1° : Mercier, Louis-Sébastien. – Oberkich, Henriette-Louise (d’)
Sommaire
1782
MERCIER, Louis-Sébastien
1782
« […] Une secte nouvelle, composée surtout de jeunes gens, paraît avoir adapté les visions répandues dans un livre intitulé : les Erreurs et la Vérité, ouvrage d’un mystique à la tête échauffée, qui a néanmoins quelques éclairs de génie.
Cette secte est travaillée d’affections vaporeuses, maladie singulièrement commune en France depuis un demi-siècle ; maladie qui favorise tous les écarts de l’imagination, et lui donne une tendance vers ce qui tient du prodige et du surnaturel. Selon cette secte, l’homme est un être dégradé : le mal moral est son propre ouvrage ; il est sorti du centre de vérité ; Dieu, par sa clémence, le retient dans la circonférence, lorsqu’il aurait pu s’en éloigner à l’infini. Le cercle n’est que l’explosion du centre : c’est à l’homme de se rapprocher du centre par la tangente.
Pour pouvoir enfiler cette tangente, les sectateurs de ces idées creuses vivent dans la plus rigoureuse continence, jeûnent jusqu’à tomber dans le marasme, se procurent ainsi des rêves extatiques, et éloignent toutes impressions terrestres, afin de laisser à l’âme une liberté plus entière, et une communication plus facile avec le centre de vérité.
L’activité de l’esprit humain qui s’indigne de son ignorance ; cette ardeur de connaître et de pénétrer les objets par les propres forces de l’entendement ; ce sentiment confus que l’homme porte en lui-même, et qui le détermine à croire qu’il a le germe des plus hautes connaissances : voilà ce qui précipite des imaginations contemplatives dans cette investigation des choses invisibles. Plus elles sont voilées, pus l’homme faible et curieux appelle les prodiges et se confie aux mystères. Le monde imaginaire est pour lui le monde réel. »
Tableau de Paris, Paris, 1783, t. II, chap. CXCL, « Amour du merveilleux ». Voir aussi t. V, chap. DXIX, « Martinistes ». Réédition par Jean-Claude Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, t. I, p. 474-475 et 1425-1428.
1784
OBERKICH, Henriette-Louise, baronne d’
11 juin 1784
« La princesse [duchesse de Bourbon] parlait souvent de Martinez Pasqualis, ce théosophe, ce chef d’illuminés, qui a établi une secte et qui se trouvait à Paris en 1778. Elle l’a beaucoup vu, beaucoup écouté ; elle est martiniste ou à peu près. Elle reçoit dans son cabinet, et fort souvent, M. de Saint-Martin, l’auteur des Rapports entre Dieu, l’homme et l’univers. Ce livre a fait sensation dans les sectes. Une chose très-étrange à étudier, mais très-vraie, c’est combien ce siècle-ci, le plus immoral qui ait existé, le plus incrédule, le plus philosophiquement fanfaron, tourne, vers sa fin, non pas à la foi, mais à la crédulité, à la superstition, à l’amour du merveilleux. »
Mémoires de la baronne d’Oberkich sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789. Édition présentée et annotée par Suzanne Burkard, Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 1989, p. 455. L’ouvrage de Saint- Martin évoqué est le Tableau naturel, publié en 1782. Rappelons que Martines de Pasqually s’était embarqué pour Saint- Domingue le 5 mai 1772, et qu’il y était mort en 1774. C’est en 1771 qu’il avait séjourné à Paris.