Les textes de l‘Homme de désir sont des élans à la manière du psalmiste, dans lesquels l’âme humaine se reporte vers son premier état, que la voie de l’Esprit peut lui faire recouvrer par la Bonté divine. Le texte ci-dessous est extrait du chapitre du chapitre n° 101 de cet ouvrage.
Où prendrai-je une idée juste de la prière et des effets qu’elle peut produire ? Elle est une seule ressource, mon seul devoir, ma seule œuvre, dans cette région ténébreuse et sur ce misérable théâtre d’expiation.
Elle peut purifier et sanctifier mes vêtements, mes aliments, mes possessions, les matières de mes sacrifices, tous les actes et toutes les sujétions de mon être.
Je peux par ma prière atteindre jusqu’à ces sphères supérieures, dont les sphères visibles ne sont que d’imparfaites images.
Bien plus, s’il paraît devant moi un homme dont les discours ou les défauts m’affligent, je peux, par la prière, recouvrer de l’intérêt pour lui, au lieu de l’éloignement qu’il m’aurait causé.
Je peux faire par ma prière que l’impie devienne religieux, que l’homme en colère devienne doux, que l’homme insensible se remplisse de charité. Je peux, par ma prière, ressusciter partout la vertu.
Je peux, par ma prière, descendre jusque dans les lieux de ténèbres et de douleur, et y porter quelques soulagements. N’est-ce pas la prière qui autrefois a redressé le boiteux, fait voir l’aveugle et entendre le sourd ? N’est-ce pas elle qui a ressuscité des morts ?
Je dois tout attendre de Dieu, sans doute ; mais attendre tout de Dieu, ce n’est pas rester dans l’apathie et la quiétude. C’est l’implorer par mon activité et par les douleurs secrètes de mon âme, jusqu’à ce que ma langue étant déliée, je puisse l’implorer par des sons harmonieux et par des cantiques.
Par la force et la persévérance dans ma prière, j’obtiendrai, ou la conviction extérieure, qui est le témoignage, ou la conviction intérieure, qui est la foi. C’est pourquoi les sages ont dit que la prière était une récompense.
Le secret de l’avancement de l’homme consiste dans sa prière, le secret de sa prière dans la préparation, le secret de la préparation dans une conduite pure ;
Le secret d’une conduite pure, dans la crainte de Dieu, le secret de la crainte de Dieu dans son amour, parce que l’amour est le principe et le foyer de tous les secrets, de toutes les prières et de toutes les vertus.
N’est-ce pas l’amour qui a proféré les deux plus superbes prières qui aient été communiquées aux hommes, celle que Moïse a entendue sur la montagne, et celle que le Christ a prononcée devant ses disciples et devant le peuple assemblé ?
Louis-Claude de Saint-Martin, L’homme de désir, extrait du n° 101