Première biographie de Martines de Pasqually, publiée en 1820 par J-B-M. Gence, un ami de Saint-Martin. Son auteur nous présente « le chef de la secte dite des Martinistes ».
Martinez Pasqualis, chef de la secte dite des Martinistes, est un de ces personnages qui ont donné le nom à une école et qui sont eux-mêmes restés inconnus. L’analogie du nom du disciple principal avec celui du maître a contribué à faire presque oublier le véritable chef des Martinistes, avec lequel les feuilles du jour, en annonçant en 1803 la mort de St-Martin, ont confondu ce dernier.
Les disciples même les plus intimes de Martinez n’ont point connu sa patrie. C’est d’après son langage qu’on a présumé qu’il pouvait être Portugais et même juif. Il s’annonça en 1754 par l’institution d’un rite cabalistique d’élus dits cohens, en hébreu, prêtres), qu’il introduisit dans quelques loges maçonniques en France, à Toulouse et à Bordeaux. Ce fut dans cette dernière ville qu’il enrôla parmi ses disciples et reçut maçon de son ordre Saint-Martin, jeune officier au régiment de Foix.
Martinez apporta, en 1768, à Paris ce même rite, dont le peintre Vanloo fit connaître l’auteur dans la capitale. Un assez grand nombre de prosélytes y formèrent la secte qui reçut des loges du nouveau rite organisé en 1775 la dénomination de Martinistes. Le livre des Erreurs et de la vérité ayant été publié la même année par Saint-Martin a pu concourir à faire confondre celui-ci avec le fondateur de la secte de ce nom.
Après avoir achevé de professer sa doctrine à Paris, Martinez quitta soudain ce séjour comme pour aller recueillir une succession, et s’embarqua, vers 1778 [1. Ce n’est pas en 1778, mais en 1772, le 5 mai, que Martines de Pasqually quitte la France], pour Saint-Domingue : il y termina au Port-au-Prince, en 1779 [2. Ce n’est pas en 1779, mais en 1774, le 20 septembre, que meurt le fondateur de l’ordre des Elus coëns], sa carrière théurgique, dans laquelle Bacon de la Chevalerie, l’un de ses disciples, fut aussi l’un de ses agents. Saint-Martin, dans le Portrait qui fait partie de ses œuvres posthumes, ne s’est pas expliqué sur le fond de la doctrine de ce maître. Mais par ce qui en perce dans ses premiers écrits et dans celui d’un autre élève, l’abbé Fournier, auteur de Ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous serons (Londres, 1791 [3. C’est en réalité en 1801 que le livre de Fournié a été publié]), on peut présumer que la doctrine professée par Martinez est cette cabale des juifs, qui n’est autre que leur métaphysique ou la science de l’être, comprenant les notions de Dieu, des esprits, de l’homme dans ses divers états.
Martinez prétendait posséder la théorie pratique ou la clef active de cette science, ayant pour objet non seulement d’ouvrir des communications intérieures, mais de procurer des manifestations sensibles.
« Dans l’école où j’ai passé il y a vingt-cinq ans, écrivait Saint-Martin, en 1793, à son ami Kirchberger, les communications de tout genre étaient fréquentes ; j’en ai eu ma part comme beaucoup d’autres. Les manifestations du signe du Réparateur y étaient visibles : j’y avais été préparé par des initiations. Mais, ajoute-t-il, le danger de ces initiations est de livrer l’homme à des esprits violents ; et je ne puis répondre que les formes qui se communiquaient à moi ne fussent pas des formes d’emprunt. »
Ainsi Saint-Martin lui-même laissait entrevoir que dans ces opérations l’on court le risque d’être trompé et que la force des impressions peut troubler le moral de ceux qui s’y livrent. Cependant Martinez n’avait point connu, dit-il, Jacob Boehme, bien supérieur, selon lui, au philosophe portugais, auquel il devait seulement son entrée dans les régions d’un ordre supérieur, tandis que le philosophe allemand lui en avait aplani la route. Un traité de la Réintégration contenant ce que Martinez Pasqualis avait écrit de sa doctrine et qu’il lisait ou dictait à ses disciples est resté inédit, de même que la correspondance dont on a parlé à l’article Kirchberger. (Extrait de la Biographie Universelle ancienne et moderne, – Tome XXVII, p. 320-321, Paris 1820)
Jean-Baptiste-Modeste Gence