Plusieurs recueils de pensées de Saint-Martin ont déjà été publiés. Le premier par Ulrich Guttinger en 1836, avec un abrégé de L’Homme de désir par lequel il souhaitait contribuer à « faire fructifier dans l’âme des lecteurs la parole de Saint-Martin, comme elle a fructifié dans l’âme de son abréviateur ». Nous donnons ci-dessous la liste de ces ouvrages. Les vingt textes, ou pensées que nous proposons ici synthétisent les idées du Philosophe-inconnu sur l’homme, la connaissance et l’initiation.
L’univers est sur son lit de douleur, et c’est à nous, hommes, à le consoler.(Ministère de l’homme-esprit, p. 55 [1. La pagination correspond à celle des éditions originales.])
L’homme est un être chargé de continuer Dieu là où Dieu ne se fait plus connaître lui-même.(Ministère de l’homme-esprit, p. 166)
C’est pour que l’homme porte sa tête jusque dans les cieux, qu’il ne trouve pas ici-bas de quoi reposer sa tête.(Mon livre vert, n° 40).
L’homme est le mot de toutes les énigmes (De l’esprit des choses, p. titre)
Expliquer les choses par l’homme et non l’homme par les choses. (Des erreurs et de la vérité, p. 9)
Nous ne pouvons nous lire que dans Dieu Lui-même et nous comprendre que dans Sa propre splendeur… (Ecce homo, p. 19)
C’est dans l’homme, que nous devons écrire, penser, parler ; ce n’est point sur du papier, en l’air, et dans des déserts, où nous ne trouvons que des bêtes qui ne nous entendent pas, ou des loups que nous irritons et qui nous dévorent. (Mon Portrait, n° 262)
La vérité ne demande pas mieux que de faire alliance avec l’homme ; mais elle veut que ce soit avec l’homme seul, et sans aucun mélange de tout ce qui n’est pas fixe et éternel comme elle. (Nouvel homme, p. 1)
C’est un grand travail que de chercher à nous connaître tels que nous sommes ; mais il faut ensuite travailler à nous connaître tels que nous devrions être. Ces deux sciences sont liées et doivent continuellement nous occuper. Une troisième science vient après ces deux, et est sans doute la plus difficile de toutes. C’est qu’après avoir appris à connaître ce que nous devrions être, il faut travailler sans relâche à le devenir. (Mon livre vert, n° 993)
Ma tâche dans ce monde a été de conduire l’esprit de l’homme par une voie naturelle aux choses surnaturelles qui lui appartiennent de droit, mais dont il a perdu totalement l’idée, soit par sa dégradation, soit par l’instruction fausse de ses instituteurs. (Mon Portrait, 1135)
La seule initiation que je prêche et que je cherche de toute l’ardeur de mon âme , est celle par où nous pouvons entrer dans le cœur de Dieu, et faire entrer le cœur de Dieu en nous, pour y faire un mariage indissoluble qui nous rend l’ami, le frère et l’épouse de notre divin Réparateur. Il n’y a d’autre mystère pour arriver à cette sainte initiation, que de nous enfoncer de plus en plus jusque dans les profondeurs de notre être, et de ne pas lâcher prise, que nous ne soyons parvenus à en sortir, la vivifiante racine ; par ce qu’alors tous les fruits que nous devons porter, selon notre espèce, se produiront naturellement en nous et hors de nous. (Correspondance avec Kirchberger, lettre du 15 juin 1797)
Primitivement, la tête devait être réglée par le coeur ; elle ne devait servir qu’à l’agrandir. Aujourd’hui, la tête de l’homme règne sur son coeur, tandis que c’est au coeur que le sceptre devait appartenir. C’est-à-dire que l’amour est supérieur à la science, attendu que la science ne doit être que le flambeau de l’amour, et que le flambeau est inférieur à celui qu’il éclaire. (Mon livre vert, n° 58)
N’oublie pas qu’il y a deux portes dans le coeur de l’homme ; l’une inférieure, et par laquelle il peut donner à l’ennemi l’accès de la lumière élémentaire, dont il ne peut jouir que par cette voie ; l’autre, supérieure, et par laquelle il peut donner à l’esprit renfermé avec lui l’accès à la lumière Divine qui ne peut ici-bas lui être communiquée que par ce canal. (Nouvel homme, p. 187)
Quiconque a trouvé son flambeau n’a plus rien à chercher ; mais il lui reste toujours à le conserver, ce qui est incomparablement plus difficile. (Mon livre vert, n° 446)
La science est pour le temporel ; l’amour est pour le divin. On peut se passer de la science, mais non de l’amour, et c’est par l’amour que tout finira, parce que c’est par l’amour que tout a commencé et que tout existe. (Mon livre vert, n° 415).
L’abus de la parole produit la nullité de la parole, et la retenue de la parole produit la force de la parole. La parole avait été donnée à l’homme pour sa réhabilitation, et il ne l’emploie qu’à se corrompre, ou à s’affaiblir et se rendre nul. (Mon livre vert, n° 419)
Le langage naturel des hommes ne leur est presque pas connu, nous parlons presque tous une langue étrangère. (Livre rouge, n° 246)
Crains les choses faciles : il est plus aisé de converser que d’écrire, plus aisé d’écrire que de prier, plus aisé de prier que d’agir. (Mon livre vert, n° 9)
Se purger, demander, recevoir, agir : ce sont là les quatre temps. (Livre rouge, n° 542 )
Laboure ton champ sans relâche de l’orient à l’occident, et du nord au sud, c’est le vrai moyen de le rendre fertile. (Livre rouge, n° 555)
Le secret de notre avancement consiste dans la prière, le secret de la prière dans la préparation, le secret de la préparation dans une conduite pure, le secret d’une conduite pure dans la crainte de Dieu, le secret de la crainte de Dieu dans son amour. Ainsi l’amour est le principe et le foyer de tous les secrets. (Mon livre vert, n° 178)
Pour expliquer l’homme, me passer de la matière ; pour expliquer les choses religieuses, me passer des capucins, telle a été ma tâche ; tel est l’équilibre qu’il m’a fallu garder entre ces deux écueils dont l’un vous jette dans le gouffre de l’athéisme, et dont l’autre vous fait cribler de ridicules. (Mon Portrait, 1018)
Recueil de pensées de Saint-Martin
- Esprit de Saint-Martin, pensées choisies, par Ulrich Guttinger, Paris : Toulouse, 1835, 159 p. ; réédition Edition de la Tarente, avec introduction et tableau de correspondance de Dominique Clairembault.
- Pensées morales, publiées par Paul Binoux, Paris : Imprimerie de J. Haumont, 1946, 53 p.
- Maximes et pensées, choix de Robert Amadou, Paris : André Silvaire, 1963, 159 p.