« Homme, le mal est encore plus grand. Ne dis plus que l’univers est sur son lit de mort ; dis que l’univers est dans le sépulcre » écrit Saint-Martin dans son Ministère de l’homme-esprit.
L’univers est sur son lit de douleurs, et c’est à nous, hommes, à le consoler. L’univers est sur son lit de douleurs, parce que, depuis la chute, une substance étrangère est entrée dans ses veines, et ne cesse de gêner et de tourmenter le principe de sa vie ; c’est à nous à lui porter des paroles de consolation qui puissent l’engager à supporter ses maux ; c’est à nous, dis-je, à lui annoncer la promesse de sa délivrance et de l’alliance que l’éternelle sagesse vient faire avec lui.
C’est un devoir et une justice de notre part, puisque c’est le chef de notre famille qui est la première cause de la tristesse de l’univers ; nous pouvons dire à l’univers que c’est nous qui l’avons rendu veuf : n’attend-il pas à chaque instant de la durée des choses, que son épouse lui soit rendue ?
Oui, soleil sacré, c’est nous qui sommes la première cause de ton inquiétude et de ton agitation. Ton œil impatient ne cesse de parcourir successivement toutes les régions de la nature ; tu te lèves chaque jour pour chaque homme ; tu te lèves joyeux, dans l’espérance qu’ils vont te rendre cette épouse chérie, ou l’éternelle Sophie, dont tu es privé ; tu remplis ton cours journalier en la demandant à toute la terre avec des paroles ardentes où se peignent tes désirs dévorants. Mais le soir tu te couches dans l’affliction et dans les larmes, parce que tu as en vain cherché ton épouse ; tu l’as en vain demandée à l’homme ; il ne te l’a point rendue, et il te laisse séjourner encore dans les lieux stériles, et dans les demeures de la prostitution.
Homme, le mal est encore plus grand. Ne dis plus que l’univers est sur son lit de douleurs ; dis : l’univers est sur son lit de mort ; et c’est à toi de lui rendre les derniers devoirs ; c’est à toi à le réconcilier avec cette source pure dont il descend, cette source qui n’est pas Dieu, mais qui est un des éternels organes de sa puissance, et dont l’univers n’eût jamais dû être séparé ; c’est à toi, dis-je, de le réconcilier avec elle, en le purgeant de toutes les substances de mensonge dont il ne cesse de s’imprégner depuis la chute, et à le laver d’avoir passé tous les jours de sa vie dans la vanité.
Il ne les eût pas vus s’écouler ainsi dans la vanité, si tu fusses resté toi-même dans le siège de la splendeur où tu avais été placé par ton origine, et chaque jour tu aurais oint l’univers d’une huile de joie qui l’eût préservé de l’infirmité et de la douleur ; tu aurais fait pour lui ce qu’il fait aujourd’hui pour toi en te procurant journellement la lumière et les fruits des éléments auxquels tu t’es assujetti, et qui sont nécessaires à ton existence. Approche-toi donc de lui, demande-lui de te pardonner sa mort ; car c’est toi qui la lui as donnée.
Homme, le mal est encore plus grand. Ne dis plus que l’univers est sur son lit de mort ; dis que l’univers est dans le sépulcre, que la putréfaction s’est emparée de lui, et qu’il répand l’infection par tous ses membres, et c’est à toi de te le reprocher. Sans toi, il ne serait pas ainsi descendu dans la tombe ; sans toi, il ne répandrait pas ainsi l’infection par tous ses membres.
Sais-tu pourquoi ? c’est que tu t’es rendu toi-même son sépulcre ; c’est qu’au lieu d’être pour lui le berceau perpétuel de sa jeunesse et de sa beauté, tu l’as enseveli dans toi comme dans un tombeau, et tu l’as revêtu de ta propre putréfaction. Injecte promptement dans tous ses canaux l’élixir incorruptible, car c’est à toi de le ressusciter ; et malgré l’odeur cadavéreuse qu’il exhale de toutes parts, tu es chargé de le faire renaître.
(Extrait du Ministère de l’homme-esprit – 1802)