Saint-Martin écrit à Willermoz, le 29 décembre 1784 : « Je voudrais être moins paresseux, je vous ferais un long détail de ce que j’ai vu à Buzancy [chez le comte Chastenet de Puységur] […] Je ne me suis mêlé en rien de tous ces traitements. J’assistais, j’aidais seulement à prêter les secours ordinaires qu’on donne à tous les malades, mais je ne magnétisais point, mon physique ne me paraissant pas assez robuste pour cela. En revanche, j’ai beaucoup observé et je me suis rendu de tous ces phénomènes un compte suffisant pour croire que la raison n’ait point à s’en plaindre. […] »
[…] Ces observations magnétiques-là, c’est le traité du Somnambulisme et des crises magnétiques, où le cas de Joly, nommément cité et analysé, apparaît comme l’occasion de l’ouvrage entier. (Robert Amadou, introduction à Du somnambulisme et des crises magnétiques, dans Trésor martiniste, Villain et Belhomme – Éditions Traditionnelles, Paris, 1969, p. 89-90.)Edition originale
Nom d’auteur : Saint-Martin, Louis-Claude de
Date de parution : 1969 (texte inédit [1784] Publié pour la 1re fois par Robert Amadou dans Trésor martiniste, p. 112-130)
Editeur : Villain et Belhomme – Éditions traditionnelles, Paris, 1969.
Sommaire
Le texte se présente sous la forme d’un catéchisme, par demandes et réponses :
- Qu’est-ce qu’une crise ?
- Qu’est-ce que le somnambulisme ?
- Pourquoi le somnambulisme rend-il insensible à l’impression des objets extérieurs ?
- Comment concevez-vous que le principe de concentration et d’isolement puisse opérer la guérison ?
- Pourquoi les somnambules, touchant les malades avec tant de succès, n’ont-ils point le pouvoir de donner de crise, à moins que le magnétiseur ne le leur communique ?
- Pourquoi, revenus dans leur état naturel, les somnambules n’ont-ils aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant la crise ?
- Pourquoi dans l’état de somnambulisme les malades se souviennent-ils de ce qui s’est passé dans l’état naturel et même dans la crise antérieure ?
- Pourquoi les réminiscences que les somnambules ont de l’état naturel sont-elles plus nettes que dans l’état naturel même ?
- Pourquoi les somnambules annoncent-ils avec tant de précision les époques et les résolutions des maladies qu’ils sentent en eux et qu’ils touchent dans les autres ?
- Pourquoi, selon eux, les somnambules ne peuvent-ils toucher certaines espèces de maladies sans danger, tandis que le magnétiseur peut les toucher toutes ?
- Pourquoi dans certaines crises, comme dans les crises nerveuses de Joly, y a-t-il quelquefois privation d’un sens puis d’un autre et le rétablissement de ces sens ou organes à des époques indiquées par le malade ? Et pourquoi ces phénomènes n’ont-ils lieu que sur des sens qui ont déjà été affectés ?
- Rapport du somnambulisme aux convulsionnaires
Éditions successives :
- Aucune
Traduction
- Aucune
Extrait
Une chose à laquelle les magnétiseurs n’ont pas toujours fait attention, et qui cependant en mérite une bien importante, c’est la source des réponses qu’ils reçoivent de leurs somnambules. S’ils voulaient y réfléchir, ils verraient que souvent c’est le magnétiseur qui fait lui-même la demande et la réponse par la grande influence qu’il a sur son malade. Que chaque homme en particulier s’observe lui-même, il verra que, parmi les idées et les sentiments divers qui le travaillent continuellement, il lui arrive les trois quarts et demi du temps de les expliquer tous par lui-même, c’est-à-dire d’après les idées et les sentiments déjà acquis et d’après ses passions, ses opinions, ses préjugés. C’est ainsi que, dans les fantômes de son imagination, il réalise tous les plans qu’il forme, toutes les idées qui le flattent, et toutes les jouissances qu’il désire.
Or, que fait le magnétiseur quand il porte ses malades au somnambulisme ? Il unit pour ainsi dire son âme à la leur ; il l’identifie à sa propre manière d’être ; il la rend son propre organe. Il ne serait pas étonnant alors, qu’il reçût de l’âme de ses somnambules des réponses qui ne seraient que les siennes propres, et qu’il serait tenté de les prendre comme venant d’une source supérieure et merveilleuse. Cette voie d’erreur est très large, et je sais qu’elle a été embrassée même par des personnes dont les rapports s’étendaient plus loin que le somnambulisme.
Mais, dans l’une et l’autre classe, ces dangers ont cependant leur mesure, et la voici : tout ce qui tient à des faits cachés, éloignés, ou à venir en est à l’abri, ainsi que tout ce qui tient à des notions supérieures et totalement étrangères aux notions déjà acquises du magnétiseur.
Dans tout le reste il peut avoir plus d’influence qu’il ne le se persuade. Le vrai moyen d’annuler entièrement cette influence dans les réponses serait de l’annuler entièrement dans les questions, en se dépouillant de tout ce qui peut tenir à ses propres pensées, à ses propres opinions ; enfin, ce serait de se rendre absolument passif. Comment se défaire ainsi de soi-même ? Pour moi, cela me paraît une difficulté extrême dans un genre de travail où il faut conserver au moins une sorte d’activité pour faire les demandes relativement aux idées qui nous viennent.
La même observation peut se faire pour les procédés du simple magnétisme curatif. Ceux qui traitent par sensation et qui jugent des maux du magnétisé par les sensations qu’ils éprouvent, peuvent être souvent exposés à se tromper. Pour qu’ils en fussent à couvert, il faudrait qu’ils fussent dans un état de santé parfaite sans quoi les sensations auxquelles ils s’arrêtent peuvent tenir à leur propre incommodité, comme à celles du magnétisé. Je sais qu’il y a mille exemples où ce danger n’a pas lieu, mais ce n’est pas une preuve pour que cette voie soit toujours sans erreur et sans incertitude. L’homme, au physique comme au moral, est toujours exposé à se mettre à la place de la nature et de la vérité. »