« Tu sais que je t’ai dit que ton corps se divisait en trois parties principales la tête, la poitrine, et le bas ventre ; examine la structure de ces parties, et vois ensuite si elles ne correspondent pas parfaitement avec les divisions de mon temple. »
Sommaire
Introduction
Le texte ci-dessous est extrait des Instructions sur la Sagesse. Il appartient à la collection des oeuvres posthumes de Louis-Claude de Saint-Martin figurant dans les manuscrits relevant du « Fonds Z » (2 A, 9-32). Le texte complet de ces Instructions a été publié par Robert Amadou en 1986, dans Présence de Louis-Claude de Saint-Martin, textes inédits suivis des actes du Colloque sur L.-C. de Saint-Martins inédits, tenus à l’Université de Tours les 20 et 21 octobre 1979 [1] éd. L’autre Rive, Société Ligérienne de philosophie, Tours, 1986, extrait cité p. 36-41. . Introuvables depuis longtemps, les textes inédits publiés dans cet ouvrage ont été réédités par Catherine Amadou aux éditions Olms en 2019 (voir la présentation de ce volume). L’extrait que nous reprenons ici aborde le thème de la symbolique du Temple de Salomon « types réels de tout ce qui existe ». Le Philosophe inconnu a écrit ce texte pendant la période où il était membre de l’ordre des Élus coëns, entre 1770 et 1789. [2] Nous avons actualisé l’orthographe et la présentation. .
Instructions sur la Sagesse
[…] Il n’est pas une seule chose de tout ce que tu as pu remarquer soit sur la forme des corps soit sur leur composition qui ne puisse s’appliquer à ta propre forme. Ton corps a dans lui comme tous les êtres matériels les trois principes spiritueux universels qui dans les animaux comme je l’ai dit, se démontrent par les os, le sang et la chair. Il est reproduit par une semence comme les végétaux. Il s’opère sur son germe comme sur celui des plantes une action du feu extérieur qui engendre la putréfaction ; quand il a pris sa forme, il se développe comme les plantes par le secours d’un feu extérieur qui est celui des aliments ; enfin quand il a acquis son degré de maturité, il dispose et actionne à son tour tout ce qui l’environne, et il donne des preuves de cette perfection en se reproduisant lui-même.Triangle équilatéral sur sa forme – Infinité d’autres triangles
Ton corps porte encore d’une manière bien plus palpable que tout autre corps les marques évidentes comme le triangle est le principe de sa forme. Tu peux décrire un triangle équilatéral des extrémités de tes bras, jusqu’aux pieds ; voilà ton rapport avec la forme générale. Tu as sur toi en outre une infinité d’autres triangles que tu peux découvrir en jetant un simple coup d’œil sur toi même ; du sommet de ta tête aux yeux, de tes yeux à ta bouche, de ta bouche à chaque côté de la poitrine, du creux de l’estomac aux os des isles [3] Le bas-ventre, parties latérales inférieures du bas-ventre, illes (Bible, Lévit., III, 4, Richel. 1 ds Gdf.) ; 1562 « iles » ; A. Paré, Le premier livre de l’anatomie, chap. 1, Œuvres, éd. J. F. Malgaigne, t. 1, p. 114. .
Double triangle – Divisions principales du corps de l’homme
Tu portes avec cela dans ton chef mon [double triangle] qu’il faut avoir[4] sic. pour « voir » ? en effet ainsi que tous mes ouvrages avec les yeux de l’esprit ; car les yeux de ta matière ne t’apprendront jamais rien. Tu peux de plus diviser ton corps en trois parties principales très remarquables savoir la tête, la poitrine, et le bas ventre. Dans chacune de ces divisions tu trouveras des points dignes de ton attention et qui par leur correspondance t’offrent encore un triangle, savoir le cerveau dans la tête, le cœur dans la poitrine, et les parties végétatives dans le bas ventre. Dans ce dernier triangle la tête tient lieu de l’angle de l’est, l’organe terrestre ou impur qui est en aspect, répondant à l’angle de l’ouest, le cœur répond à la partie du Midi ou au Soleil, les parties végétatives répondent au Nord ou à la Lune. Tu as une infinité d’autres rapports avec la création universelle, tu les reconnaitras amplement lorsque tu voudras contempler mes œuvres dans un esprit de vérité, et que ni l’orgueil, ni la faiblesse ne t’induiront pas à des jugements hasardés.
Temple de Salomon
Pour te donner quelque idée de tes rapports avec l’universalité, je t’apprendrai qu’un de mes fidèles serviteurs me bâtit autrefois un temple où il avait renfermé tous les emblèmes et les types réels de tout ce qui existe. Si ce temple ressemble en quelque chose à l’universalité il n’est pas douteux que tu dois avoir des rapports avec lui. C’est ce que tu te persuaderas bientôt quand tu en auras fait la comparaison avec toi même.
Division du Temple – Sa construction bizarre en apparence
Ce temple était divisé en trois étages ou trois chambres connues sous le nom de porche, de temple, et de saint des saints. La chambre la plus basse avait cinq coudées de large, la seconde en avait six, et la troisième en avait sept. Sans doute que les hommes de ténèbres qui auront considéré cette construction l’auront trouvée si bizarre qu’ils auront méprisé l’ouvrage et l’ouvrier, parce que rapportant tout à leurs productions matérielles, ils ne connaissent rien au-dessus des règles grossières qui les dirigent.
Dans tout édifice, les lois de nature obligent à donner plus de largeur à la base qu’aux parties élevées ; et comme celui-ci semble construit selon des lois opposées, sans doute le plus grand nombre l’aura regardé comme imaginaire. Mais toi, mon ami, toi à qui j’ai dévoilé mes premiers mystères, tu te conduiras avec plus de prudence.
Si quelque fait se présente à toi sous une face contraire à tes simples lumières humaines, tu n’auras pas l’orgueil de vouloir me renfermer moi-même dans cette borne étroite, et ce qui ne te paraitrait pas vrai sous un sens, tu chercheras, ou tu attendras en paix que je vienne dissiper les nuages qui t’environnent, et te montrer que je suis en tout l’ennemie de l’erreur et de la confusion. Ma demeure n’est point dans les ténèbres ; malheur à l’homme qui croira m’y trouver.
Rapport du corps de l’homme avec le Temple
Tu sais que je t’ai dit que ton corps se divisait en trois parties principales la tête, la poitrine, et le bas ventre ; examine la structure de ces parties, et vois ensuite si elles ne correspondent pas parfaitement avec les divisions de mon temple.
Porche, ou bas-ventre
Le porche était le lieu d’assemblée de tous ceux qui n’étaient pas dignes de monter jusqu’aux autres chambres, ou de participer aux sacrifices. Chez toi, le bas ventre est le réceptacle de toutes les immondices de ton corps, de toutes ces matières impures qui ne pourraient séjourner dans d’autres parties sans les souiller. Si cependant c’est dans ce lieu même que se forment et se préparent toutes les liqueurs destinées à l’entretien de tout le corps ainsi qu’à sa reproduction, ce n’est qu’après s’être parfaitement épurées, et avoir reçu toutes les qualités nécessaires à l’effet qu’elles doivent produire ; de même qu’après de longues épreuves les habitants du porche parvenaient jusqu’au temple et au saint des saints pour aider et remplacer les anciens sacrificateurs.
Confusion du porche et de sa mesure quinaire
Après avoir été confondus dans la foule, ils montaient aux premières dignités et devenaient les conducteurs et le soutien de tout le peuple. Ce porche avait cinq coudées de large (le quinaire n’entre point dans l’assemblage des surfaces formées par des figures régulières) ; tu n’aperçois pas d’abord le rapport de cette mesure avec celle que peut avoir la partie inférieure de ton corps ; cette connaissance tient en effet à une observation que tu n’as peut-être pas encore faite ; cependant elle te frappe les yeux comme toutes les autres, elles ne te demanderaient qu’un peu d’attention. Trace un cercle, et essaie de le diviser en cinq parties égales, tu n’y pourras jamais parvenir que tu n’aies fait précédemment des opérations très compliquées, et par conséquent éloignées de la simplicité de mes lois.
Confusion des matières impures dans le bas-ventre
Essaie également de diviser le temps en cinq parties ; et tu sentiras que ce nombre se refusera toujours à tes efforts ; il ne t’annonce donc par lui-même que la difformité et les ténèbres, c’est aussi ce qui régnait dans la partie inférieure du Temple où tout le peuple se rassemblait sans ordre, et sans intelligence, c’est ce qui règne aussi dans la partie inférieure de ton corps où toutes les matières se trouvent mélangées comme dans un chaos. Telle est la manière de considérer les rapports des êtres ; avec le temps tu en pourras découvrir d’autres qui te confirmeront dans les principes que tu as déjà entrevus, et qui te convaincront de plus en plus de ma puissance.
Temple, ou poitrine – Saint des saints, ou la tête
Le temple était plus large que le porche d’une coudée ; il en avait six ; vois ta poitrine, n’est-elle pas renfermée comme par six cercles ?
Le dernier étage ou le saint des saints avait sept coudées. Considère dans ta tête les organes de tes sens, et tu y trouveras parfaitement le septénaire. En voilà assez pour te convaincre que mon temple et ton corps ne sont pas sans avoir quelques rapports entre eux, et pour te prouver physiquement que l’un et l’autre ainsi que tout être quelconque de production corporelle sont formés selon les lois du nombre ternaire.
Plusieurs autres rapports annoncés
Par la suite, je satisferai plus amplement ta juste curiosité, je te ferai voir le septénaire dans ta tête en figure naturelle, je te ferai toucher dans ton corps ce que tu nommes l’oracle dans mon temple ; tu verras dans toi l’arche de mon alliance, les chérubins avec leurs ailes, couvrant mon tabernacle ; tu y verras le voile, les portes qui s’ouvrent et se referment alternativement, l’ouverture supérieure du Temple, les colonnes, les vases, et tous les ornements qu’il rassemblait dans lui-même.
Mesure générale du Temple
Je ne veux pas cependant aller plus loin sans te donner quelques notions sur la mesure générale qu’avait mon temple. Il avait soixante coudées de long, vingt de large et trente de haut. Ne crois point que ces proportions fussent prises dans l’imagination d’un homme. Celui qui me bâtit ce temple ne fit en cela qu’une copie fidèle de l’univers. Son modèle était la nature, et la nature que j’ai formée ne marche point selon des lois imaginaires ; mais selon des lois immuables qui sont prises dans mon essence même.
Examine donc mes ouvrages et tu découvriras bientôt quelle était la mesure de mon temple. Un homme ignorant qui verrait un cercle ne concevrait pas d’abord le rapport qu’il y aurait du rayon avec la circonférence, ce n’est qu’après la démonstration que l’évidence l’en fait convenir… il en est de même d’un homme qui voit tous mes ouvrages sans vouloir en rechercher l’intelligence. Passons maintenant à des matières plus élevées. […]
[Louis-Claude de Saint-Martin]
Notes :