Le 22 octobre 2016 se tenait à Paris un colloque à la mémoire de Papus. Organisé par l’Ordre Martiniste, cet événement marquait le centième anniversaire de la mort du Dr Gérard Encausse (1916-2016). Cette journée se déroula au Grand temple de la Grande Loge de France, 8 rue Puteaux à Paris.
Les communications présentées lors de cette journée feront l’objet d’une publication aux éditions de la Tarente. En attendant la sortie de cet ouvrage, quelques-unes des conférences présentées lors de cette journée sont disponibles en vidéo sur le site Youtube. Nous avons sélectionné ici celles qui se rapportent aux fondateurs du Martinisme. La première, présentée par Michelle Nahon s’intéresse à Papus premier biographe de Martines de Pasqually. La seconde, présentée par Antoine Faivre, évoque la façon dont Papus voyait Louis-Claude de Saint-Martin.
Papus, premier biographe de Pasqually – Michelle Nahon
Dans un premier temps, Michelle Nahon nous présente le contexte dans lequel Papus a été conduit à publier cet ouvrage, celui de la création de l’Ordre Martiniste et de mise à jour des archives de Jean-Baptiste Willermoz. Elle analyse ensuite l’ouvrage publié par Papus en 1895 : L’Illuminisme en France (1767-1774), Martines de Pasqually, sa vie, ses pratiques magiques, son œuvre, ses disciples, suivis des catéchismes des élus coëns, d’après des documents entièrement inédits. Michelle Nahon termine cette présentation en évoquant les découvertes ultérieures qui complètent et corrigent le travail de Papus. Rappelons que Michelle Nahon est l’auteur de l’étude la plus complète sur la biographie de Martinès de Pasqually.Michelle Nahon est la présidente de la Société Martinès de Pasqually dont le but est l’étude historique sur la vie et l’œuvre du théurge, fondateur de l’Ordre des chevaliers-maçons Élus Coëns de l’Univers.
Papus et Louis-Claude de Saint-Martin – Antoine Faivre
Antoine Faivre se propose ici d’évoquer la place occupée par Saint-Martin dans l’œuvre de Papus en montrant qu’elle est essentiellement liée à la création de l’Ordre Martiniste. Il montre que mis à part cet élément fondateur, la pensée de Saint-Martin reste marginale dans l’œuvre de Papus.
Dans un premier temps, Antoine Faivre évoque l’entrée en scène progressive de Saint-Martin dans la création de l’Ordre Martiniste et dans les premiers écrits de Papus, notamment dans son Traité méthodique de sciences occultes (1891). Pour ce qui est de cet ouvrage, il souligne que la place occupée par le Philosophe inconnu y est modeste.
Dans la seconde partie de sa communication Antoine Faivre s’intéresse à la « trilogie instauratrice » que Gérard Encausse a consacrée à l’histoire du Martinisme avec ses livres : Martines de Pasqually, sa vie, ses pratiques magiques… (1895) ; Martinésisme, Willermosisme, Martinisme et Franc-maçonnerie… (1899) et enfin celui qu’il a consacré à Saint-Martin : L’Illuminisme en France, 1771-1803, Louis-Claude de Saint-Martin, sa vie, sa voie théurgique… (1902). Antoine Faivre s’attarde plus spécialement sur cet ouvrage.
Dans la dernière partie de sa communication Antoine Faivre présente ses « Interrogations sur Papus lecteur de Saint-Martin ». Évoquant les références bibliographiques citées par Papus, il souligne le cas du livre de Louis Moreau sur Saint-Martin (1850), qui est une impitoyable condamnation de la pensée théosophique en général et de Saint-Martin en particulier. Antoine Faivre observe que Papus, lorsqu’il cite cet ouvrage, ne semble pas avoir remarqué la position hostile de Moreau à l’égard de Saint-Martin. Antoine Faivre évoque les méprises de Papus au sujet des relations supposées du Philosophe inconnu avec l’Agent Inconnu et ses erreurs au sujet des relations entre swedenborgisme et martinisme. Il montre enfin que la pensée de Saint-Martin occupe une place très modeste, voire secondaire, dans les écrits de Papus et souligne qu’elle est parfois en contradiction avec les positions du Philosophe inconnu, notamment en ce qui concerne la réincarnation. Antoine Faivre rappelle que le Philosophe inconnu en refusait le principe, estimant d’ailleurs que la doctrine de la réincarnation n’était enseignée que dans les « écoles inférieures ».
En conclusion, Antoine Faivre souligne que Papus n’est pas un épigone, c’est-à-dire un successeur ou un continuateur de Saint-Martin, car trop de différences les séparent pour qu’on puisse même parler de filiation philosophique de l’un à l’autre, aussi « en lisant l’un, sachons aussi oublier l’autre » gardant cependant à l’idée que chacun est prodigue en incitations à penser.
Antoine Faivre, directeur d’études émérite de l’École pratique des hautes études, est l’auteur de nombreux ouvrages traitant de l’histoire des courants ésotériques dans l’Europe moderne et contemporaine.