Sommaire du Bulletin N° 29
- Avant-propos de la Présidente, p. 2
- Cotisation 2020, p. 4
- Mademoiselle de Chevrier, par André Kervella, p. 5
- Catéchisme des Élus Cohen selon le Chevalier Molinier, par Georges Courts, p. 19
- Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon, par Jean-Louis Boutin, p. 35
- Retour sur Jacques Cazotte, par André Kervella, p. 56
- Joseph de Maistre, une profession de foi martinésiste, par Philippe Guéniot, p. 59
- Il était une fois les élus coëns de désir — 1: 1942-1946, par Serge Caillet , p.77
- Quelques pièces annexées au Livre Vert, par Thierry Lamy, p. 91
- De circulo et ejus compositiones, traduction du texte latin, par Thierry Lamy, p. 118
- Alerte pour les élus coëns – l’Ordre de Mac Benac arrive !, Blaye « Point par points », par Christian Marcenne, p. 131
- Notes de lecture, par Michelle Nahon et Georges Courts, p. 138
Notes de lecture
Il est difficile de rendre compte en quelques lignes d’un bulletin aussi varié tant par son contenu que par la qualité de ses articles. Nous le présenterons donc par quelques notes de lecture.
Ce numéro est introduit par un article dans lequel Michelle Nahon, présidente de la Société Martinès de Pasqually, rend hommage à Jean-Claude Drouin, disparu le samedi 18 mai 2019. Jean-Claude Drouin fut l’un des membres fondateurs de la Société Martinès de Pasqually, dont il assuma la présidence en 1996 et 1997.
Mademoiselle de Chevrier, par André Kervella
Quelques femmes furent initiées dans l’ordre des Élus coëns André Kervella nous propose de faire connaissance avec l’une d’elles, mademoiselle de Chevrier, personnage qu’il avait déjà abordé dans son livre Aux sources du Régime Ecossais rectifié (La Pierre Philosophale, 2018). S’il reste difficile de mesurer le parcours de mademoiselle Chevrier dans l’ordre des Élus coëns, André Kervella apporte ici des éléments qui permettent d’esquisser ce cheminement en s’intéressant à son entourage, ses relations et sa famille.
Catéchisme des Élus Cohen selon le Chevalier Molinier, par Georges Court
Georges Courts présente un document de la BnF, « Extrait du Catéchisme des Élus Cohen », du Chevalier Denis Molinier. Il s’agit d’un texte qui tente d’interpréter un catéchisme martiniste dans un sens alchimique. Denis Molinier a en effet inséré, soit dans le texte, soit dans les marges d’un catéchisme coën, des remarques et des symboles alchimiques. Ce manuscrit est assez peu connu, mais nous avons été étonné qu’à aucun moment cet article ne fasse référence à sa publication par Robert Amadou dans Trésor martiniste (Villain et Belhomme, éd. Traditionnelles, 1969). Le catéchisme publié par ce dernier ne comportait pas les ajouts de Molinier que Georges Courts restitue ici. Le lecteur devra cependant s’armer de patience pour lire ce texte à cause des surcharges apportées par Denis Molinier. Rappelons que l’alchimie n’entrait pas dans les spéculations des Élus coëns ce qui faisait dire à Robert Amadou que Molinier trahissait la pensée de Martinès de Pasqually. Georges Courts ne donne que la première partie du Catéchisme et il faudra attendre le prochain numéro pour avoir la suite de ce texte. Le lecteur pressé pourra consulter ce manuscrit sur le site de la BnF.
Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon, par Jean-Louis Boutin
Jusqu’à ce jour, aucune étude n’avait été consacrée à Champollon, élu coën du régiment Foix-Infanterie. Jean-Louis Boutin ouvre l’enquête. Avec « Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon », il apporte des informations inédites sur les origines, la vie profane et initiatique de ce militaire qui termina sa carrière avec le grade de général de brigade. En 1805, Napoléon lui accorda le titre de chevalier de la Légion d’honneur. Parmi les éléments inédits apportés par Jean-Louis Boutin, signalons un document montrant qu’en février 1783, Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon est membre de la loge Maréchal de Saxe du 4e régiment de Chevau-Légers, et prête son concours à l’installation de la loge L’Heureux Hasard, loge regroupant les « bas officiers » du régiment de Foix-Infanterie. Cette participation veut-elle dire qu’après le déclin de l’ordre des Élus coëns, il s’était éloigné de ses anciens amis pour rejoindre la franc-maçonnerie traditionnelle ? Jean-Louis Boutin note que contrairement à son ami De Grainville, Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon ne figure pas parmi ceux qui gagnèrent la loge lyonnaise de la Bienfaisance (Régime écossais rectifié). Jean-Louis Boutin note cependant qu’en 1804, alors qu’il habite l’Ain, Champollon adresse à Willermoz un jeune voisin en quête de lumière. Sa lettre montre qu’il semble ignorer la mort de Saint-Martin (1803) et de Pierre-André de Grainville (1794).
« Retour sur Jacques Cazotte », par André Kervella
Avec « Retour sur Jacques Cazotte », André Kervella revient sur quelques points abordés dans l’article qu’il avait consacré à Cazotte dans le Bulletin précédent.
Joseph de Maistre, une profession de foi martinésiste, par Philippe Guéniot
Dans « Joseph de Maistre, une profession de foi martinésiste », Philippe Guéniot souligne l’importance du martinésisme dans l’œuvre de cet auteur. Reprenant toutes les occurrences des textes où il aborde le martinisme, il montre la persistance de l’importance de ce sujet dans l’ensemble de son œuvre. Il faut cependant tempérer cette admiration et se souvenir qu’après avoir présenté Saint-Martin comme « le plus savant et le plus élégant des théosophes », Joseph de Maistre, fidèle catholique, critique sévèrement certaines de ses idées. Il n’est pas d’accord avec ceux qui, comme Saint-Martin, estiment que l’Église n’a pas su remplir sa mission. Dans le « Onzième entretien » des Soirées de Saint-Pétersbourg, Maistre leur répond : « J’irai cependant mon train, messieurs, comme si le Tout-Puissant avait réussi, et tandis que les pieux disciples de Saint-Martin, dirigés, suivant la doctrine de leur maître, par les véritables principes, entreprennent de traverser les flots à la nage, je dormirai en paix dans cette barque qui cingle heureusement à travers les écueils et les tempêtes depuis mille huit cent neuf ans. » Bien qu’il ait éprouvé un intérêt certain pour le martinisme, Joseph de Maistre s’est tenu à distance de ce courant de pensée.
Il était une fois les élus coëns de désir — 1 : 1942-1946, par Serge Caillet
Avec l’article « Il était une fois les élus coëns de désir : 1942-1946 », Serge Caillet propose le premier épisode d’une étude consacrée aux personnalités qui ont tenté de faire renaître de ses cendres l’ordre de Martinès de Pasqually. Si le personnage central qui anime l’un de ces épisodes est Robert Ambelain, ce dernier se cache derrière l’autorité très contestable de Georges Lagrèze. Ce Martiniste, ancien inspecteur à l’époque de Papus, a eu un parcours sinueux, passant de l’ordre Martiniste de Bricaud à celui de Blanchard, pour finalement rejoindre l’O.M.T. d’Augustin Chaboseau en 1939. Régisseur et chanteur d’opérette, celui qui interprétait le rôle de Louchard dans La Fille de Madame Angot en 1932, au théâtre du Trianon à Paris, n’est pas de ceux qu’on pourrait qualifier de « grand initié ». [1. C’est du programme du Trianon Lyrique de Paris que nous avions extrait en 1992 le portrait inédit de ce martiniste, ainsi sous-titré : « M. Lagrèze Loveley, régisseur général ». ] Dans une lettre datée du 11 avril 1942, Octave Béliard écrivait à Augustin Chaboseau : « Lagrèze est venu me voir il y a un mois et demi. Il a une activité très extérieure, utile sans doute ; on ne s’entretient pas avec lui des vérités éternelles ». Serge Caillet présente Georges Lagrèze comme étant le grand maître substitut de l’O.M.T., mais à notre connaissance, il ne fut jamais qu’inspecteur et légat de cet Ordre. Robert Ambelain prétend que Georges Lagrèze lui aurait donné « la mission de maintenir et développer le martiniste », mais on voit mal de quelle légitimité ce dernier pouvait se réclamer pour lui donner ce mandat. Robert Ambelain ne serait-il pas plutôt octroyé lui-même cette mission ? Lors du réveil de l’O.M.T. après la guerre, Georges Lagrèze se fera réprimander par Augustin Chaboseau pour la légèreté de son attitude. De son côté, Jean Chaboseau portera de graves accusations à l’encontre de Robert Ambelain. Georges Lagrèze se verra lui-même écarté du Suprême Conseil, dont il ne sera désormais plus que membre honoraire. Sa maladie puis sa mort quelques mois plus tard laisseront les mains libres à Robert Ambelain pour présenter sa version de l’histoire dans Le Martinisme, ouvrage qu’il publiera en 1946 (et qui témoigne de sa méconnaissance de la doctrine de Martinès de Pasqually). Pour ce qui concerne la mise en œuvre de la « résurgence » de l’Ordre des Élus coëns en 1942, par exemple les sources rituelles utilisées, son mode opératoire, nous restons sur notre faim, car le sujet est trop vide éludé dans l’article de Serge Caillet. Il nous donnera sans doute des éléments plus solides dans la seconde partie de son article, permettant que ce « il était une fois » résonne autrement que comme une légende.
Quelques pièces annexées au Livre Vert – De circulo et ejus compositiones, traduction du texte latin, par Thierry Lamy
Dans « Quelques pièces annexées au Livre Vert », Thierry Lamy nous propose une traduction du De Circulo et ejus compositiones, qu’il présente comme un texte coën. Nous n’aborderons pas ici la traduction de ce texte, mais nous nous contenterons de souligner deux points importants. Le premier concerne l’origine du document traduit et le second porte sur sa nature, sa qualité supposée de texte coën.
1 – Thierry Lamy nous présente le De Circulo et ejus compositiones comme venant du « fonds Jirousek ». Pour nous, ce fonds n’existe pas. À notre connaissance, ce pseudo-fonds est un ensemble de documents qui ont été publiés en 1999 sous forme d’un CD intitulé Le Manuscrit d’Alger, contenant les catéchismes des grades de l’Ordre des Élus Coëns de l’Univers ainsi que plusieurs explications et instructions secrètes. Ce CD, qui reproduit des documents en fac-similé (photocopies en noir et blanc) a été publié par les éditions Les Gouttelettes de Rosée (44 rue La Dysse – 34150 Montpeyroux). Une version en ligne de ces documents est consultable (depuis au moins janvier 2000) sur le site https://manuscrit.morgane.org/). Comme nous l’avons montré par ailleurs [1. « Les documents élus-coëns du Fonds Prunelle de Lière », n° 26. ] il s’agit de photocopies de onze documents venant du Fonds Prunelle de Lière (Bibliothèque Municipale de Grenoble – BMG). Plus précisément, ce CD utilise des photocopies des manuscrits Ms 4125, Ms 4124, Ms 4123, Ms 4128, Ms 4129 et Ms 4126 de la BMG dont les tampons de la bibliothèque ont été masqués. L’éditeur précise dans un texte de présentation qu’il ne connaît pas l’origine de ces documents. Aux documents de Grenoble s’ajoute sur ce CD un texte provenant de la bibliothèque municipale de Lyon, le Ms 5.907 (Catéchisme des Commandeurs d’Orient Aprentif Reau Croix, p. 78-86). Le De Circulo et ejus compositiones qui fait l’objet de l’article de Thierry Lamy est en réalité le Ms 4129 de Grenoble.
Précisons que certains documents figurant sur le CD des Gouttelettes de Rosée avaient précédemment été publiés par Robert Amadou dans une série de fascicules portant ce titre général : « Le Fonds Z, les manuscrits réservés du Philosophe inconnu », documents diffusés par l’Institut Eléazar (s.d. 1990), repris ensuite par le CIREM. Le De Circulo et ejus compositiones a été publié par Robert Amadou dans cette série, sans appareil critique ou éléments permettant d’en comprendre la nature et les origines. Lorsqu’on compare ce document au Ms 4129, on ne peut que constater que le document publié par Robert Amadou est celui de la BMG (dont les tampons de la BMG et la note figurant sur la première page ont été masqués). Contrairement à la version publiée par Robert Amadou, celle que reproduisent par Les Gouttelettes de Rosée a conservé la note manuscrite figurant en haut de la première page. Ce détail trahit son origine, car on reconnaît aisément la note de la main de Prunelle de Lière, figurant à la même place sur le manuscrit de Grenoble.
L’« Avertissement des éditeurs » qui accompagne le CD du Manuscrit d’Alger présente les documents reproduits comme venant du dossier Marcel Jirousek, disciple bruxellois de Robert Ambelain. Robert Amadou réagira par une note publiée dans la Lettre du Crocodile (1er trimestre 2001), où il précise que ces documents ne viennent pas du Manuscrit d’Alger, mais de « documents particuliers à l’Ordre des Chevaliers Maçons Élus Coëns de l’Univers, rassemblés sous le nom de Fonds Z ». Notons au passage que Robert Amadou utilise l’expression « rassemblés sous le nom de Fonds Z » et non pas « provenant du Fonds Z », ce qui permet plusieurs interprétations.
Rappelons enfin que ce qu’on appelle le « Manuscrit d’Alger » est un document conservé à Bibliothèque nationale de France. S’il a été donné à cette bibliothèque en 1993 par Robert Ambelain, il n’a rien à voir avec les documents reproduits par les Gouttelettes de Rosée. Le véritable Manuscrit d’Alger a d’ailleurs été publié en fac-similé dans la revue L’Esprit des Choses (CIREM) entre 1996 et 2001, nos 13 à 30. Par la suite, George Courts en publia une transcription intégrale aux éditions Arqua. Contrairement à ce qu’indique Thierry Lamy (note 2, p. 120) le De Circulo et ejus compositiones ne figure pas dans le Fonds Z, il est d’ailleurs absent de l’inventaire publié par Robert Amadou sous le titre « État sommaire du fonds Z » (Bulletin martiniste, n° 6, 1984, p. 3-10).
2 – Le second point sur lequel nous souhaitons attirer l’attention des lecteurs est celui du statut du De Circulo et ejus compositiones. S’agit-il réellement d’un document élu coën ? Observons qu’en dehors du fonds Prunelle de Lière, il n’existe aucune autre version de ce texte dans les archives coëns répertoriées jusqu’à ce jour, qu’il s’agisse du Fonds Z, du Manuscrit d’Alger (BnF), du fonds Willermoz (BML) ou du fonds Hermete (voir Bulletin de la SMP, n° 25, 2015). Ajoutons que le fait qu’aucun texte coën ne fasse la moindre allusion à ce document nous incite à ne pas le classer parmi les textes relevant directement de l’Ordre des Élus coëns. Comme l’a montré George Courts, le De Circulo et ejus compositiones est une adaptation de « Heptameron, ou Les éléments magiques de Pierre Aban, philosophe, disciple de Henri-Corneille Agrippa » figurant dans Les œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Aban, latin et français, avec des secrets occultes, ouvrage publié à Liège en 1547. Certes, nous savons que Martinès de Pasqually a fait quelques emprunts à Cornélius Agrippa, notamment pour ce qui concerne les caractères hiéroglyphiques planétaires utilisés dans ses rituels, mais cela ne suffit pas pour faire du De Circulo et ejus compositione un texte coën. Ce ne sont pas les ressemblances qui sont significatives, mais les différences, et ces dernières sont importantes. Nous n’entrerons pas ici dans les détails, réservant cette étude à un article ultérieur ; contentons-nous pour l’instant de préciser un point important, le fait qu’il n’utile pas la terminologie caractéristique que l’on trouve habituellement dans les textes des Élus coëns. S’agit-il d’une adaptation de l’Heptameron faite par un élu coën, ou par quelqu’un qui n’a pas cette qualité ? La question mérite d’être posée et nous regrettons que Thierry Lamy n’ait pas abordé ce point que nous avions pourtant évoqué en 2016 dans le Bulletin. [1. « Les documents élus-coëns du Fonds Prunelle de Lière », n° 26. ] Soulignons que le De Circulo et ejus compositiones appartient à un fonds, celui de Prunelle de Lière, qui ne comporte pas uniquement des documents coëns.
Alerte pour les élus coëns – l’Ordre de Mac Benac arrive !, Blaye « Point par points »
– Dans « Alerte pour les élus coëns – l’Ordre de Mac Benac arrive !, Blaye ‘’Point par points’’ », Christian Marcenne nous invite à nous plonger dans un chapitre peu connu de l’histoire de la franc-maçonnerie bordelaise, et en particulier celle qui fut en activé dans le fort de Blaye, lieu où les Élus coëns étaient présents à la même époque. Le style adopté par l’auteur donne parfois un aspect énigmatique à cet article et nous ne doutons pas que son auteur nous apportera un jour d’autres informations sur le mystérieux Ordre de Mac Benac.
Notes de lecture de Michelle Nahon et Georges Courts
– Ce Bulletin n° 29 se termine par des notes de lecture de Michelle Nahon à propos de La franc-maçonnerie à la lumière du Verbe, tome 2, par Jean-François Var (Éditions Dervy, 2018) ; le Catalogue de l’exposition au Musée de la franc-maçonnerie : Le Régime Écossais Rectifié du 1er décembre 2018 au 31 mars 2019 ; les Actes, n° 11, mars 2019, 18e année, de la revue du CHIMAS ; Martines de Pasqually et les Élus Coëns exégètes et ministres du judéo-christianisme par Dominique Vergnolle, préface de Serge Caillet (Éditions de la Tarente, septembre 2019) ; Renaissance Traditionnelle, n° 192, « Sur les traces du premier Écossisme », octobre 2018 ; Renaissance Traditionnelle, n° 193, « Aux sources du premier Écossisme », janvier 2019. Une note de lecture de Georges Courts à propos de The original High degrees and theurgical system of the Masonic Elect Cohen Knights of the univers, de Mathieu Gérard de Ravignat (M.A, février 2019), termine cette revue de 143 pages.