« C’est Saint-Martin tout entier qui transparaît dans ces notes brèves : imaginatif et studieux, curieux et réfléchi, occupé de ses hauts objets seuls et, par cette raison, attentif aux marées, aux étoiles et à l’ouïe des poissons ; butinant chaque fleur, même triste, même exotique et toujours soucieux d’élaborer son miel. » (Robert Amadou, Pensées sur les sciences naturelles, 1993)
Sommaire
Édition originale
Titre : Pensées sur les sciences naturelles, publiées pour la première fois, avec une introduction, des indices et des notes par Robert Amadou
Nom d’auteur : Louis-Claude de Saint-Martin
Date de parution : 1982 (édition hors commerce), puis 1993, « Archives théosophiques III », Guérigny, C.I.R.E.M., texte dactylographié avec notes manuscrites, 109 pages.
Format : A 4, pages dactylographiées
« Les docteurs décrivent la nature, il n’y a que les sages qui l’expliquent » (Œuvres posthumes, t. 1, p. 210.)
Il ne s’agit pas réellement d’une œuvre, mais d’un ensemble de notes, de pensées, que Saint-Martin ne projetait probablement pas de publier. Comme le souligne Robert Amadou, « c’est Saint-Martin tout entier qui transparaît dans ces notes brèves : imaginatif et studieux, curieux et réfléchi, occupé de ses hauts objets seuls et, par cette raison, attentif aux marées, aux étoiles et à l’ouïe des poissons ; butinant chaque fleur, même triste, même exotique et toujours soucieux d’élaborer son miel. C’est Saint-Martin chercheur et Saint-Martin confiant en ses principes, Saint-Martin aimable, émouvant, surprenant, sûr de soi, c’est-à-dire de Dieu qui l’a choisi et fait instruire. »
Ces notes nous permettent de discerner la minutie des recherches du Philosophe inconnu concernant les sciences naturelles. Qu’il s’agisse de l’astronomie, de la géologie, de la zoologie, de la botanique, de la minéralogie, de la biologie, de la chimie, de la physique, de la médecine ou du magnétisme animal, aucune science ne le laissait indifférent. La plupart des Pensées commentent des articles publiés dans le Journal de physique, le Journal des savants, le Journal encyclopédique, Le Mercure, Le Journal de Paris (1783 à 1786), la Gazette nationale ou l’Encyclopédie de Delalande. D’autres sont en relation avec des ouvrages comme, Le Parfait joaillier ou histoire des pierres, d’Anselme Boëce (1644), les Lettres sur l’Égypte de Charles-Etienne Savary (1785-1786), les Lettres édifiantes et curieuses de Chine par les missionnaires jésuites (1702-1776), l’Histoire des naufrages, (1790), les Voyages dans l’hémisphère austral et autour du monde… écrit par Jacques Cook (1778), ou les Observations faites dans les Pyrénées de Ramond de Carbornnière (1798). Les travaux de Sausure (sur l’hydrogène), de l’abbé Reynal (sur les orages), de l’abbé Mongez, (sur le taenia) de l’abbé Spallanzani (sur la reproduction animale), de l’abbé Couder et de Cruchet (géométrie nouvelle), de Lavater (physiognomonie), sont aussi évoqués. Le Spectacle de la nature (1732) de l’abbé Noël-Antoine Pluche, grand classique du XVIIIe siècle, n’est pas mentionné dans ces lectures qui attestent de l’intérêt porté par Saint-Martin pour les études scientifiques.
« Les docteurs décrivent la nature, il n’y a que les sages qui l’expliquent » [1] Œuvres posthumes, t. 1, p. 210 , nous dit Saint-Martin. Pour lui, le monde physique n’est autre chose qu’une figure, et toutes les productions, tous les individus de la création ne sont que l’expression visible, le tableau représentatif des propriétés supérieures. L’invisible agit secrètement et « n’emploie la nature que comme un voile à son action » [2] « Rapports spirituels et temporels de l’arc-en-ciel », Œuvres posthumes, t. II, p. 247-248. Sa vision de la nature est une physica sacra, une physique sacrée, qui s’inscrit dans ce qu’on appellera plus tard la Naturphilosophie [3] Sur ce sujet, voir Antoine Faivre Philosophie de la nature, physique sacrée et théosophie XVIIIe – XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
Le manuscrit original des Pensées sur les sciences naturelles a été perdu, nous ne le connaissons que grâce à une copie insérée dans un gros volume manuscrit d’œuvres diverses de Saint-Martin transcrit après la mort du théosophe : le Manuscrit Watkins, document mis à jour par Robert Amadou en 1953 [4] Voir l’article publié par Robert Amadou « Le Manuscrit Watkins », La Tour Saint-Jacques, vol. II-II-IV, 1960, p. 193-215 . En 1966, Robert Amadou a communiqué à quelques chercheurs une transcription dactylographiée des Pensées. Une première édition hors commerce a vu le jour en 1982, mais c’est en 1993 que ce texte a connu une plus large diffusion grâce à une version publiée par le CIREM. Cette édition reprend le texte dactylographié de la version publiée en 1982 avec des corrections manuscrites. Les Pensées sont précédées d’une introduction dans laquelle Robert Amadou analyse ce texte inédit. Des notes complètent cette étude, cependant celles qui concernent le texte des pensées ne figurent pas dans cette édition. Les pensées sur les sciences naturelles restent toutefois peu connues.
Sommaire
– Avertissement, p. 3
– Introduction p. 5
I – Étude du manuscrit
II – Approche du texte
– Table des articles, p. 41
– PENSÉES SUR LES SCIENCES NATURELLES, p. 44
1. Expériences de Lavoisier sur l’eau – 2. Le son – 3. Sphères célestes – 4. Mesure – 5. Les os – 6. Couleur verte – 7. Sel marin – 8. Sur les effets de l’aimant – 9. Différence universelle des êtres de la nature – 10. Matière du feu selon les chimistes modernes – 11. Vérités mathématiques – 12. Transpiration des corps. Eaux salées. Eaux douces. – 13. Marées – 14. Poissons – 15. Végétation – 16. L’eau et l’huile – 17. Attraction – 18. Lune. Eclipse. – 19. Animaux – 20. Terre – 21. Phosphore – 22. Différence du feu à la lumière – 23. Sensation – 24. Réflexion des formes – 25. Éléments et principes des corps – 26. Progressions numériques – 27. Amertume de la mer. Le principe de la mer et son nom même doivent signifier quelque chose d’impur. – 28. Air – 29. Revivification des corps – 30. Néant de la matière – 31. Rapports élémentaires de l’homme – 32. Mouvement circulaire [p. 48] – 33. Cheveux incorruptibles – 34. Sur la forme des corps – 35. Chaleur du sang veineux – 36. Répétition du supérieur par l’inférieur – 37. Famacosio – 38. Métaux et minéralisateurs – 39. Si les poissons entendent – 40. Si les choses temporelles ont commencé par le fluide ou par le solide – 41. Science astronomique des Brames – 42. Saturne – 43. Système de Buffon sur les planètes – 44. Le vide – 45. Passage d’Ovide – 46. Si la matière est divisible à l’infini – 47. Effets de la litharge sur les hommes – 48. Cyrano de Bergerac et les ballons – 49. Mr Cruchent et Mr Couder, mathématiciens – 50. Acides et alcalis – 51. Le tétanos – 52. Médecins – 53. Opium. Visions – 54. Petits oiseaux empoisonnés par leur mère – 55. Eclairs. Foudre – 56. Bohon-upas, bois qui croît dans l’île de Java – 57. L’abbé Spallanzani – 58. Carminati et Jurine, médecins italiens – 59. L’abbé Mongez – 60. La rage – 61. Dent fossile – 62. Lavater, ministre à Zurich – 63. Peste – 64. Les vers – 65. Nombre innombrable des corps – 66. Fructification – 67. Supériorité de l’homme sur l’esprit [p. 48] – 68. Abus des alchimistes – 69. Le globe terrestre – 70. Diverses propriétés des êtres – 71. Loi de matière – 72. Arc-en-ciel – 73. Fièvres – 74. Etoiles – 75. Les vents – 76. Le figuier – 77. Les farineux et autres plantes – 78. Cours de la vie corporelle de l’homme – 79. Inclinaison des planètes – 80. Électricité – 81. Élasticité – 82. Harmonica – 83. De ce qu’on appelle « esprit » en chimie – 84. Attraction et répulsion – 85. Principe universel des formes en combat avec les éléments – 86. L’agathe herborisée – 87. Serein et rosée – 88. Petite vérole – 89. La nature – 90. Vertu prolifique des minéraux, pierres, etc. etc. – 91. Matières graisseuses – 92. La graisse et le sang – 93. Digestion – 94. Adresse des ours du Kamtchatka pour attraper les rennes – 95. Docilité des buffles pour les petits enfants. Ile de Poulo-Condor – 96. Les montagnes primitives – 97. La flamme – 98. Le vide – 99. Glissement des mers – 100. Vallées du Pérou – 101. Passage au nord – 102. Pommes de terre.
Appendice : 103. Lumière et chaleur – 104. Voici un des bienfaits des sciences naturelles – 105. Le bruit ou le son – 106. Les trois espèces d’analyses philosophiques – 107. « Observations faites dans les Pyrénées ».
– Indices, [pages manquantes, semblent prévues pour un vol. II]
Extraits
44. Le vide
Les philosophes ont dit qu’il y avait un vide sans lequel les astres ne pourraient continuer leurs mouvements. C’est une idée trop précipitée. Le vide n’existe nulle part ; et, s’il avait lieu, ce serait plutôt parmi les objets grossiers et solides que parmi les choses déliées et subtiles. Enfin, voici la preuve qu’il n’y a point de vide. Il n’y a point de terre sans eau, il n’y a point d’eau sans feu, il n’y a point de feu sans air, il n’y a point d’air sans esprit, il n’y a point d’esprit sans Dieu. Aussi tout est plein, et l’action est universelle. Mais il est vrai que tout n’est pas plein d’analogues. J’ai jeté un aperçu sur cette loi des fluides dans mes Réflexions sur les propositions de Mesmer ; je suis enchanté de les trouver en quelque manière confirmées dans le Journal de Physique de février 1786, où dans le résumé qu’on y fait des découvertes physiques, chimiques, et d’histoire naturelle, on paraît adopter comme moi une variété de fluides dans la nature, moyen de quoi tout peut être plein et, néanmoins tout peut se mouvoir.
82. Harmonica
J’ai observé dans une partie de campagne à Issy chez Mr Baujon [5] Nicolas Beaujon (1781-1786), riche financier avait fait aménager la « Folie Beaujon », une maison de villégiature ou de réception. Dans ses Mémoires sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789, la baronne d’Oberkirch décrit ce domaine luxueux (Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 1989, p. 286-287, 656.). , une chose assez singulière. C’est que l’harmonica [6] Il s’agit de l’harmonica de verre, instrument de musique inventé par Benjamin Franklin en 1761. Franz Anton Mesmer l’utilisait dans ses séances de magnétisme. Surnommé « orgue angélique », il produit des sonorités cristallines très aigues. On dit que c’est chez Mesmer que Mozart aurait découvert cet instrument pour lequel il a composé quelques œuvres (Adagio et Rondo KV 617) fut le seul instrument qui fit chanter les oiseaux des bosquets, quoiqu’on eût placé dans divers endroits du jardin plusieurs sortes d’instruments de musique. Celui-ci, comme agissant par l’intermède de l’eau, a plus de rapports et plus d’influence sur les nerfs ; il fait en effet pétiller l’eau des vases qui le composent.
A propos du glass armonica
Notes :