Médecin, écrivain, Octave Béliard fut l’un des prompteurs de la Société des Amis de Saint-Martin.
Fils de Luc-Célestin Béliard, capitaine au long cours, et d’Octavie-Agathe Metgy , Octave est né à Paimboeuf le 12 décembre 1876. Après des études à Ancenis et à Nantes, il devient médecin. En 1896, alors qu’il n’a que vingt ans, il est initié au martinisme et fréquente la loge Les Temps nouveaux de Nantes, où il se lie avec le Dr Auguste Chauvet, ami et médecin de Saint-Yves d’Alveydre. Auguste Chauvet, lecteur attentif des œuvres du Philosophe inconnu, avait présenté à la loge Les Temps nouveaux un long discours intitulé « Claude de Saint-Martin (le Philosophe-inconnu), interprétation de sa véritable doctrine et de son application comme base de la sociologie », texte qu’il publiera en 1905 sous le pseudonyme de Saïr.
En 1903, Octave Béliard épouse une Angevine, Jeanne Rabjeau, et s’installe quelque temps à Montjean-sur-Loire. Ses inclinations le portent davantage vers la littérature que vers la médecine, et il rédige régulièrement des articles pour la Revue du théâtre Graslin et pour le Nantes mondain. Il finit par abandonner plus ou moins la pratique de la médecine pour s’installer à Paris. En 1907, il publie avec son ami le Dr Léo Gaubert Le Périple. [1] Paris, Tassel, s.d. (1907), 224 p. Albert-Louis Caillet présente ce livre comme un « ouvrage des plus détaillés sur l’occultisme et ses différentes branches, et qui jouit de la plus haute estime parmi les initiés [2] Manuel bibliographique des sciences psychiques ou occultes, Paris, 1912, n° 921. ». Par la suite, il écrit plusieurs nouvelles, parmi lesquelles nous citerons : Aventures d’un voyageur qui explora le temps (1909) [3] Ce récit est publié dans la revue Lectures pour tous, revue littéraire populaire, illustrée et de petit format (environ 70 pages). On y trouve des pièces, de courtes histoires et aussi des sujets d’actualité. Pendant la Grande Guerre, cette revue publie ainsi de nombreux articles sur la guerre. , Le Passé merveilleux (1909), ou Une exploration polaire aux ruines de Paris (1911).
En 1920, après la Première Guerre mondiale, Octave Béliard publie Sorcières, rêveurs et démoniaques, une étude sur les croyances et pratiques superstitieuses dans l’histoire. Il y évoque les origines de la sorcellerie dans l’Antiquité, ses développements au Moyen Âge, l’ésotérisme au XVIIIe siècle et l’occultisme contemporain. Historien scrupuleux, il relate aussi des faits qu’il a lui-même observés et les travaux de grands savants. Mais Octave Béliard est plus un romancier qu’un historien, et son livre La Petite-Fille de Michel Strogoff lui vaudra en 1927 le prix Jules Verne honorant les auteurs de science-fiction.
Parallèlement à ses travaux de plume, il se passionne pour les mystères de l’occultisme. La Première Guerre Mondiale a mis fin à la grande période du martinisme, qui n’a guère survécu à la mort de Papus, survenue en 1918. L’Ordre s’est fractionné en petits groupes. Octave Béliard se tourne vers d’autres horizons, et en 1921, avec Auguste Chauvet et Léon Gaubert, il tente de créer l’Ordre des chevaliers du Christ, de l’Ordre du Graal, groupuscules qui ne connaîtront jamais d’existence réelle. Le médecin nantais reste en relation avec ses amis martinistes. En janvier 1921, accompagné de Victor-Émile Michelet et Hans Ryner, il donne une conférence sur le thème « La douleur » à La vie morale, à Paris. Finalement, Octave Béliard se joint à Victor-Émile Michelet et Augustin Chaboseau, qui, loin des disputes de ceux qui se présentent comme les successeurs de Papus, perpétuent au sein d’un petit groupe la tradition martiniste. Á partir de 1931, ce groupe devient l’Ordre Martiniste Traditionnel. Le docteur Béliard, chancelier de l’Ordre, est membre du Conseil suprême.
Pendant cette période il participe aux activités du groupe Atlantis de Paul Le Cour (1861-1954). Lors du cinquième banquet platonicien organisé par la revue en 1932, il donne une conférence sur « L’Immortalité en Égypte [4] Le texte de cette conférence sera publié dans le n° 44, novembre-décembre 1932, p. 32-37, de la revue Atlantis. » et fait paraître la même année Au long du Nil. Son retour vers le martinisme semble relancer son intérêt pour la métapsychique, et en 1933, il publie Magnétisme et spiritisme. En 1936, il écrit pour la revue Mesures, « L’Annonce du Nouvel Homme », le texte que nous présentons ici. Cette étude se divise en deux parties. La première est une introduction à la pensée de Saint-Martin, dans laquelle Octave Béliard insiste sur la récurrence du mot homme dans quatre des œuvres majeures du Philosophe inconnu : L’Homme de désir, Le Nouvel Homme, Ecce Homo et Le Ministère de l’homme-esprit. La seconde partie de l’article propose des extraits caractéristiques du Nouvel Homme, introduits chacun par un titre composé par Octave Béliard lui-même. Ces textes, dit-il, présentent « l’autocréation de notre être spirituel, dont le réparateur, en son existence humaine, fournit l’exact et vivant modèle du nouvel homme, fils de l’homme de désir ».
Bientôt arrive la Seconde Guerre mondiale. Octave Béliard est nommé commandant, médecin-chef de l’hôpital Fénelon à Vaujour. Cependant, l’hôpital reste à l’état de projet, et le médecin nantais est contraint de retourner à la vie civile. Le décès de son épouse Jeanne au milieu de l’année 1942 le plonge dans le désespoir. Il tente d’oublier son chagrin en se replongeant dans l’étude des hiéroglyphes égyptiens. Durant cette période, il fréquente assidûment le Louvre et travaille à l’élaboration d’un dictionnaire de hiéroglyphes égyptiens. C’est pendant cette époque qu’il fait la connaissance de l’égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt.
Après la guerre, ses amis martinistes l’invitent à se joindre à eux pour relancer l’Ordre Martiniste Traditionnel, dont les activités, comme celles de tous les mouvements initiatiques, avaient été interdites par un décret du gouvernement de Vichy. Octave Béliard n’est guère enthousiaste. En effet, avec le temps, il en est venu à douter de l’existence d’une transmission initiatique provenant de Saint-Martin lui-même.
En juin 1945, lors de la réunion organisée par Augustin Chaboseau pour décider de l’éventuelle reprise des activités de l’Ordre, deux tendances se dessinent. Les uns pensent inutile de garder une forme rituelle et initiatique, et proposent de transformer l’Ordre en une société d’étude sur Louis-Claude de Saint-Martin. Octave Béliard, comme la majorité des membres présents, incline pour ce choix. Un second groupe souhaite poursuivre les activités de l’Ordre Martiniste Traditionnel. En définitive, c’est ce dernier courant qui finit par l’emporter. Cependant, si l’OMT reprend ses activités, ceux qui n’ont pas opté pour cette direction fondent au mois de septembre l’association des Amis de Saint-Martin.
Octave Béliard reste partagé. Par amitié pour Augustin Chaboseau, il reste à l’OMT, mais participe aussi aux activités des Amis de Saint-Martin. Sa position évolue cependant quelques mois plus tard. En effet, Augustin Chaboseau, grand maître de l’OMT, meurt le 2 janvier 1946. Octave Béliard s’estime alors libéré des ses engagements et préfère s’éloigner de l’Ordre. Á la fin de l’année, en décembre 1946, il affirme sa position dans un article intitulé « À propos d’un livre récent », publié dans la revue Les Cahiers de l’homme-esprit, premier numéro de la revue des Amis de Saint-Martin. Le livre dont il parle est celui que vient de publier Robert Amadou, Louis-Claude de Saint-Martin et le martinisme [5] AMADOU, Robert, Louis-Claude de Saint-Martin et le martinisme, Paris, Édition du Griffon d’Or, 3e trimestre 1946. . Dans son article, le médecin nantais critique ouvertement l’existence d’une initiation issue de Saint-Martin, dont Robert Amadou résume l’histoire dans le troisième chapitre de son ouvrage. Ce dernier se range rapidement de son côté, reconnaissant que la chose est sujette à caution. Octave Béliard semble alors s’impliquer davantage dans les Amis de Saint-Martin. Quelques mois plus tôt, le 26 août 1946, il a été mandaté par l’association pour prononcer une allocution lors de la cérémonie qui officialisa la découverte de la maison natale du Philosophe inconnu à Amboise (Discours d’O. Béliard). Quelques mois après cet événement, en septembre 1947 Jean Chaboseau, constant l’acense d’une filiation martiniste placera l’Ordre Martiniste Traditionnel en sommeil.
Après cette période, il se consacre à nouveau à l’écriture et publie plusieurs nouvelles parmi lesquelles : L’Étrange Histoire de Françoise, La Hantise, La Seconde Vie, La Ville de rêve, Le Bouddha,Le Charmeur de bruits, Le Décapité vivant, Le Karma, Le Roseau de Tout-Ankh-Amon, Spiritisme, Un dîner au Majestic, Visite de nuit, Le Sac de serge verte, Le Seuil…
En 1950 Octave Béliard revient plus directement vers l’ésotérisme en publiant « À propos d’occultisme [6]. 1949-1950, la Bibliographie et l’annuaire international des sciences psychiques et occultes, publiés sous la direction de Michel Moine, Paris, Les Éditions de l’Ermite, 1950, p. 42-45. ». Ce texte montre la distance qu’il a prise avec un sujet qu’il observe désormais avec une démarche scientifique. Il y aborde l’étude des phénomènes psychiques en se situant dans la mouvance de la métapsychique. Il annonce qu’il privilégie l’étude des faits et conclut son article en soulignant que ces expériences le laissent sceptique.
Comme il l’indique dans ses correspondances avec Victor-Émile Michelet, Octave Béliard se méfie des mouvements « hérétiques », se voulant fidèle à « l’église intérieure ». Par cette position, il se révèle être un martiniste au sens où Louis-Claude de Saint-Martin l’entendait. Ses activités littéraires lui valurent les titres de vice-président honoraire de l’association des Écrivains combattants et sociétaire des Gens de lettres de France. Il meurt le 24 juin 1951 à Paris.
Dominique Clairembault, 2 février 2005
Notes :