9° : Balzac, H. – Bautain, A. – Denis, F. – Gence, J.-B.-M. – Grea – Guttinger, U. – Hauger, P. – Heine, H. – Herbort, F. – Michelet, J. – Montesquiou, ct. – Rabbe – Sainte-Beuve, C.-A. – Varnhagen von Ense, K.
→ Calendrier perpétuel / Présentation
Sommaire
1830
HERBORT, Friedrich
18 décembre 1830
« Freünd von Effinger besitzt einen diken quartanten Correspondenz zwischen St Martin, Eckartshausen und anderen, mehrentheils die original Briefe. St Martin berechnete in einingen seiner Briefe das Jahr, wo der gro B e Blitz, von dem Christus in Math. 24. redet, aufgehen soll ; er nennt ihn le grand éclat de lumière ; die B soll im Jahr 1832-1833 geschehen, welches ich aber für viel zu früh halte. St Martin glaubte in seiner Berechnung sehr begründet zu seÿn. Es konnten jedoch auch nur Scheingründe seÿn, auf die er sich stüzte. Die Berechnung der Madame Browne welche, nach den ihr geoffenbarten 22 000 Monaten von dem Tode Christian, das Jahr 1866 und 7 Monate herausgebracht hat, will mir be B er einleüchten. »
(« Mon ami Effinger (1) possède un gros dossier in quarto de correspondance entre Saint-Martin, Eckartshausen et d’autres, en majeure partie les lettres originales. Dans quelques-unes de ses lettres, Saint-Martin calculait l’année où devrait se manifester le grand éclair dont le Christ parle dans Mathieu 24 : il l’appelle le grand éclat de lumière ; celui-ci devrait survenir en 1832-1833, mais je considère que c’est beaucoup trop tôt. Saint-Martin se croyait très fondé à prophétiser ainsi. Mais les fondements sur lesquels il s’appuyait peuvent bien n’être qu’apparents. Les calculs de Madame Browne (2) effectués d’après les 22 000 mois à partir de la mort du Christ, comme il lui a été révélé qui font apparaître l’année 1866 plus 7 mois, me plaisent davantage. »)
Lettre inédite de Friedrich Herbort à J. F. von Meyer, 18 décembre 1830. Bibliothèque de la faculté de théologie protestante d’Erlangen, fonds Meyer.
(1) Sur Franz Viktor Effinger, gendre de N. A. Kirchberger et ami de Herbort, cf. FAIVRE, Antoine, Kirchberger et l’Illuminisme du XVIIIe siècle, La Haye, Nijhoff, 1965.
(2) Il convient sans doute de reconnaître dans cette déformation le nom de Suzette Labrousse (cf. Les Cahiers de St Martin, Paris, Robert Dumas, 1976, vol. I, p. 90).
DENIS, Ferdinand
1830
« Pasqualis Martinez : illuminé célèbre, professeur de Saint-Martin, avec lequel on l’a quelquefois confondu.» […]
« Saint-Martin (dit le Philosophe Inconnu) : illuminé célèbre, né le 18 janvier 1743. Il embrassa d’abord la vie militaire, mais ayant entendu Martinez Pasqualis à Lyon, il se livra à la théosophie avec ardeur. Il est mort en 1783. On a de lui plusieurs écrits recherchés, et il compte encore de nombreux partisans parmi des hommes fort instruits. Ses trois principaux ouvrages sont : le Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers, in 8°. De l’Esprit des choses, ou coup d’œil philosophique sur la nature des êtres et sur l’objet de leur existence, 2 vol., in 8°. L’Homme de désirs [sic], souvent réimprimé. »
« Biographie des hommes les plus illustres qui se sont occupés de sciences occultes, tant anciens que modernes », Précis de l’histoire et tableau analytique et critique des sciences occultes, Paris, Au Bureau de l’Encyclopédie portative, 1830, p. 65.
GENCE, Jean-Baptiste-Modeste
1830
Entretien sur les principes de la philosophie, dans lequel des idées systématiques sont discutées, et les notions de la raison ramenées à celles des rapports qu’exprime la pensée active de l’homme, par l’affirmation et l’induction, publié par J.-B.-M. Gence, Paris, Migneret, 1830, 51 pages.
Il s’agit d’un entretien fictif entre Descartes, Gassendi, Saint-Martin, un « ami de Saint-Martin » (i. e. Prunelle de Lierre) et un « Grammairien-philosophe de l’École de Port-Royal » (i. e. l’auteur) : cf. Biographie littéraire par J.- B.-M. Gence, 1835, p. 38. Reproduit, et présenté par Nicole Jacques-Chaquin [Lefèvre] dans Les Cahiers de Saint- Martin, vol. VIII, p. 37-82.
VARNHAGEN von ENSE, Karl August
1830-1839
Les deux entretiens présentés par Varnhagen, avec Tourlet et un certain J. M. D. (Joseph Marie de Gerando), sont en fait la traduction des deux articles parus dans les Archives littéraires de l’Europe, en 1804 : la notice de Tourlet (que Varnhagen abrège) est « une conversation avec Saint-Martin sur les spectacles ».
L’article de Varnhagen débute par cette phrase intéressante : « Von Saint-Martin, dem edlen Jünger einer wahrhaft liebenswürdigen Weisheit, dem unbekannten Philosophen, wie er sich nannte, ist in neurer Zeit hâufig die Rede gewesen, und in Deutschland durch Rahel, in Frankreich durch Custine, Sainte-Beuve, und andere hühere Schriftsteller, sein Andenken zu steigender Verehrung ausgebreitet worden »
(« On a souvent parlé ces derniers temps de Saint-Martin, le noble disciple d’une sagesse véritablement aimable, et, en Allemagne grâce à Rahel, en France, grâce à Custine, Sainte-Beuve et d’autres écrivains plus élevés, sa mémoire a été l’objet d’une admiration croissante » p. 331.)
Denkwürdigkeiten der eignen Lebens, 2. Auflage, Leipzig, Brockhaus, 1843-1859, 9 Bde, Bd. IV, 1843, p. 33-40.
1831
BALZAC, Honoré de
1831
« La théologie mystique embrassait l’ensemble des révélations divines et l’explication des mystères. Cette branche de l’ancienne théologie est secrètement restée en honneur parmi nous. Jacob Boehm, Swedenborg, Martines Pasqualis, Saint-Martin, Molinos, mesdames Guyon, Bourignon et Krudener, la grande secte des Extatiques, celle des Illuminés, ont, à diverses époques, dignement conservé les doctrines de cette science, dont le but a quelque chose d’effrayant et de gigantesque. »
Les Proscrits, in La Comédie humaine, éditée par Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », t. X, p. 335.
Cf. AMADOU, Robert, « Balzac et Saint-Martin », L’Année balzacienne, Paris, Garnier, 1965, p.
35-60.
MICHELET, Jules
1831
« […] Bœhme : cordonnier à Goerlitz, mort en 1624. Saint-Martin a traduit trois de ses ouvrages : l’Aurore naissante, les Trois principes, et la Triple vie ou l’Éternel engendrement sans origine, 1802. Il se proposait de traduire les cinquante volumes de Bœhme. Plusieurs passages de ce théosophe sont de la plus haute poésie ; par exemple, tout le commencement du deuxième volume des Trois Principes . »
Note de l’Introduction à l’Histoire universelle, in Jules MICHELET, Œuvres complètes, éditées par P. Viallaneix, t. II, Paris, Flammarion, 1972, p. 281.
1832
GREA
27 septembre 1832
« Je ne suis pas surpris de votre désir de connaître les idées des théosophes, qui présentent de l’analogie avec les vôtres… On voit clairement dans leurs ouvrages (quand on a la patience d’en lire un certain nombre, surtout ceux de Saint-Martin) le principe de l’analogie universelle, celui de l’existence de l’âme des planètes, etc… »
Grea à Fourier, 27 septembre 1832. BOURGIN, Hubert, Fourier, contribution à l’étude du socialisme français, Paris, Société nouvelle de librairie et d’édition, 1905, p. 81.
BALZAC, Honoré de
1832
« À cette époque, MM Saint-Martin, de Gence, et quelques autres écrivains français, à moitié allemands, étaient presque les seules personnes qui, dans l’empire français, connussent le nom de Swedenborg. »
Louis Lambert, in La Comédie humaine, éditée par Marcel Bouteron, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », t. X, p. 359.
Cf. AMADOU, Robert, « Balzac et Saint-Martin », L’Année balzacienne, Paris, Garnier, 1965.
1833
MONTESQUIOU, comte Anatole de
1833
(Madame Récamier s’adressant à Gerando lui demande s’il a rencontré des personnages extraordinaires chez la duchesse de Bourbon, Gerando répond : )
« Oui, Madame ; j’ai vu là M. de Puységur, M. de Saint-Martin, M. de Divonne, qui croyaient fermement aux apparitions. Il [sic] avait vu distinctement M. de Saint-Martin après sa mort. »
(Chateaubriand intervient alors d’un ton méprisant : )
« Tous ces hommes, tous ces adeptes qui se sont fait un nom de leur vivant avec leur prétendu savoir, n’ont guère laissé de partisans après eux. Cagliostro, Saint-Martin, Mesmer et tant d’autres… le mensonge n’a qu’un temps. »
(Une anecdote où Mesmer est tourné en ridicule fait rire Chateaubriand qui a partout raconté sa rencontre avec Saint- Martin : )
« J’ai voulu voir Saint-Martin avant 1789 [sic]. J’allais souper chez un de mes amis qui habitait tout au bout du Palais Bourbon, pour voir et entendre Saint-Martin tout à mon aise. Le souper commença à six heures. Il avait fort bonne façon, il était mis comme un homme du monde. Il parla, et quoique ce fut en français, il me fut impossible de comprendre un mot. »
– Moi (Montesquiou) : « C’est apparemment qu’il parlait comme il écrivait, comme il a écrit son Tableau naturel, et des Erreurs et la Vérité. »
– Chateaubriand : « Et je remarquais même que son galimatias allait en redoublant. Je vous laisse à penser ce que c’était vers minuit. J’en avais assez d’une fois ; et je quittais avec beaucoup d’humeur, car ces messieurs fort occupés de leur thèse obscure avaient beaucoup négligé la soupe et leur jeune convive : je mourais de faim. J’ai beaucoup connu des personnes qui croyaient à toutes ces choses. »
Extrait des Mémoires inédites de A. de Montesquiou, « Ce qui s’est dit à l’Abbaye-aux-Bois, le 19 juin 1833 », Le Figaro littéraire, 16 février 1957, p. 5.
Cf. CELLIER, Léon, « Chateaubriand et Saint-Martin », Revue des Sciences Humaines, octobre-décembre 1968, fasc. 132, p. 536-537.
La scène décrite ici constitue une première mouture de la scène racontée par Chateaubriand dans les Mémoires d’Outre-Tombe, 2e partie, livre II. Dans le texte des Mémoires, la rencontre est datée du 27 janvier 1803 et non de 1789.
1834
HAUGER, Philippe
Avril 1834
« Examen de la doctrine de J. Bohme et de Saint-Martin », Revue du Progrès Social, recueil mensuel politique, philosophique et littéraire, avril 1834.
Cet article d’un ardent disciple de Fourier est reproduit et présenté par André Boyer dans Les Cahiers de Saint-Martin, Paris, Robert Dumas, 1976, vol. I, p. 25-58.
BAUTAIN, Abbé
8 septembre 1834
« Baader, sur lequel vous voulez bien me demander mon avis, est un homme d’un grand mérite. Je le crois sincèrement chrétien au fond, mais peut-être trop épris des idées de Saint-Martin et de Jacob Bohme. Il aurait beaucoup plus d’influence s’il écrivait plus clairement. Mais son style est désolant. Peu de gens peuvent le comprendre. C’est une abstraction fatigante pour l’esprit, et qui ne donne rien à l’âme. C’est un des hommes les plus remarquables du siècle sous le rapport philosophique. »
Abbé Bautain à Mestscherski, 8 septembre 1834. SUSINI, Eugène, Lettres inédites de Franz von Baader, Paris, P.U.F., 1967, t. III, p. 321.
GUTTINGER, Ulrich
1834
« Œuvres de Saint-Martin : L’homme de désir. Saint-Martin mourut en 1803 ; il a vécu durant toute la dernière moitié du dix-huitième siècle, écrivant sous le titre de philosophe inconnu. II était affilié à des loges maçonniques de Lyon, qui avaient conservé, il paraît, d’antiques secrets ; il s’était fort occupé d’opérations théurgiques, d’invocations d’esprits intermédiaires. Il existe des procès-verbaux manuscrits de lui, qui attestent de singuliers miracles ; mais il avait fini par considérer cet aspect occulte comme inutile et même dangereux. Il s’était appliqué à la prière et à la haute morale ; il était l’aumône et l’humilité même ; il révérait le christianisme. Outre l’Homme de Désir, dont nous conseillons la lecture aux âmes pieuses, il y a deux volumes de lui sous le titre Œuvres Posthumes, qu’il suffit d’avoir lu pour connaître toute sa partie intelligible et ostensible. Je crois le reste une énigme pour tout le monde. C’est un grand malheur pour l’humanité qu’il ait manqué à Saint-Martin ce qui est si nécessaire dans l’usage de la vie ordinaire : le secret de se mettre à la portée de tous, ou du plus grand nombre. C’est un service que nous essaierons peut-être de lui rendre quelque jour.
C’est cet homme admirable que Sainte-Beuve a de nouveau révélé dans son roman : Volupté. C’est en parlant de lui qu’il s’écriait avec ce doux et consciencieux enthousiasme qui lui est si naturel : « Oui, je veux élever un autel aux grands hommes inconnus ! Oui, aux grands hommes qui n’ont pas brillé, aux amants qui n’ont pas aimé ! à cette élite infinie que ne visiteront jamais l’occasion, le bonheur ou la gloire ! aux fleurs des bruyères, aux perles du fond des mers ! à ce que savent d’odeurs inconnues, les brises qui passent ; à ce que savent de pensées et de fleurs, les chevets des hommes. »
Qui pourra penser, sans quelque tristesse, que ce qu’on va lire est extrait d’un ouvrage à peine connu aujourd’hui ; qui le fut peu dans le temps où il parut ; dont on regarde l’auteur comme un pauvre insensé ! Ses plus tendres pensées me devront peut-être ce signe de vie qu’on voit aux beaux arbres coupés et oubliés sur le bord du chemin : des feuilles pleines de sève, des fleurs rares poussent sur les nœuds du tronc, jettent un parfum au passant dont cette verdure attire un moment le regard, et puis tout meurt, à moins qu’une graine, ou une racine négligée ne commencent à cette place un verger ou une forêt, pour l’avenir de Dieu. »
(Suit une série d’extraits de L’Homme de désir, avec des notes de Guttinger, qui conclut : )
« Plus de deux mille pensées, presque toutes de cette sublimité, composent les œuvres choisies de Saint-Martin. En extraire les plus remarquables, nous semble un travail plein d’utilité pour le sort et l’amélioration de l’homme. Dans cette conviction nous l’entreprendrons, si Dieu nous accorde le temps, comme il nous en donne le désir, et nous croirons avoir fait une œuvre agréable à lui et profitable à nos semblables. »
Arthur, ou Religion et Solitude, troisième partie, 1834, s. l. s. n., p. 310-321.
HEINE, Heinrich
1834
«Von Jakob Bohm sollte eigentlich auch hier die Rede sein. Denn er hat ebenfalls die deutsche Sprache zu philosophischen Darstellungen benutzt und wird in diesem Betracht sehr gelobt. Aber ich habe mich noch nie entschliessen künnen, ihn zu lesen. Ich lass mich nicht gern zum Narren halten. Ich habe namlich die Lobredner dieses Mystikers in Verdacht, dass sie das Publikum mystifizieren wollen. Was den Inhalt seiner Werke betrifft, so hat Euch ja Saint Martin einiges davon in franzosischer Sprache mitgeteilt. »
(« Ici, il faudrait en vérité parler aussi de Jakob Bohme. Car il s’est également servi de la langue allemande pour des descriptions philosophiques et on le loue fort de ce point de vue. Mais je n’ai encore jamais pu me déterminer à le lire. Je n’aime pas beaucoup que l’on se moque de moi. Je soupçonne en effet ceux qui font l’éloge de ce mystique, de vouloir mystifier le public. Pour ce qui est de la matière de ses œuvres, Saint-Martin vous en a communiqué quelques éléments en français. »)
Zur Geschichte der Religion und Philosophie in Deutschland, 2. Buch. Heine, Heinrich, Werke, 4 Bde, Frankfurt am Main, Insel Verlag, 1968, Bd. IV, p. 104.
RABBE
1834
« Notice sur Saint-Martin », Biographie universelle et portative des contemporains, ou Dictionnaire historique des hommes vivants et des hommes morts depuis 1788 jusqu’à nos jours […], publié sous la direction de MM Rabbe, Vieilh de Boisjolin et Sainte- Beuve, Paris, Levrault, 1834, t. IV, p. 1222-1224.
SAINTE-BEUVE, Charles-Augustin
1834
« Mais pour revenir aux lectures dont je vous parlais celle qui contrastait sans doute le plus avec le tourbillon agité de cette crise, et qui me rappela un moment assez haut vers la région invisible, avait pour objet quelques écrits d’un théosophe que j’aime à vous citer souvent, parce qu’il a beaucoup influé sur moi. Le livre Des Erreurs et de la Vérité et L’Homme de Désir, m’apportèrent avec obscurité plusieurs dogmes précieux, mêlés et comme dissous au milieu de mystiques odeurs. Une Réponse de Saint-Martin à Garat, que j’avais trouvée dans le Recueil des Ecoles Normales me renvoya à ces deux ouvrages dont j’avais déjà feuilleté le premier à Couaën, mais sans m’y arrêter.
Cette Réponse elle-même où le sage énonce ses principes le plus simplement qu’il a jamais fait, cette manière calme et fondamentale, si opposée en tout à l’adresse de langage et, comme l’auteur les désigne, aux brillantes fusillades à poudre de l’adversaire, ce ton prudent, toujours religieux à l’idée, me remettaient aisément en des voies de spiritualisme ; car, sur ce point, j’étais distrait et égaré plutôt que déserteur. Une vérité entre autres m’y toucha sensiblement, et fit révélation en moi ; C’est l’endroit où il est dit que “ l’homme naît et vit dans les pensées ”. » (Chap. XII.)
« Dès mes précédentes excursions philosophiques, j’avais appris à reconnaître, dans le théosophe Saint-Martin, au milieu d’un encens perpétuel d’amour, de mystérieux rapports, des communications d’esprit à esprit, une vue facile à travers les interstices et les crevasses du monde visible. Toutes ces parcelles d’au-delà me revenaient, et m’avertissaient que ce n’était qu’attente et vestibule en cette demeure ; je m’élevais à la signification chrétienne des choses. Nunc videmus per speculum in aenigmate.
Volupté, chap. XII et XX. Les références à Saint-Martin sont relevées dans l’édition la plus répandue, Paris, Garnier-Flammarion, préface de R. Molho, p. 71, 146, 167-170, 172-173, 280, 293, 295, 297, 298-299, 314, 319.
VILLENEUVE-BARGEMONT, vicomte Alban de
1834
« Un philosophe spiritualiste, moins connu qu’il ne mériterait de l’être (1), a, ce semble, jeté à son tour de grandes lumières sur ces hautes questions qui intéressent si vivement l’ordre social. »
Suit une longue citation d’Ecce Homo, depuis «Il y a des êtres qui ne sont qu’intelligents […]» jusqu’à « Cette double action de l’homme est donc une preuve convaincante qu’ il y a en lui plus d’un principe ».
Saint-Martin pensait que les hommes sont naturellement bons ; mais il entendait, par la nature, celle qu’ils avaient originairement perdue, et qu’ils pouvaient recouvrer par leur bonne volonté ; car il les jugeait, dans le monde, plutôt entraînés par l’habitude vicieuse que par la méchanceté.
Ce philosophe reconnut les desseins terribles de la Providence dans la révolution française, et crut voir un grand instrument temporel dans l’homme qui vint plus tard la comprimer. Il prit la défense de la cause du sens moral contre Garat, professeur de la doctrine du sens physique, ou de l’analyse de l’entendement humain. Son but était d’expliquer la nature par l’homme, et de ramener toutes nos connaissances au principe dont l’esprit humain peut être le centre. « La nature actuelle, dit-il, déchue et divisée d’avec elle-même, et d’avec l’homme, conserve dans ses lois comme dans plusieurs de ses facultés, une disposition à rentrer dans l’unité originelle. Par ce double rapport, la nature se met en harmonie avec l’homme, de même que la nature se coordonne à son principe. » Il pensait qu’il y a une raison à tout ce qui existe, et que l’œil interne de l’observateur en est le juge ; il considérait l’homme comme ayant en lui un miroir vivant qui lui réfléchit tous les objets, et qui le porte à tout voir et à tout connaître. Mais ce miroir vivant étant lui-même un reflet de la Divinité, c’est par cette lumière que l’homme acquiert des idées saines, et découvre l’éternelle lumière dont parle Jacob Boeham (sic).
L’objet de son ouvrage intitulé Ecce Homo est de montrer à quel degré d’abaissement l’homme infirme est déchu. On y trouve cette belle expression : l’âme de l’homme est primitivement une pensée de Dieu. »
« (1) St Martin, auteur des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu, de l’Ecce homo ; du Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers, de l’Homme de désir, etc.
Économie politique chrétienne, Paris, Paulin, 1834, 3 vol., vol. I, p. 139-141.