son âme, repliée sur elle-même, ne parut jamais oublier un moment les idées philosophiques qui lui étaient chères. Il est mort à Aunai, dans la maison du sénateur Lenoir-Laroche, en 1804, à l’âge de 62 ans. Saint-Martin doit sa réputation au livre intitulé : des Erreurs et de la Vérité, ou les Hommes rappelés au principe universel de la science : il parut en 1775, et a eu un grand nombre d’éditions. [Suit une citation, depuis « … c’est pour avoir oublié les principes dont je traite… » jusqu’à « … j’y parle quelquefois de toute autre chose que de ce dont je parais traiter. »] On sent qu’avec une pareille explication, on peut être obscur et inintelligible tout à son aise, et l’auteur, à cet égard, tient tout ce qu’il promet. Ses raisonnements, pour les lecteurs vulgaires, paraissent ceux d’un fou; mais ses disciples appelés Martinistes, du nom de leur maître, les révèrent comme ceux d’un sage. On a imprimé à Londres en anglais, un ouvrage en 2 volumes comme une suite de celui de Saint-Martin, mais celui-ci n’y a eu aucune part; et cette prétendue suite, dit-on, n’a aucun rapport avec la base du système et les opinions de l’auteur. Saint-Martin a encore publié un volume, sous le titre : Tableau de l’ordre naturel. Comme il était un peu moins obscur que le précédent, il a obtenu moins de succès. »
Biographie moderne, ou dictionnaire biographique, de tous les hommes morts ou vivants qui ont marqué la fin du XVIIIe siècle…, 2e édition, Leipzig, P. S. Besson, 1806, t. IV, p. 253.
GENCE, Jean-Baptiste-Modeste
1806
Dieu, l’être infini, […] – p. 46, n. 4 : « La matière ne peut être son principe à elle-même » (dit Saint-Martin) « parce qu’elle n’est point un être simple. »
p. 47, n. 2 : « La pensée et le désir, quand l’une a pour objet la connaissance du vrai et du grand, et l’autre l’amour du beau et du bon, sont les deux voies principales par où le nom de la Divinité ou son signe se révèle à l’homme. La première voie est appelée par Saint-Martin la voie rationnelle, lorsque le signe ou l’indice de la Divinité se manifeste à l’entendement humain ; la 2°, la voie sentimentale lorsqu’il s’imprime dans l’âme ou dans le cœur de l’homme. »
p. 54, n. : « … la terre est ma prison » : Cette idée se trouve développée dans le Ministère de l’Homme Esp., par Saint-Martin, dont les écrits non moins philosophiques que religieux m ‘ étaient inconnus. Il faut voir (p. 122 et ss ) comment et pourquoi la terre est une prison. »
p. 57, n. : « … mon âme a faim d’une autre vie » : C’est ce que l’homme de ce siècle qui a peut-être le mieux connu la vraie philosophie pensée à sa source profonde, appelle énergiquement la faim divine (Minist. de l’homme-esp., p. 71). »
p. 67, n : « J’ai lu le livre des Trois Principes, traduit par Saint-Martin. Si dans cet ouvrage, d’ailleurs sublime, l’esprit se rencontre au sein de la clarté, et la confusion au milieu de l’ordre, ce n’est la faute ni de l’auteur, ni du traducteur : c’est celle de l’homme, ou de son organe. L’écrivain, dans un style presque évangélique, exprime les choses de Dieu avec autant de simplicité que de profondeur : mais le langage humain, quelque élevé qu’il soit, est toujours un langage ; et Dieu est ineffable. »
Dieu, l’être infini, ou le principe vers lequel tend l’intelligence humaine, Ode, Paris, Migneret, 1806, p. 46 n. 4, p. 47 n. 2, 54 n., p. 57 n. et p. 67 n.
1807
KNORRING, Karl Gregor von
11 mai 1807
« Vous avez été assez bon, cher ami, pour accepter de me procurer les œuvres de Saint-Martin et vous avez eu aussi réellement la bonté d’en rassembler quelques unes pendant votre séjour à Paris, je souhaiterais seulement savoir quelles sont celles que vous possédez. Celles que j’ai pu me procurer en Allemagne sont 1) les erreurs et la vérité, 2) le Crocodile, 3) l’aurore naissante qui est la traduction de la Morgenrothe de Boehm. Si vous n’avez pas encore ces œuvres, ce n’est pas la peine de les acheter pour moi, mais je vous serais très reconnaissant de le faire pour les autres car je ne les ai pas encore obtenues jusqu’à présent. Si vous en avez la possibilité, vous me ferez aussi un grand plaisir en vous renseignant sur les plus marquants de ses disciples qui se trouvent particulièrement à Lyon et à Paris et en me communiquant leur nom et leur état (= Stand) autant que vous pourrez les connaître. Excusez-moi, très cher ami, de vous importuner de tant de demandes, elles vous marquent que je compte toujours sur votre ancienne bonté. »
Karl Gregor von Knorring à Auguste-Guillaume Schlegel, Prague, 11 mai 1807. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, Brünn, Leipzig, Wien, 1936-1937, vol. I, p. 405 .
SAINT-MARTIN, Louis-Claude de
1807
Œuvres posthumes de Mr de St Martin, t. I
Tome I :
Avertissement des éditeurs, p. V à XXIII.
Extrait de la Notice de Tourlet, p. XXIV à XXX. (Il est précisé à propos de cette notice qu’elle a été publiée dans Le Moniteur, et réimprimée depuis dans Le Mercure avec quelques notes critiques.)
« Recherches sur la doctrine des Théosophes », p. 147-170 (« Le morceau », est-il précisé dans la note de la p. 147, « composé par un des amis de M. de S. Martin, était destiné à servir d’introduction au Recueil de ses œuvres posthumes. Il nous est parvenu trop tard pour être placé, comme il devait l’être, au commencement de ce volume; mais nous n’avons pas voulu en priver nos lecteurs. »)
En appendice et avec pagination spéciale : Notice historique sur les principaux ouvrages du Philosophe inconnu et sur leur auteur Louis-Claude de Saint-Martin, p. 3-20, signé Tourlet. Il s’agit de la version intégrale de la Notice dont un extrait figure en tête du volume.
L’annotation de la Notice est d’une autre main et rectifie à plusieurs reprises, ou nuance les assertions de Tourlet : cf. p. 5 et 15, mais la longue note des p. 18-19 est de Tourlet.
« Une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles », p. 21-24, signé J. M. D. (sans doute de Gerando).
« Extrait du Mercure de France. Œuvres posthumes de M. de Saint-Martin», p. I-II, signé R. T. (Tourlet).
Œuvres posthumes de Mr de St Martin, t. I et II, « chez Letourmy à Tours », 1807.
SCHLEGEL, Frédéric
11 juin 1807
« Sois donc assez bon pour m’envoyer une liste aussi complète que possible des écrits de St-Martin, accompagnée de l’indication si on peut les acheter à Genève, à Strasbourg, à Paris ou ailleurs encore, Hardenberg me l’a demandé. »
Frédéric à Auguste-Guillaume Schlegel, Cologne, 11 juin 1807. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, Brünn, Leipzig, Wien, 1936-1937, vol. I, p. 412.
Korner ajoute (II, 238) que l’attention de Karl von Hardenberg a sans doute été attirée sur Saint-Martin par son hôte et ami Knorring.
1808
SAL(T)ZMANN, Friedrich-Rudolf
5-10 mars 1808
Salzmann demande à Jung-Stilling d’emmener Mme de Krüdener — actuellement en visite chez celui-ci —, afin de parler avec elle de Saint-Martin. Salzmann s’étonne que Mme de Krüdener, qui pourtant a connu Saint-Martin, ne semble pas capable de s’intéresser à J. Bohme.
Lettres de Salzmann à Jung-Stilling, 5 et 10 mars 1808. Fonds Jung-Stilling, université de Bâle. Cf. GEIGER, Max, Aufklarung und Erweckung, Zurich, E.V.Z., 1963, p. 211 et 573, n° 8.
SAL(T)ZMANN, Friedrich-Rudolf
4-27 avril 1808
Salzmann demande à Jung-Stilling que Mme de Krüdener — actuellement en visite chez celui-ci — lui procure des adresses d’amis de Saint-Martin à Paris. Car Salzmann s’apprête à se rendre dans la capitale. Ce vœu sera exaucé.
Lettres de Salzmann à Jung-Stilling, 4 et 27 avril 1808. Fonds Jung-Stilling, université de Bâle. Cf. GEIGER, Max, Aufklarung und Erweckung, Zurich, E.V.Z., 1963, p. 270 et 573.
BONSTETTEN, Charles Victor de
12 octobre 1808
« Rien n’est plus changé que Coppet. Tu verras, les gens deviendront tous catholiques, bœhmistes, martinistes, mystiques, tout cela grâce à S…, et, par-dessus le marché, tout devient allemand. Il y a trois jours, Vogt a présenté une lecture du « Nathan » de Lessing en allemand ; des jours entiers on ne voit que des allemands ; les employés comprennent à peine le français. Oehlenschlaer habite ici : un jeune et beau danois ; Overbeck et Werner arrivent ; tous les allemands et les américains parlent ici en société. Hier c’était quelqu’un qui t’a vue il y a deux semaines à Livourne. À Genève, les P… mesmérisent. — Quand Mme de Staël est seule dans sa voiture, elle lit de la mystique ! Ils répètent actuellement un drame biblique la « Sunnamite» dans lequel Ézéchiel (Constant) ressuscite B… S** veut expliquer la Trinité par son œuvre. Je déteste et j’exècre tout cela — que se passerait-il si Mme de Staël ne restait pas toujours bonne et aimante pour moi ! Quand je suis ici, je ne sais jamais comment m’en sortir ; cela lui fait véritablement mal quand je m’en vais. Si nous devons jamais vivre ensemble, ne va surtout pas me devenir mystique. Mme de Krüdener aussi est passée rapidement. Elle est complètement folle et ne parla avec Mme de Staël que du ciel et de l’enfer. Ce spectacle me dégoûte comme des assa fœtida ; mais, si l’on ne m’approche pas de trop près, les gens m’amusent. Vogt se tortille de façon tout à fait amusante dans le oui et le non. Il revient au printemps prochain. Si Genève devient trop mystique, j’irai à Paris ou en Sicile. Auguste de Staël part pour l’Amérique. »
Bonstetten à F. Brun, Coppet, 12 octobre 1809, une date que Pierre KOHLER, dans Mme de Staël et la Suisse, Paris, Payot, 1916, propose à juste titre de corriger pour 1808. Briefe von Karl Viktor von Bonstetten an Friederike Brun, hrsg von Friedrich Matthison, Frankfurt am Main, 1829, 2 vol, vol. I, p. 282-283
Le texte est célèbre. Kohler (op. cit., p. 347) indique déjà qu’il est souvent cité, ce qui ne l’empêche pas d’en donner un fragment (Ibid. p. 482-483). À son tour, Auguste VIATTE (Les Sources occultes du romantisme, Paris, Champion, 1965, t. II, p. 103-104) en donne quelques lignes. La comtesse de PANGE (Auguste-Guillaume Schlegel et Mme de Staël, Paris, 1938, p. 239) redonne un fragment de la traduction de Kohler.
La traduction intégrale du passage sur la métamorphose de Coppet mérite quelques éclaircissements :
S… ou S** représente Auguste-Guillaume Schlegel.
Riche baron allemand, Voght avait été introduit à Coppet par Mme Récamier.
Oehlenschlager, dramaturge danois, séjourne, en cette fin de 1808, quatre mois à Coppet avant de partir pour Rome.
Sénateur de la ville de Lübeck et poète, Overbeck séjournait avec sa fille à Coppet.
Les P… sont les Pictet. Très malade, leur fils suit une cure magnétique.
assa fœtida = des herbes fétides.
Auguste est le fils aîné de Mme de Staël, né de sa liaison avec Narbonne
« De là résultat, dans quelques têtes qui se prêtèrent à ce mélange, la doctrine la plus excentrique, et souvent la plus bizarre. Le plus fameux de ces mystiques théosophes a été un cordonnier de Gœrlitz en Lusace, Jacob Boehm, dont les écrits, lus avec avidité, lui firent une foule de sectateurs dans tout le nord de l’Europe ; il en fût même de très illustres par leur savoir. Je ne citerai que les deux Van Helmont, père et fils, de Bruxelles, et Pierre Poiret, de Metz. À une époque toute voisine de nous on pourrait encore compter Swedenborg et la secte des martinistes, parmi lesquels Paracelse et Bœhme sont encore en grand honneur (1). Il est certain que ce Bœhme, et quelques autres mystiques, ont été des hommes d’un génie extraordinaire ; et que telle de leurs idées mérite un rang aussi honorable dans la haute philosophie, que telle découverte de Paracelse et des souffleurs d’or en mérite une dans la chimie.
(1) M. de Saint-Martin, mort en octobre 1803, un des génies les plus remarquables qu’ait produits la France, mais dans un genre qui intéresse peu de personnes, a traduit en français deux ouvrages de Jacob BOEHM, l’Aurore naissante et les trois Principes. Au reste, M. de Saint-Martin n’est point, comme on l’a cru, fondateur de la secte des martinistes. »
Essai sur l’esprit et l’influence de la Réformation de Luther, ouvrage qui a remporté le prix sur cette question proposée dans la séance publique du 15 germinal, an X [5 avril 1802] par l’Institut national de France, 3 e édit., Paris, Didot jeune, 1808, p. 291-292. Ni la première, ni la seconde édition, Paris-Metz, 1804, ne comportaient la note sur Saint-Martin.
WERNER, Friedrich Ludwig Zacharias
1808
« Longue conversation avec Schlegel sur l’univers et la nature comme organismes vivants et sur la faculté plus grande qu’a le monde végétal de se rapprocher de Dieu par rapport au monde animal : dans ce dernier en effet, le Diable, autant que pouvoir lui en a été donné au moment de la création, agit de façon productive, tandis que dans le domaine minéral, il n’agit que comme un coagulant (erstarrend). Idée que les animaux sont les rêves, tandis que les hommes sont les pensées de la nature ou de la terre — qu’incontestablement elle aussi était meilleure au commencement, qu’elle est tombée avec l’homme, qu’elle participe avec lui à la réconciliation accomplie par le Christ, qu’elle s’élèvera progressivement jusqu’à Dieu et que si tous les hommes (qui sont les pensées de la terre) devaient devenir irréligieux, ceci entraînerait leur perte infaillible et la venue du dernier jour. Idée que la terre, comme les étoiles, a une vie libre, que celles-ci agissent sur la terre avec spontanéité, comme cela se passe pour la lune (celle-ci devant être considérée comme la demeure de la mort et des réprouvés) et que les calculs des astronomes sur leur cours constituent aussi peu une preuve contre leur liberté que le pouls de l’homme, qu’il faut aussi mesurer, n’en constitue une contre sa liberté (en effet la vie intérieure des étoiles et leurs combinaisons internes ne sont pas matière à calcul). Plus l’existence de l’homme a été longue, plus il s’est enveloppé d’une matière qui, de son côté, a été s’épaississant — voilà qui est prouvé en partie par le manque actuel d’apparition des esprits, en partie aussi par le fait que les astronomes anciens pouvaient voir à l’œil nu les satellites de Jupiter, alors que nous pouvons à peine aujourd’hui les découvrir avec des télescopes, ce qui prouve non seulement que leurs yeux devaient être plus perçants, mais aussi que l’atmosphère a dû être plus mince. Idée que le système astronomique qui enseigne le mouvement de la terre autour du soleil est nuisible aussi bien à l’art qu’au christianisme puisqu’il éveille des doutes sur la rédemption des autres parties du monde, que cette théorie était déjà connue de Pythagore mais, qu’en raison de son influence néfaste sur le peuple, elle a été sagement traitée comme un mystère, qu’il faut, puisqu’il n’est désormais plus possible de ruiner cette théorie prêcher le christianisme à partir de motifs plus profonds et non pas le prouver en partant de limites aussi étroites que celles adoptées par Stolberg qui s’effarouche du récit mosaïque de la création qui est allégorie exactement comme Adam et Ève pourraient être un couple humain typique. Idée enfin qu’il faut nécessairement que je lise St Martin, qui, en dehors de sa toute première œuvre des erreurs et de la vérité ; aurait encore beaucoup écrit et aurait, grâce à Jacob Bœhme, de profondes idées illuminées. »
Die Tagebücher des Dichters Zacharias Werner, hrsg und erlaütert von Oswald Floeck, Bd I, Leipzig, 1939, p. 37-38.
Un assez long extrait de ce texte est donné par Auguste VIATTE, Les Sources occultes du romantisme, Paris, Champion, 1965, t. II, p. 104-105.
1809
KRÜDENER, Juliette de
16 mars 1809
« Vous me demandez ce que je pense de l’ouvrage de M. Jung Stilling. Je vous réponds : lisez ce que dit Pline, ce que raconte Cicéron, ce qui arriva à Pétrarque au sujet du cardinal de Commène (?), ce qu’écrit Kant (assurément point suspect) à Mlle de Knobl… (Knoblauch ?) dont il avait été le précepteur, Kant, si aride, si philosophe, et que je connaissais beaucoup, par bien des circonstances, et je vous dirai : Tous les siècles vous répondront, et des messieurs vous répondront pour moi. Ensuite, M. Stilling peut s’être trompé sur bien des idées relatives à sa théorie, ensuite il aurait dû penser que le public est comme les enfants à l’école, à qui on ne dit pas tout ce qu’on dit aux grandes personnes ; que le public d’ailleurs est toujours lâche, et que tel individu, convaincu d ‘ une chose pour lui-même, ne hasarde jamais son opinion ouvertement en public, dès qu’il peut craindre le ridicule ; tous les hommes sont à peu près comme cela. Ceux qui ont le courage de combattre pour la vérité sont en si petit nombre contre la grande armée composée d’aveugles, d’ignorants et de poltrons, mais la grande armée se croit une puissance, et elle l’est bien par les aveugles et les poltrons. Cependant, elle s’efface de la terre, il ne reste rien d’elle, et ceux qui vécurent par la vérité forment le nuage de témoins qui s’attache aux Cieux. Au reste, tout ce qui tient à ces opinions n’est point si important pour ceux qui comme vous sont convaincus de l’immortalité de l’âme, et je dis comme Saint-Martin, qu’on a tant calomnié aussi : « S’il y avait des esprits dans l’autre chambre, je ne me lèverais pas pour les voir. »
À quoi bon s’occuper de cela ? Tant de contes et de fables se mêlent à ces choses. Seulement il y a de l’absurdité à rejeter des choses, dont nous retrouvons les indications dans la nature humaine dont les traces sont si profondément empreintes qu’elles sont étroitement confondues avec les mœurs et les opinions de tous les peuples : lisez la relation de ce jeune capitaine anglais, entre autres, au sujet du jeune Liban (?), et mille autres…
Voyez la terreur seulement, terreur tout autre que celle des autres dangers que chacun éprouve. Il y a de la folie de croire que ce soient les contes des nourrices qui produisent ces effets ; pourquoi oublions-nous mille autres contes ? Le soldat le plus aguerri tremble devant l’idée d’une apparition, il est donc peu philosophique de ne pas chercher les racines de ces singulières indications, de ces opinions de tous les âges, plus haut que dans les dissertations du 18e ou du 19e siècle, qui s’est d’ailleurs couvert de ténèbres de toutes les bêtises, de toutes les extravagances. »
Mme de Krüdener à Mme de Staël, Boningheim, près de Ludwigsburg, 16 mars 1809. Cette lettre a été plusieurs fois citée :
- Elle est publiée pour la première fois par Haussonville.
- Un long extrait — sans toutefois le passage sur Saint-Martin et Jung-Stilling — est ensuite donné par F. LEY en 1961 dans Mme de Krüdener et son temps.
Ce passage précis est redonné par le même F. LEY, en 1967, dans son ouvrage sur Bernardin de St Pierre, Mme de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant et Mme de Krüdener, Paris, Aubier, 1967, p. 157-158.
Les paragraphes cités constituent une réponse à la demande faite à Mme de Krüdener par Mme de Staël, dans sa lettre du 5 février 1809 : « Que pensez-vous de Jung-Stilling et de son livre sur les esprits ? » (Cité dans F. LEY, Mme de Krüdener et son temps, p. 632).
TIECK, Friedrich
24 avril 1809
« Baader ne s’est pas encore montré quoique le port des livres aurait bien mérité des remerciements… »
Friedrich Tieck à Auguste-Guillaume Schlegel, Munich, 24 avril 1809. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, Brünn, Leipzig, Wien, 1936-1937, vol. II, p. 32.
L’analyse de la correspondance montre par recoupements qu’il s’agit des œuvres posthumes de Saint-Martin. Baader tarde trois mois (jusqu’au 25 juillet) à répondre.
SCHELLING, Friedrich Wilhelm
2 mai 1809
« Vous avez fait un grand plaisir à Baader en lui envoyant les œuvres posthumes de St-Martin. Il vous aura sans doute déjà remercié ou le fera prochainement. »
Friedrich Schelling à Auguste-Guillaume Schlegel Munich, 2 mai 1809. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, Brünn, Leipzig, Wien, 1936-1937, vol. II, p. 36.
BAADER, Franz von
25 juillet 1809
« Je suis enfin en mesure d’envoyer à votre Excellence comme maigre remerciement pour les Œuvres posthumes de St Martin que j’ai bien reçues par M. Tieck et qui m’ont fait tant plaisir, mon dernier petit livre qui vient de paraître ; il vous marquera ma reconnaissance. Vous aurez la bonté de ne pas vous arrêter à quelques petites fautes d’impression, ni au profond négligée (1) avec lequel je me manifeste dans cet écrit ; je me suis en quelque sorte contenté d’y prendre position et d’indiquer seulement en « Short hand writing » une foule d’objets. Il suffit de rappeler au physicien sans esprit l’esprit de la matière, le Spiritum mundi ou le Sidereum des Anciens (qui pourtant est immundus, mais n’est pas encore le Saint-Esprit, contrairement à ce que pensent désormais des philosophes de la nature d’aujourd’hui) — de rappeler au théologien le saint Esprit de vie, et au philosophe l’esprit mauvais ou le diable ; ce but, mon livre ne le ratera pas, je l’espère, et ainsi il gênera en quelque matière celui dont j’ai parlé en dernier, l’esprit mauvais.
L’ouvrage de M. votre frère sur l’Inde a, particulièrement du point de vue de la théorie du langage (Sprachkunde), le grand mérite d’avoir découvert la différence entre la langue organique et la langue inorganique. Cette perspective mène loin et on verra en fin de compte que s’il est vrai que la langue organique a complètement disparu comme langue primitive et que si sa disparition a donné naissance aux langues mécaniques, la double série qu’elles forment et qu’a remarquée votre frère est présente à travers les époques. J. Bohm dans son Mysterium Magnum a indiqué la même chose en distinguant la langue sensualiste de la langue mentale et il a déposé là une clé qui n’est parvenue à la connaissance que d’un très petit nombre de personnes. De même que tout obéit à une loi, de même la dispersion et la séparation du cœur des hommes dans des langues et des peuples particuliers obéit à une même et unique loi et celui qui comprendrait l’esprit des lettres pourrait construire a priori à partir d’elles la multitude de leur diversification — J. Bohm lui-même a donné des indications pour une telle tâche.
D’ailleurs dès que de nouveau j’aurai fait connaître les œuvres de ce philosophe véritablement allemand ainsi que son système de la lumière (ce qui pourrait peut-être déjà arriver d’ici quelques années), on verra à quel point nous, les allemands, sommes restés orientalistes et combien le système de la lumière des Parses n’est qu’un faible bavardage sur le système de la lumière et du feu de J. Bohm.
Puisque votre Excellence aura sans doute fait à Paris la connaissance de tel ou tel ami intime du bienheureux Martin, vous m’obligeriez beaucoup si vous pouviez m’obtenir une adresse afin d’entrer en relation avec cet homme au sujet du caractère propre de ses hautes sciences (1) . Martin lui-même ne reçut pas les grandes Vérités (1) de première main, comme J. B., mais de seconde main ou par la tradition et c’est justement ce qui se laisse transmettre et recevoir. Un certain M. Gilbert à Paris (connu par sa connaissance des langues) a été l’un des amis les plus intimes de Martin et possède toute son œuvre littéraire posthume. — Connaissez-vous cet homme ?
Depuis longtemps, pour bien des raisons, je n’ai ici aucun contact avec M. Tieck, ni avec sa famille et la divina Comedia qu’ils semblent jouer ne me convient pas.
Soyez assurés de ma haute estime et de mon dévouement. »
Franz von Baader à Auguste-Guillaume Schlegel, Munich, 25 juillet 1809. Briefe an Friedrich Schlegel, hrsg von H. Finke, Koln, 1917, p. 27-28. Les première et dernière phrases de cette lettre ont été reprises dans Joseph KORNER, Krisenjahre der Frühromantik, Bern, 1958, vol. III, p. 400.
(1) En français dans l’original allemand.
SCHLEGEL, Auguste-Guillaume
19 août 1809
« J’ai lu avec un très grand intérêt vos recherches philosophiques. Vous traitez là la question des questions, celle qui depuis toujours a inquiété les hommes sérieux et doués de sentiment, et qui les a poussés à s’adresser à la philosophie et à la révélation, lorsque, comme ce fut le plus souvent le cas, la réponse de celle-ci leur parut peu satisfaisante. Car, s’il est vrai que l’esprit humain est habité par le désir désintéressé de rechercher la vérité en tant que telle, le sentiment réclame quelque chose de plus : il ne lui suffit pas de parvenir à une conviction consolante. Ceci m’a depuis longtemps conduit à puiser à la source de nos Saintes Écritures et de quelques théosophes qui me conviennent particulièrement et à ne considérer la philosophie que comme un passage nécessaire jusqu’à ce but. Cette attitude se justifie d’autant mieux que je me rends compte que, lorsque les philosophes veulent faire quelque chose de plus que de repousser les questions sur l’origine du mal physique et moral et de rejeter comme imparfaite la situation générale, ils sont forcés d ‘ avancer des prétentions théosophiques, d’établir une cosmogonie et jusqu’à un certain point même une théogonie — un procédé de description historique qui contredit pourtant proprement la forme scientifique.
Je suis incapable de juger convenablement l’art philosophique employé à fonder et à détruire les doctrines exposées. Par contre dans les résultats, en particulier pour ce qui est de l’essence de la liberté et de la nature positive du mal, je suis tout à fait d’accord avec vous et je crois que mon frère le sera aussi, car sa principale objection contre le panthéisme est précisément qu’il supprime et transforme en pure illusion le combat du bien et du mal dans le monde. […]
Aucun observateur du développement du nouvel idéalisme en Allemagne ne peut manquer de voir qu’il s’est déplacé de l’aphélie, où il se trouvait à sa première apparition, jusque vers la périhélie des conceptions religieuses. […]
De mon côté, je reconnais volontiers que j’ai payé aussi mon tribut à l’époque et que, d’erreurs corruptrices, je suis revenu à des convictions tout à fait autres que j’avais jadis rejetées. […]
Je n’ai toujours pas de réponse de M. Baader à ma lettre qui accompagnait les Œuvres posthumes de St Martin. Je ne sais pas ce qu’on pense d’un tel procédé en Bavière, mais, de ce côté-ci du monde, nous estimerions impoli de ne pas remercier quelqu’un qui, par pur respect, vous rend un service qui ne va pas pour lui sans quelque privation (car je n’ai pas encore pu me procurer à nouveau cet écrit) et qui vous propose, autant qu’il en dispose, des renseignements intéressants.
Je vois maintenant souvent un disciple de St Martin qui m’a promis si je viens à Paris, de me montrer beaucoup de lettres inédites et de fragments de lui et aussi des écrits de Martinez Pasqualis. »
Auguste-Guillaume Schlegel à Friedrich Schelling, Coppet, 19 août 1809. KORNER, Joseph, Krisenjahre der Frühromantik, Brünn, Leipzig, Wien, 1936-1937, vol. II, p. 71.
SCHLEGEL, Auguste-Guillaume
20 décembre 1809
Auguste-Guillaume Schlegel remercie Franz von Baader de l’envoi de son petit ouvrage (Les Contributions à une Philosophie Dynamique, Berlin, 1809) et poursuit ainsi :
« Je serais heureux, pour vous marquer ma gratitude, de vous être utile par quelques indications et j’y viens immédiatement.
de Divonne (jadis comte) s’est à nouveau arrêté cet été quelque temps dans cette région où se trouve, au pied du Jura, son domaine familial qu’il a perdu par l’émigration et j’ai passé bien des heures à discuter de façon curieuse avec lui. Lui-même est l’auteur d’un petit écrit, La Voix qui crie dans le désert, qui a paru en même temps que l’ouvrage du Dr Law qu’il a traduit de l’anglais, Voye de la science divine. Il travaille à une œuvre plus importante dont il m’a lu de remarquables fragments. Il a été un ami intime de Saint-Martin et m’a promis, si je venais à Paris, de me communiquer aussi bien des papiers inédits de celui-ci que des écrits de Martinez Pasqualis qu’il possède. Il n’a aucune part à l’édition des Œuvres posthumes, il ne la cautionne même pas entièrement, on l’a invité trop tard à y participer. Il trouve qu’on aurait dû laisser de côté plusieurs choses, mais qu’on a par contre laissé de côté bien des textes importants. Son adresse est à Paris, rue neuve des Mathurins n° 12, à moins qu’il n’ait déménagé depuis, car il s’est marié récemment. Sans aucun doute, il répondra favorablement à vos questions si vous indiquez que c’est moi qui vous y ai invité. Il vous faudra seulement correspondre en français, car il ne possède pas du tout l’allemand. Il m’a cité aussi Gilbert, mais, si je ne me trompe, comme un homme extérieurement insignifiant et très peu instruit de connaissances savantes, quoiqu’il soit très introduit dans les mystères.
Lui-même n’a plus connu Martinez, mais sait beaucoup de choses sur lui.
Il y a, à Lausanne, un petit cercle d’adeptes de Mme Guyon que dirige un chevalier de Langallerie un homme à l’esprit élevé qui dispose d’une connaissance étonnante de l’homme intérieur. J’ai encore récemment passé quelques jours chez lui. Cette manière de considérer la religion est plus orientée vers la satisfaction interne du cœur et vers l’expérience de révélations particulières immédiates que vers la considération des vérités générales. Pourtant elle ne manque pas de points de contact avec ces dernières. M. de Langallerie et l’un de ses amis m’ont dit, entre autres, beaucoup de choses curieuses sur le magnétisme, sur les voyants et sur la communication avec ceux qui sont absents. Un libraire d’ici, Daniel Pétillet dispose de ce que l’on appelle les écrits mystiques, ou se donne, par pur zèle pour la cause, toute sorte de peine pour vous les procurer.
L’affirmation ésotérique de cette école consiste sans doute en ceci que l’on trouve véritablement dans les écrits de Mme Guyon la troisième révélation de la Trinité, celle de l’Esprit que beaucoup attendent encore.
Il me serait très agréable que ces nouvelles puissent correspondre quelque peu à vos buts. Croyez en tout cas à l’assurance de ma haute considération. Votre dévoué
Auguste-Guillaume Schlegel.
À Vienne, j’ai beaucoup entendu parler, pour ce qui est de la science supérieure, d’un défunt comte de Thun. Je ne sais pas s’il existe là-bas de ses amis intimes.
Mon adresse reste toujours, au château de Coppet, Canton de Vaud. »
Auguste-Guillaume Schlegel à Franz von Baader, Genève, 20 décembre 1809. SUSINI, Eugène, Lettres inédites de Franz von Baader, Paris, P.U.F., 1967, t. IV, p. 66-67.