« Source éternelle de tout ce qui est, toi qui envoies aux prévaricateurs des esprits d’erreur et de ténèbres qui les séparent de ton amour, envoie à celui qui te cherche un esprit de vérité qui le rapproche de toi pour jamais. »
Sommaire
– I –
« Source éternelle de tout ce qui est, toi qui envoies aux prévaricateurs des esprits d’erreur et de ténèbres qui les séparent de ton amour, envoie à celui qui te cherche un esprit de vérité qui le rapproche de toi pour jamais.
Que le feu de cet esprit consume en moi jusqu’aux moindres traces du vieil homme, et qu’après l’avoir consumé, il fasse naître de cet amas de cendres, un nouvel homme sur qui ta main sacrée ne dédaigne plus de verser l’onction sainte.
Que ce soit là le terme des longs travaux de la pénitence, et que ta vie universellement une transforme tout mon être dans l’unité de ton image, mon cœur dans l’unité de ton amour, mon action dans une unité d’œuvres de justice, et ma pensée dans une unité de lumières.
Tu n’imposes à l’homme de grands sacrifices que pour le forcer à chercher en toi toutes ses richesses et toutes ses jouissances, et tu ne le forces à chercher en toi tous ces trésors, que parce que tu sais qu’ils sont les seuls qui puissent le rendre heureux, et que tu es le seul qui les possède, qui les engendre et qui les crée.
Oui, Dieu de ma vie, ce n’est qu’en toi que je peux trouver l’existence et le sentiment de mon être. Tu as dit aussi que c’était dans le cœur de l’homme que tu pouvais seulement trouver ton repos ; n’interromps pas un instant ton action sur moi, pour que je puisse vivre, et en même temps pour que ton nom puisse être connu des nations : tes prophètes nous ont enseigné que les morts ne pouvaient te louer ; ne permets donc jamais à la mort de m’approcher : car je brûle de rendre ta louange immortelle, je brûle du désir que le soleil éternel de la vérité ne puisse reprocher au cœur de l’homme d’avoir apporté le moindre nuage et causé la moindre interruption dans la plénitude de ta splendeur.
Dieu de ma vie, toi que l’on prononce et tout s’opère, rends à mon être ce que tu lui avais donné par son origine, et je manifesterai ton nom aux nations, et elles rapprendront que toi seul es leur Dieu et la vie essentielle, comme le mobile et le mouvement de tous les êtres.
Sème tes désirs dans l’âme de l’homme, dans ce champ qui est ton domaine et que nul ne peut te contester, puisque c’est toi qui lui as donné son être et son existence. Sèmes-y tes désirs, afin que les forces de ton amour l’arrachent en entier aux abîmes qui le retiennent et qui voudraient l’engloutir pour jamais avec eux.
Abolis pour moi la région des images ; dissipe ces barrières fantastiques qui mettent un immense intervalle et une épaisse obscurité entre ta vive lumière et moi, et qui m’obombrent de leurs ténèbres.
Approche de moi le caractère sacré et le sceau divin dont tu es le dépositaire, et transmets jusqu’au sein de mon âme le feu qui te brûle, afin qu’elle brûle avec toi, et qu’elle sente ce que c’est que ton ineffable vie et les intarissables délices de ton éternelle existence. Trop faible pour supporter le poids de ton nom, je te remets le soin d’élever en entier l’édifice, et d’en poser toi-même les premiers fondements au centre de cette âme que tu m’as donnée pour être comme le chandelier qui porte la lumière aux nations, afin qu’elles ne restent pas dans les ténèbres.
Grâces te soient rendues, Dieu de paix et d’amour ! grâces te soient rendues de ce que tu te souviens de moi, et de ce que tu ne veux pas laisser languir mon âme dans la disette ! Tes ennemis auraient dit que tu es un père qui oublie ses enfants, et qui ne peut pas les délivrer. »
– II –
J’irai vers toi, Dieu de mon être ; j’irai vers toi, tout souillé que je suis ; je me présenterai devant toi avec confiance. Je m’y présenterai au nom de ton éternelle existence, au nom de ma vie, au nom de ta sainte alliance avec l’homme ; et cette triple offrande sera pour toi un holocauste d’agréable odeur sur lequel ton esprit fera descendre son feu divin pour le consumer et retourner ensuite vers ta demeure sainte, chargé et tout rempli des désirs d’une âme indigente qui ne soupire qu’après toi.
Seigneur, Seigneur, quand entendrai-je prononcer au fond de mon âme, cette parole consolante et vive avec laquelle tu appelles l’homme par son nom, pour lui annoncer qu’il est inscrit dans la milice sainte, et que tu veux bien l’admettre au rang de tes serviteurs ? Par la puissance de cette parole sainte, je me trouverai bientôt environné des mémorials éternels de ta force et de ton amour, avec lesquels je marcherai hardiment contre tes ennemis, et ils pâliront devant les redoutables tonnerres qui sortiront de ta parole victorieuse.
Hélas, Seigneur, est-ce à l’homme de misère et de ténèbres à former de pareils vœux et à concevoir de si superbes espérances ! Au lieu de pouvoir frapper l’ennemi, ne faut-il pas qu’il songe lui-même à en éviter les coups ? Au lieu de paraître, comme autrefois, couvert d’armes glorieuses, n’est-il pas réduit comme un objet d’opprobre, à verser des pleurs de honte et d’ignominie dans les profondeurs de sa retraite, n’osant pas même se montrer au jour ? Au lieu de ces chants de triomphe qui autrefois devaient le suivre et accompagner ses conquêtes, n’est-il pas condamné à ne se faire entendre que par des soupirs et par des sanglots ?
Au moins, Seigneur, fais-moi une grâce, c’est que toutes les fois que tu sonderas mon cœur et mes reins, tu ne les trouves jamais vides de tes louanges et de ton amour ; je sens, et je voudrais ne jamais cesser de sentir, que ce n’est point assez du temps entier pour te louer ; et que, pour que cette œuvre sainte soit accomplie d’une manière qui soit digne de toi, il faut que tout mon être soit saisi et mû par ton éternité ; permets donc, ô Dieu de toute vie et de tout amour, permets à mon âme de chercher à fortifier sa faiblesse dans ta puissance ; permets-lui de former avec toi une ligue sainte qui me rende invincible aux yeux de mes ennemis, et qui me lie tellement à toi par les vœux de mon cœur et du tien, que tu me trouves toujours aussi ardent et aussi empressé pour ton service et pour ta gloire, que tu l’es pour ma délivrance et pour mon bonheur.
– III –
Époux de mon âme, toi par qui elle a conçu le saint désir de la sagesse, viens m’aider toi-même à donner la naissance à ce fils bien-aimé que je ne pourrai jamais trop chérir. Dès qu’il aura vu le jour, plonge-le dans les eaux pures du baptême de ton esprit vivifiant, afin qu’il soit inscrit sur le livre de vie, et qu’il soit reconnu pour jamais comme étant au nombre des fidèles membres de l’Église du Très-Haut.
En attendant que ses faibles pieds aient la force de le soutenir, prends-le dans tes bras comme la mère la plus tendre, et préserve-le de tout ce qui pourrait lui nuire. Époux de mon âme, toi que l’on ne connaît jamais si l’on n’est humble, je rends hommage à ta puissance, et je ne veux pas confier à d’autres mains que les tiennes ce fils de l’amour que tu m’as donné. Soutiens-le toi-même, lorsqu’il commencera à former ses premiers pas.
Quand il sera dans un âge plus avancé et susceptible de l’entendre, instruis-le de l’honneur qu’il doit à son père, pour qu’il obtienne de longs jours sur la terre ; inspire-lui le respect et l’amour pour la puissance et les vertus de celui qui lui a donné l’être.
Époux de mon âme, inspire-moi la première à nourrir continuellement ce fils chéri de ce lait spirituel que tu formes toi-même dans mon sein ; que je ne cesse de contempler dans mon fils l’image de son père, et dans son père l’image de mon fils, et de tous ceux que tu peux engendrer en moi dans le cours non-interrompu de toutes les éternités.
Époux de mon âme, toi que l’on ne connaît jamais si l’on n’est sanctifié, sers à la fois de mentor et de modèle à ce fils de ton esprit, afin que dans tous les temps et dans tous les lieux, ses œuvres et son exemple annoncent et manifestent sa céleste origine ; tu poseras ensuite toi-même sur sa tête la couronne de gloire, et il sera pour les peuples un monument éternel de la majesté de ton nom.
Époux de mon âme, telles sont les délices que tu prépares à ceux qui t’aiment et qui cherchent à s’unir à toi. Périsse à jamais celui qui me presserait de rompre notre sainte alliance ! Périsse à jamais celui qui voudrait m’engager à te préférer un autre époux !
Époux de mon âme, prends-moi toi-même pour ton propre fils ; que lui et moi nous ne fassions qu’un à tes yeux, et verse abondamment sur l’un et sur l’autre les grâces que nous ne pouvons tous deux recevoir que de ton amour. Je ne puis plus vivre, si tu n’accordes à la voix de mon fils et à la mienne de s’unir ensemble pour chanter éternellement tes louanges, et pour que nos cantiques soient comme des fleuves intarissables engendrés sans cesse par le sentiment de tes merveilles et de ton ineffable puissance.
– IV –
Seigneur, comment oserais-je me regarder un instant sans frissonner d’horreur sur ma misère ! J’habite au milieu de mes propres iniquités qui sont les fruits de mes abus dans tous les genres, et qui sont devenus comme mon vêtement ; j’ai abusé de toutes mes lois, j’ai abusé de mon âme, j’ai abusé de mon esprit, j’ai abusé et j’abuse journellement de toutes les grâces que ton amour ne cesse journellement de répandre sur ton ingrate et infidèle créature.
C’est à toi que je devais tout offrir et tout sacrifier, et je ne devais rien offrir au temps qui est devant tes yeux comme les idoles sans vie et sans intelligence, et cependant je ne cesse d’offrir tout au temps, et rien à toi ; et par là je me précipite d’avance dans l’horrible abîme de la confusion qui n’est occupée qu’au culte des idoles, et où ton nom n’est pas connu.
J’ai fait comme les insensés et les ignorants du siècle qui emploient tous leurs efforts pour anéantir les redoutables arrêts de la justice, et faire en sorte que cette terre d’épreuve que nous habitons ne soit plus à leurs yeux une terre d’angoisse, de travail et de douleur.
Dieu de paix, Dieu de vérité, si l’aveu de mes fautes ne suffit pas pour que tu me les remettes, souviens-toi de celui qui a bien voulu s’en charger et les laver dans le sang de son corps, de son esprit et de son amour ; il les dissipe et les efface, dès qu’il daigne en faire approcher sa parole.
Comme le feu consume toutes les substances matérielles et impures, et comme ce feu qui est son image, il retourne vers toi avec son inaltérable pureté, sans conserver aucune empreinte des souillures de la terre.
C’est en lui seul et par lui seul que peut se faire l’œuvre de ma purification et de ma renaissance ; c’est par lui seul que ta majesté sainte peut contempler l’homme ; et c’est pour cela que tu veux opérer notre guérison et notre salut, puisqu’en employant les yeux de son amour qui purifie tout, tu ne vois plus dans l’homme rien de difforme, tu n’y vois plus que cette étincelle divine qui te ressemble et que ta sainte ardeur attire perpétuellement à elle comme une propriété de ta divine source.
Non, Seigneur, tu ne peux contempler que ce qui est vrai et pur comme toi ; le mal est inaccessible à ta vue suprême. Voilà pourquoi l’homme méchant est comme l’être dont tu ne te souviens plus, et que tes yeux ne sauraient fixer, puisqu’il n’a plus aucun rapport avec toi ; et voilà cependant cet abîme d’horreur où je n’ai pas craint de faire mon séjour.
Il n’y a pas d’autre alternative pour l’homme : s’il n’est perpétuellement plongé dans l’abîme de ta miséricorde, c’est l’abîme du péché et de la misère qui l’inonde ; mais aussi, il n’a pas plutôt détourné son cœur et ses regards de cet abîme d’iniquité, qu’il retrouve cet océan de miséricorde dans lequel tu fais nager toutes tes créatures. C’est pourquoi je me prosternerai devant toi dans ma honte et dans le sentiment de mon opprobre ; le feu de ma douleur desséchera en moi l’abîme de mon iniquité, et alors il n’existera plus pour moi que le royaume éternel de ta miséricorde.