Notre introduction (voir la 1re partie de l’article) avertissait que la première qui s’annonçait était celle dite de Philippon. En fait, nous aurions du préciser : intégrale, car avant 1899, quelques extraits ont été publiés :
La toute première fois que le public profane pu lire un extrait du Traité, c’est en 1851, grâce à J. de Saint-Genois, un universitaire belge qui publie une lettre que lui a adressé un correspondant non identifié. Cette missive comprend deux brefs passages, l’un extrait du Discours de Moïse, l’autre sur la Vertu des nombres. .
Matter, en 1862, dans sa célèbre biographie Saint-Martin, Le Philosophe Inconnu : 14 lignes très exactement ! Matter est apparenté par alliance à Frédéric-Rodolph Salzmann (1749-1820), Grand-profès dans l’ordre des C.B.C.S. mais d’abord Élu Cohen et ami de Saint-Martin qu’il fréquenta à Lyon puis Strasbourg. C’est lui (et Charlotte de Boecklin) qui a fait connaître – et aimer – au Philosophe Inconnu, Jacob Boehme (1575-1624). De Salzmann, Matter a hérité d’un fonds important.
- Adolphe Franck, en 1866, en publie les 26 premiers feuillets, dans sa Philosophie mystique en France à la fin du 18e siècle. C’est le fils de Matter, le pasteur Albert Matter qui lui présenta « deux petits volumes manuscrits de Martinès de Pasqually ».
- En 1935, Gérard van Rijnberk, à son tour, publie 16 pages ainsi que le Tableau Universel dans Un thaumaturge au 18e siècle, Martines de Pasqually sur deux colonnes, il compare quelques extraits du manuscrit Matter avec celui de Kloss. Il spécifie la mouture maçonnisante, apercevant avec justesse des « divergences d’expression » comme la substitution du mot « Homme » par exemple, par « maçon », ou encore « émaner » pour créer (gravissime erreur…).
Puis fut publiée, enfin, l’édition complète qui restera jusqu’en 1974, la référence pour tout historien, puisque la seule publiée !
Sommaire
1. Édition Chacornac, dite « de Philippon » 1899
C’est une première dans l’histoire, une fracture pour le secret, une bénédiction à l’adresse de tous les chercheurs ! Jean-Baptiste Willermoz, en son temps, se serait insurgé ! Pour imparfaite que soit cette publication (nombreuses erreurs d’interprétation, coquilles, fautes, etc.) mais – la tâche était hardie – elle persistera pour l’éternité, l’édition historique ! Et puis, que savons-nous de l’intégrité du manuscrit Matter qui a servi en la circonstance ?
Disparu depuis, rien ne prouve qu’il ne soit pas lui-même défectueux. Dépourvu de la représentation du Tableau Universel, sa lecture en sera sévèrement contrariée, la rendant difficile et parfois incompréhensible.
Publié à 500 exemplaires, en 388 pages, c’est Henri Chacornac qui en a assuré la réalisation dans la collection de la BibliothèqueRosicrucienne, numéro 5. [Livre en ligne sur Gallica]
Précédant le texte, une Notice Historique sur le Martinésisme et le Martinisme, par un Chevalier de la Rose Croissante, soit Albéric Thomas. Les chercheurs, pendant 75 ans, ont disposé enfin du seul Traitéimprimé ouvrage de base à toute approche et étude sérieuse du martinésisme et du martinisme.
Entre sa parution et sa réédition, signalons :
2. Édition privée de l’Ordre Martiniste et Synarchique
Créé dans les années 1950 par Sâr Gulion, cet Ordre très discret a coédité (avec d’autres petites obédiences martinistes) une édition hors-commerce du Traité, au format de poche, sur la base del’édition dite de Philippon (reprenant le même titre mais sans référence au précurseur, Chacornac ! premier d’une longue série de fâcheuse pratique, que l’on se doit de dénoncer).
Ce sont Les Ateliers de l’Athanor à Montréal qui en a assuré l’édition.
3. Première reproduction de l’Édition Chacornac, dite « de Philippon », 1974
À la reprise de la Bibliothèque Chacornac, les Éditions Traditionnelles ont heureusement entrepris une réédition typographique du Traité, disparu des catalogues de ventes par épuisement depuis la seconde guerre mondiale.
Enseigne et adresse de la nouvelle maison. Réédition en 1977 et 1984 sous la même forme et le même procédé d’impression typographique, sur 235 pages.
4. Édition Robert Dumas dite « du Bicentenaire », 1974
La même année, paraît un ouvrage volumineux, qui pour la première fois, va détrôner (au niveau de l’intérêt encyclopédique) l’édition précitée. Et pourtant, elle se réfère à celle-ci (pages paires) de version A et au regard (pages impaires) sur l’édition Kloss, de version B. L’ensemble sous une forme juxtalinéaire.
Le combat est inégal : d’une part, le texte intégral, sans fard mais coquilles corrigées, de l’autre une « Introduction », des « Documents », des « Notes » de la main de Robert Amadou, complétée par l’index de Schleiermacher, traduite à la demande de Robert Amadou par Pierre Deghaye.
Le succès est immédiat, la diffusion plus importante. Au reste, on se réjouit de l’introduction – en représentation photographique – duTableau Universel natif du manuscrit Kloss avec ses légendes.
Belle couverture toilée, titre et pentacle martiniste dorés sur fond mauve de bel effet, format 14 x 21,5, sur un total de 578 pages.
5 Première édition en langue portugaise, 1979
A l’apogée du régime salazariste et sous le joug d’une censure stricte, un éditeur courageux entreprend de publier des textes jugés sulfureux par les dignitaires catholiques romains du Portugal. C’est ainsi qu’Ediçöes 70 va éditer, en 1979, unTratado da Reintegracäo dos seres Criados. Traduction par António Sabler de l’édition du ms. Kloss, de 1974 (édition du bicentanire), (276 pages au format de 14 x 22 cm). À signaler : une particularité rarissime : le nom de l’auteur est orthographié Martinets de Pasquallys, ainsi qu’ une préface de Manuel J. Gandra, Horsam, que nous n’avons pas réussi à identifier.
6. Trattato della Reintegrazione degli esseri nelle loro primitive propriétà virtûe potenza spirituali e divine, 1982
Traduction italienne (édition Philippon) de C.M. Aceti, avec une présentation de Franceso Brunelli, Souverain Grand Maître de l’Ordre Martiniste des Elus Cohens de l’Univers et de Memphis-Misraïm pour l’Italie, par les Éditions Amenothes.
7. Fac-similé du manuscrit autographe de Saint-Martin, Diffusion Rosicrucienne, 1993
31 x 43,5 centimètres de dimension pour représenter à l’échelle les pages du manuscrit autographe de Louis-Claude de Saint-Martin ! Tiré à 500 exemplaires numérotés, 172 pages sur papier à haut grammage, c’est un chef d’œuvre pour bibliophiles et bibliomanes. Le Trésor Martiniste s’est trouvé un écrin digne du joyau qu’il symbolise. En fin de volume, une double page représentant une seconde fois le Tableau Universel, permettant ainsi au lecteur de l’avoir en permanence sous les yeux.
Dans l’authentique, on ne saurait prétendre faire mieux ! Aucune retouche, la feuille de notes de lecture est présente. Couverture simili cuir, chagrin rouge, lettres dorées à l’or fin sur le premier plat.
8. Première édition authentique d’après le manuscrit de Louis-Claude de Saint- Martin, établie et présentée par Robert Amadou, Diffusion Rosicrucienne, 1995
Nous voici arrivés à la nouvelle et dernière édition qui fait référence. Elle renvoie toutes les autres à classer sur l’étagère des écrits historiques qui ont bien mérité mais dépassés. Cette édition, sur 473 pages, est le complément indispensable de la précédente.
Robert Amadou a pris deux initiatives, qui pourront choquer certains, réjouir d’autres : il s’est employé à faire de cette publication un cours magistral par sa riche introduction ; un outil de travail en le divisant en 11 sections, lesquels sont fractionnés en 284 articles :
- I Adam, 50 articles ;
- II Kaïn, 3 articles ;
- III Abel, 12 articles ;
- IV Enoch, 29 articles ;
- V Noé, 25 articles ;
- VI Les Sages Noachides, 22 articles ;
- VII Abraham, 6 articles ;
- VIII Isaac, 5 articles ;
- IX Jacob, 10 articles ;
- X Moïse, 92 articles ;
- XI Saül, 8 articles.
De même, par l’ajout d’une table de concordance entre la présente édition, celle de Philippon, et le fac-similé de l’autographe. Le texte, dans son entier, à été transcrit en français moderne. Secondé par son épouse Catherine, appuyé par Christian Rebisse, Robert Amadou poursuit l’ensemble par trois Index : « Personnes, Lieux et Thèmes », ainsi qu’une « Table analytique » !
Une feuille indépendante permet d’observer pendant la lecture, au recto le « Tableau Universel » selon un dessin de Saint-Martin (corrigé) et au verso, un autre provenant du fonds Willermoz-L.A.
La version éditée par Diffusion Rosicrucienne a donné naissance à deux traductions. La première est espagnole, Tratado de la Reintegración de los Seres, publiée à Barcelone en 2002. Déplorons que la couverture de l’ouvrage indique qu’il s’agisse d’un ouvrage de… Louis-Claude de Saint-Martin !
Le seconde est une version portugaise, Tratado Da Reintegração dos seres, publié en 2007 à Curitiba, Brésil.
Puis, comme la pratique s’installe méchamment, de véritables piratages :
- En 2000, à Gênes, Traduction C.M. Aceti ;
- En 2003, à Florence, Traduction O. La Pera. Libreria Chiari ;
- En 2007, à Schaffhausen (Suisse), Traduction R. Marthaler, Novalis.
Pour ne pas rajouter à la confusion et nous écarter de toute promotion, c’est a dessein que nous ne numérotons pas ces contrefaçons.
9. Une étonnante édition en langue grecque, d’après le manuscrit de Saint-Martin, 2003
Voici un petit exploit : Plutôt que de se contenter de traduire l’une des multiples éditions parues à ce jour, Demetrius Polychronis à patiemment déchiffré à son tour (à partir du fac-similé) le Traitédans la version qui retient nos faveurs, celle du fonds Z et produit ainsi une œuvre originale ! Il fallait oser.
Dans sa correspondance, Demetrius Polychronis m’informe avoir fait sa propre subdivision en paragraphes (dans la même intention qui avait animé en son temps Robert Amadou, mais différemment, surtout en l’ignorant… puisqu’à ce jour, de Grèce, Demetrius n’a pas réussi à se procurer l’édition 1995 de la Diffusion Rosicrucienne ! )
Introduction de son cru :
- Martines de Pasqually et la théurgie des Élus coëns ;
- La doctrine de la réintégration ;
- Le caractère théosophique de l’ordre des Élus coëns ;
- Martinès et Saint-Martin (comparaison des deux voies) ;
- Commentaire de Willermoz sur la Figure universelle.
Ajoutons pour terminer ce descriptif, l’emploi malencontreux du fameux faux-portrait de Martines de Pasqually. A décharge de Demetrios Polichronis, ce n’est qu’au cours du mois de Janvier 2009, en consultant le site du Philosophe Inconnu, qu’il à découvert l’imposture !
Paru en 2003 aux éditions Pyronos Kosmos d’Athènes, le Pragmateia peri tis aposkatastaseos ton ontonse présente sous un volume de 390 pages, format 21 x 14, couverture pelliculée. Ces précisions me sont données, et je tiens à les remercier, tant par le traducteur précédemment cité que par son éditeur, Monsieur Emmanuel Gaitanos.
10. La première édition numérique à l’achat sur internet, 2006
Internet procure, sur certains sites, des éditions (sur base Philippon) dont la majorité sont défectueuses. C’est affaire de professionnels et nous ne saurions trop avertir nos lecteurs d’y prendre garde. Le Traitén’est guère facile à « saisir » ! [1]
Recommandons très particulièrement :
Le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France présente une version numérique de l’édition Philippon (celle de 1899). La date de mise en ligne n’est pas indiquée, mais la validité est certaine puisqu’il s’agit d’un fac-similé de l’édition Philippon (celle de 1899).
Les Éditions de l’Arbre d’Or proposent à la vente, un fichier Pdf de 208 pages qui reprend l’édition (désuète) publiée en 1899 chez Chacornac. La réédition proposée ici offre un double intérêt : grâce aux outils de recherche que permet le format PDF, elle constitue en effet un instrument d’étude appréciable pour ceux qui souhaitent approfondir l’œuvre du premier maître de Louis-Claude de Saint Martin. Le titre est défectueux, sans référence à l’éditeur de source.
L’autre intérêt est qu’elle propose deux textes importants en relation avec le Traité. Le premier est la « Notice historique sur le martinésisme et le martinisme, par un Chevalier de la Rose Croissante ». Ce texte figurait déjà en introduction de l’édition de 1899. On s’étonnera toutefois de le voir en introduction, car il figure également dans le second texte proposé dans ce volume, les « Notes sur le martinésisme et le martinisme ». Ce dernier, qui fut publié par Jacques Brieu dans le Mercure de France en avril-juin 1899, se veut une critique du texte d’Albéric Thomas.
11. Une édition anglaise désastreuse, 2007
Septentrione Books, éditeur anglais, vient de publier une traduction en anglais du Traité. La couverture, à elle seule, représentant un faux portrait de Martinés de Pasqually nous découragerait d’aller plus en avant si l’objectivité de notre étude ne nous imposait d’en faire état.
Certes, son traducteur Trevor Stewart nous paraît fort méritant pour y « avoir passé sept ans, nous confie-t-il, à partir de sources diverses (sic) dont une manuscrite (sans l’indiquer) ».
Hélas, il s’est aussi autorisé à résumer, supprimer et plus grave encore, à simplifier… ou du moins, le pense-t-il naïvement. Nous le croyons sincère puisque son désir avoué était de mettre à disposition des chercheurs un outil davantage « clair et facile à la lecture, plutôt que fidèle et précis ». Traduire « quatriple» par « quadruple », ou « dénaire » par « deux », même s’il avoue avoir voulu « ouvrir le texte à l’intention d’un public plus large », cela nous parait pour le moins dangereux.
12. Enfin, une édition en langue allemande !
De l’avis même du traducteur, Roland Marthaler, il aura fallu attendre « 237 ans pour que cet ouvrage [ne paraisse en langue allemande] écrit en 1770 par Martinès de Pasqually et l’un de ses élèves, Louis-Claude de Saint-Martin ». Si l’on ne reprendra pas à notre compte cette affirmation, il semble en effet que le Traité n’ait jamais été traduit avant !
L’éditeur, Novalis, nous a produit une reprise de l’édition Philippon de 1899, qu’il a retravaillé en découpant le texte en 438 paragraphes avec titres de son cru (Robert Amadou s’était contenté de 284) et ponctuation moderne.
Une « Introduction du Traducteur » résume brièvement la biographie [2] de Martinès de Pasqually, tandis qu’un « Appendice » nous expose l’interprétation Jean-Baptiste Willermoz sur la Figure universelle que l’on trouve en fin de volume. Pas de table de lecture, mais reproduction du Grand-sceau de l’ordre, du cachet personnel du grand-maître et une reproduction de sa signature.
L’édition est soignée, couverture pelliculée avec une vignette représentant un… phènix, papier de qualité, mise en page parfaite.
13. Une surprenante édition japonaise, 2008
Avec l’aide de Mitsuaki HASEGAWA, le professeur Kiwahito KONNO, connu pour ses travaux sur l’illuminisme et ses traductions en japonais de Louis-Claude de Saint-Martin, vient de publier deux textes fondamentaux réunis en un seul volume, le Traité sur la réintégration des êtres, suivi Des erreurs et de la vérité.
Cette version japonaise du Traité se base sur l’édition de 1899. Elle en corrige les travers, grâce à des notes et des commentaires faisant référence aux éditions plus récentes du Traité, publiées par Robert Amadou (Dumas, 1974 et Diffusion Rosicrucienne, 1995).
14. Encore plus surprenante, une édition en russe, 2008 !
La vigilante attention de Michelle Nahon lui a fait découvrir au cours d’un voyage, cette édition passée inaperçue jusqu’à aujourd’hui !
Nous n’avons pu nous procurer un exemplaire (épuisé en quelques semaines !) aussi devons-nous nous contenter d’indiquer qu’il est édité par Aenigma à Moscou, qu’il compte 271 pages, ornées de vignettes qui ne proviennent pas toutes du Traité, loin s’en faut puisqu’il nous est donné d’y surprendre, entre autres, une fois encore et de trop, le fâcheux faux-portrait de Martinès de Pasqually !
A noter, en dernière page, une courte note biographique de Robert Ambelain.
15. Une édition comparative du manuscrit Kloss et de l’édition dite de Philippon
Les Editions Castelli, déjà connues pour ses « reprises-maison » des œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin, nous offre aujourd’hui une version « améliorée» du Traité sur la présentation retenue par celle dite du Bicentenaire, mais en respectant scrupuleusement le vis-à-vis sur deux colonnes, paragraphe par paragraphe. C’est fort pratique pour mieux distinguer les différences entre la version dite « originale » et celle de Philippon/Chacornac, soit entre une version B (courte) et une version A (longue).
Suit une Table analytique d’Andreas Schleiermacher, traduite par Pierre Degaye. La « Figure universelle » accompagnée de sa légende nous est offerte en fin de volume. Cet éditeur ne ménage pas ses efforts pour la promotion du corpus littéraire du martinisme et du martinézisme (s’il est nécessaire et prudent de les distinguer). La réalisation par impression numérique est de qualité, couverture pelliculée format 20,4 x 14, 366 pages. Nous ferons tout de même état de nos réserves coutumières dés qu’il s’agit de reprises corrigées et améliorées .
Concluons, donc, et garantissons-nous des notes de références qui seront livrées à la suite. Elles sont d’importances car elles certifient les développements proposés.
S’il fallait choisir un manuscrit, une réponse de normand nous oblige :
Le manuscrit Kloss pour la fidélité à Martinés de Pasqually, le manuscrit du fonds Z pour l’érudition à la doctrine de Martinés de Pasqually !
Pour l’édition, aucun état d’âme :
Une seule détachée, l’édition de Robert Amadou, exécutée par la Diffusion Rosicrucienne !
Xavier Cuvelier-Roy
Le Barcarès, équinoxe d’automne 2008.
Avertissement
La version originale de cet article est parue dans le numéro 17/2007 du Bulletin de la Société Martinès de Pasqually ainsi que sur la page internet réservée à la dite société.