« Enfin, le texte non intitulé (incipit : Notre haut-illuminé auteur) est la traduction de l’Erflaerung der Titul-Figur qui commente le frontispice de l’ouvrage anonyme de Nicolas Tscheer : Einleitung Zum Wahren und gründlichen Erkänntnis Des grossen Geheimnisses der Gottse-ligkeit: Gott geoffenbaret im fleisch; Bestehende in einem Kernhafften Auszug Aller Theologischen Theosophischen und Philosophischen Schrifften und Zeugnissen Des Hoch-erleuchteten Mannes Gottes und Philosophi Teutonici, Jacob Böhmens, Alles nach dessen Grund-Säßen Von drey Principien und sieben Eigenschafften der Natur, In eine fügliche Ordnung verfasset, Amsterdam, R. & G. Wetstein, 1718 (Cf. ff. 2 et 3) ; entièrement traduit par Saint-Martin). » (Robert Amadou, Cinq textes inédits de Louis-Claude de Saint-Martin, revue Le Lotus bleu, novembre-décembre 1959, p. 177-208.)
Robert Amadou a publié ce texte d’après le manuscrit autographe du Philosophe inconnu qui est conservé à la bibliothèque de la Société théosophique de France de Paris (Ms ST 2.311) à Paris.
Édition originale
Titre : « Sur une gravure théosophique, traduit de l’allemand de Tscheer », in, « Cinq textes inédits de Louis-Claude de Saint-Martin »Auteur : Présentés et publiés par Robert Amadou d’après un manuscrit conservé à la bibliothèque de la Société Théosophique de France
Éditeur : Le Lotus bleu, novembre-décembre 1959, p. 177-208.
Année : 1959
Nb. pages : p. 177 à 208
Selon de Dictionnaire historique de la Suisse après des études en théologie, Niklaus Tscheer (1671-1748) refusa la charge de suffragant à Abländschen pour protester contre l’oppression frappant les piétistes dans le canton de Berne. Il émigra en Hesse, où il fréquenta des piétistes radicaux avant de s’installer dans la région du Rhin inférieur. Auteur indépendant, il plaida dans ses écrits pour un christianisme intériorisé et détaché des confessions. Il avait notamment pour ami Gerhard Tersteegen et était un partisan de Jakob Böhme. Il publia une sélection de ses textes dans Einleitung Zum Wahren und gründlichen Erkänntnis Des grossen Geheimnisses der Gottseligkeit: Gott geoffenbaret im Fleisch: Bestehende in einem Kernhafften Auszug Aller Theologischen, Theosophischen und Philosophischen Schrifften und Zeugnissen Des Hoch-erleuchteten Mannes Gottes und Philosophi Teutonici, Jacob Böhmens (1718).
Cet ouvrage débute par une gravure synthétisant la théosophie de Boehme. Tscheer la décrit dans un texte que Saint-Martin à traduit. Saint-Martin n’a cependant pas traduit le titre de cette figure : « Andeutung oder Erklärung der Titel-Figuren und Kupfer » (Indication ou Explication portant sur les images gravées du titre). L’ouvrage comporte plus de mille pages composées en colonnes numérotées de 1 à 1812. Après une introduction rédigée par lui-même, Tscheer propose des extraits choisis dans l’ensemble de l’œuvre de Boehme. Ces textes sont répertoriés dans un registre placé à la fin des extraits (p. 965 à 969). Dans son introduction Niklaus Tscheer précise qu’il a placé ces extraits dans un ordre propre à faciliter la compréhension de la doctrine de Jacob Boehme. Le texte de Niklaus Tscheer aborde une notion essentielle de la pensée du théosophe de Görlitz, celle des « Trois principes » par lesquels Dieu se manifeste hors de l’Ungrund, l’abime sans fond. Ces trois principes marquent la révélation du Dieu : Père, Fils et Saint-Esprit, éléments qui sont par ailleurs mis en images sur la gravure placée en frontispice de l’ouvrage. Les trois principes y sont figurés par trois cercles circonscrits dans un cercle plus grand. Cette composition s’apparente aux dessins réalisés par Michael Andreae pour l’édition des œuvres complètes de Boehme par Johann Georg Gichtel (1682) et ceux réalisés par Dionysius Andreas Freher pour les éditions anglaises des œuvres de Boehme.
Le texte de Niklaus Tscheer décrit le sens des trois cercles représentés sur cette gravure. Chacun d’eux se rapporte à l’un des trois principes, éléments fondamentaux de la théosophie de Jacob Boehme. Ces cercles, correspondent aux modalités par lesquelles la Déité sort de son impénétrable abîme pour se révéler en déployant sept sources esprits. Ces cercles sont figurés à l’intérieur de l‘Ugrund, le sans-fond.
Extrait
« Notre haut-illuminé auteur Jacob Böhme prend sa théologie de Dieu et voit où et comment il est dans lui-même dessus et à l’extérieur de la créature et de la nature, comme un rien incompréhensible et un impénétrable abîme. Ainsi sans rien tirer d’aucune créature il est devenu savant, puisque personne en pareil cas ne peut nommer ni qualité ni nom ni peut-être quelque chose qui vienne de Dieu. Nous avons désigné ce rien et cet abîme par un grand large cercle.
Autrement Dieu est vu comme il extériorise lui-même dans la nature et la créature et comme il s’y révèle, c’est-à-dire comme un plaisir, une volonté prenante, étant lui-même un fond tiré de son abîme sans fond et provenant de son éternel rien entré dans quelque chose. Le plaisir de Dieu pour la révélation est le commencement de toute vie et de toute essence, lequel nous avons indiqué par le point central du grand cercle avec l’image d’un cœur et d’un noyau d’où toute vie et toute essence émanent. Dans ce noyau nous avons représenté une croix +, qui signifie la naissance de la croix ; là chaque vie s’enflamme dans la croix; et dans la forme pousse une croix sur soi et sous soi et en travers. Mais il y a un penchant divin, un plaisir, un vouloir qui n’est pourtant pas moins un acte innocent. Sans forme, figure et qualité, sans rien sur soi ni dessous soi. Or, il a vu comment nous sommes une imperfection et comment Dieu dans une pareille petitesse ne pouvait rien prendre par morceaux. La demande sage et le désir travaillant ou le plaisir attractif sur la créature nous reprentent (sic) Dieu le Père ; le vouloir travaillant le plaisir et la prière avec l’éternel agrément et satisfaction nous représente Dieu le Fils. Le vouloir travaillant la satisfaction et l’obéissance au vouloir de Dieu révélé nous représente le St Esprit procédant du Père et du Fils. La révélation de lui-même par laquelle le Dieu terne dans une pareille triple qualité paraît manifester pour son œuvre, est nommée les trois principes. Ces trois principes ou ces trois mondes nous les avons représentés par trois cercles qui sont renfermés dans le grand.
Le premier principe ou révélation de Dieu d’après la qualité du Père consiste en trois qualités ou trois formes pour l’œuvre (comme dans la prière et l’attrait, le pousser, le monter, le tranchant et l’enflammant). C’est ce nous avons figuré dans le cercle (7) inférieur. Le centre ou le noyau duquel, à cause des trois qualités, nous avons représenté dans un triangle Δ comme le caractère de feu. Les sept étincelles de feu qui sont dedans représentent les 7 esprits de Dieu ou les 7 formes pour l’œuvre. La circonférence ce renfermement d’un pareil œuvre et la qualité poussante et enflammante de chaque vie est nommé le monde du feu; et puisqu’un pareil embrasement a un but de séparation et que la révélation n’y atteint pas, il est appelé le monde de feu de ténèbres. »
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