C’est sous ce titre fictif que Robert Amadou a publiés ces textes d’après le manuscrit Watkins.
« L’état de guerre rend légitime la mort des hommes parce que, dès que notre conservation est intéressée, nous avons droit de tout employer pour la défendre. Ainsi, l’autorité souveraine peut disposer de tous ses membres quand la sûreté de l’État est menacée, si, toutefois, comme je ne cesserai de le dire, on peut concevoir que, dans un corps moral et factice comme les États politiques, il réside les mêmes privilèges que dans les corps naturels n’y ayant pas la même vie. « (Extrait du n° 9. Du droit de vie et de mort)
Edition originale
Nom d’auteur : Saint-Martin, Louis-Claude de
Note : Mises au jour et publiées pour la première fois par R. Amadou, revue L’Initiation, n° 4, octobre-décembre 1965, p. 216-228 ; n° 1, janvier-mars 1966, p. 29-41. Source non précisée par R. Amadou.
Date de parution : 1966-1966
Editeur : Revue L’Initiation
Sommaire
Ce texte est divisé en vingt-six sections :
- Des devoirs caractéristiques d’un législateur
- Alexandre VI
- Exécutions
- L’homme n’est qu’administrateur et non pas législateur
- Progressions de l’autorité et de la servitude. Progressions de la justice criminelle
- De l’abus de la puissance humaine
- De l’abus de la politesse à la guerre
- Notes sur le Contrat social
- Du droit de vie et de mort
- De la volonté générale
- De la loi
- Autre système sur l’établissement de la société
- De l’inégalité des conditions
- De l’équité de la loi
- De la filiation de la société et des lois
- De la justice criminelle
- La véritable égalité
- Des dîmes
- Sur le gouvernement divin ou le théocratisme
- De la sévérité dans la justice
- Bien ou propriétés
- 18 Brumaire
- De la raison attention de Dieu à nous ramener à nos voies libres
- Comparaison des empires temporels avec l’empire vif
Appendice : - Puissance politique
- Des cris de réjouissance : Vive un tel ! Vive, etc.
Extrait
9. Du droit de vie et de mort
« L’état de guerre rend légitime la mort des hommes parce que, dès que notre conservation est intéressée, nous avons droit de tout employer pour la défendre. Ainsi, l’autorité souveraine peut disposer de tous ses membres quand la sûreté de l’État est menacée, si, toutefois, comme je ne cesserai de le dire, on peut concevoir que, dans un corps moral et factice comme les États politiques, il réside les mêmes privilèges que dans les corps naturels n’y ayant pas la même vie.
Quant à la mort des criminels, elle est plus inconcevable encore. J’ai eu beau, par la convention, me soumettre à la mort si je prévariquais, je ne pouvais pas transmettre à d’autres un droit que la nature ne m’avait pas donné, je ne pouvais pas étendre la nature des hommes avec qui je contractais. On aura beau m’objecter que cet acte ne se considère point comme d’homme à homme, mais seulement comme de l’homme à la loi, répondrai toujours que sa loi est une pure volonté qui n’a que la main des hommes pour agir. Ainsi, que si c’est un crime de répandre le sang, la volonté de l’homme, la volonté générale, ne peut pas l’effacer.
Rousseau envisage ce criminel comme traître, comme ennemi de l’État. Alors, il est comme dans un état de guerre. Mais, selon ses principes à lui-même, l’objet de la guerre n’est pas la destruction des hommes, et l’on ne doit même les tuer à la guerre que lorsque l’on ne peut pas les faire esclaves. Or, certainement, l’avantage d’un royaume entier contre un coupable est assez manifeste pour que la raison et le droit de le tuer disparaissent. D’ailleurs, ce qui prouve que ce prétendu droit ne ressemble en rien au droit de la guerre, c’est que, là, la vie de chaque soldat est en danger. Ici, un appareil inique accompagne les exécutions. Cent hommes s’assemblent et vont de sang-froid faire périr un de leurs semblables, et l’on veut que le simple pouvoir humain soit légitime, lui que l’on peut tromper tous les jours et qui prononce continuellement des sentences injustes ! Non, l’homme a sans doute en lui d’autres règles et, s’il lui fut donné d’en-haut le pouvoir de disposer de la vie des hommes, ce fut par un droit respectable pour lui et qui lui donnait les moyens de diriger ses jugements sur la justice et sur l’équité. Erudimini qui judicatis terrain. »
Par ce précepte, on n’entendra pas, je crois, l’étude des lois humaines qui varient selon les lieux et les temps, mais les lois immortelles de la vérité, dont nous portons les tables sacrées dans nos cœurs. »
L’Initiation, octobre-décembre 1965, p. 225-226.