Nouvelle édition revue et corrigée de l’ouvrage sur Martinès de Pasqually publié en 2011.
Cet ouvrage offre une synthèse des recherches entreprises par Michelle Nahon depuis plusieurs dizaines d’années. Ses travaux furent d’abord publiés dans les Cahiers de Saint-Martin entre 1983 et 1990, puis dans le Bulletin de la Société Martinès de Pasqually (20 numéros parus jusqu’à ce jour) entre 1990 et 2010. Même si ce livre ne lève pas totalement le voile sur le mystère des origines de Martinès de Pasqually, il en révèle des aspects méconnus, souvent inédits. Sa carrière militaire, découverte par Christian Marcenne il y a quelques années, apparaît de plus en plus clairement, et Michelle Nahon pose des éléments montrant qu’il exerça par la suite, avec plus ou moins de succès, le métier de négociant.
Pour ce qui est du parcours maçonnique de Martinès de Pasqually, il se révèle ici avec beaucoup plus de précision que dans les précédentes études traitant de ce sujet. Son cheminement est présenté depuis ses premiers pas dans le Sud de la France, à Marseille en 1754, son passage à Toulouse en 1760, puis à Bordeaux de 1761 à 1772, jusqu’a sa mort en septembre 1774 à Saint-Domingue. Cependant, on perçoit mal le moment où l’ordre des Élus coëns devient une entité à part entière, car ce n’est que petit à petit qu’il prend la forme qui sera la sienne à la veille de la Révolution. De même, l’aspect spécifique de cet ordre ne nous semble pas assez souligné. En effet, les rites que Martinès de Pasqually cherche à promouvoir sont si différents de ceux qui sont pratiqués par la franc-maçonnerie qu’il aurait été nécessaire de les présenter davantage. De plus, cela aurait permis de mieux comprendre les difficultés qu’il rencontra pour faire reconnaître l’ordre des Chevaliers Maçons élus coën de l’univers auprès des autorités de la franc-maçonnerie française. Certes, l’objectif de l’auteur n’est pas d’analyser la doctrine de l’ordre des Élus coëns, mais il aurait été nécessaire d’y consacrer davantage de place.
Ces faiblesses sont toutefois compensées par la multitude d’informations révélées par Michelle Nahon, qui retrace avec force détails chacune des étapes de la vie de Martinès de Pasqually, mettant en évidence les rencontres qui ponctuent ce voyage. C’est là le point fort du livre. L’auteur apporte de surcroit des éclaircissements intéressants concernant les circonstances qui conduisirent le fondateur de l’ordre des Élus coëns à quitter la France en 1772. En effet, elle apporte des précisions sur la charge confiée à Martinès de Pasqually pour une parente de sa femme, d’aller recouvrer une sucession injustement retenue à Saint-Domingue. Michelle Nahon nous montre ensuite que les complications de l’affaire Labeaume, franc-maçon, alchimiste et mage bordelais accusé d’escroquerie, pourraient avoir poussé Martinès de Pasqually à quitter la France de crainte de se voir lui-même suspecter dans une affaire qui, sans le concerner directement, aurait pu lui porter ombrage.
Le livre de Michelle Nahon est complété par un index fort utile pour approfondir les nombreuses informations qu’il contient sur les multiples personnages présentés dans cette étude. De plus, une table chronologique présente une synthèse des événements importants de la biographie de Martinès de Pasqually. On regrette cependant l’absence de quelques références dans la bibliographie, notamment à l’édition magistrale donnée par Robert Amadou du Traité sur la réintégration des êtres. Cette dernière est en effet dotée d’un appareil critique indispensable pour comprendre la pensée du fondateur des Élus coëns, et la qualité de la transcription, réalisée à partir de la copie autographe de Louis-Claude de Saint-Martin, corrige les nombreuses erreurs de l’édition publiée par Albéric Thomas chez Chacornac en 1899. Dans la courte postface qui termine cet ouvrage, Roger Dachez s’interroge : D’où vient la doctrine des Élus coëns ? Martinès l’a-t-il reçue ou forgée lui-même ? Constatant que la documentation ne permet pas encore de répondre à ces questions, il souligne l’importance de cette énigme essentielle.
Le livre de Michelle Nahon est un ouvrage d’une grande richesse, indispensable pour qui s’intéresse à l’illuminisme dont Martinès de Pasqually est un personnage emblématique. Loin d’une littérature qui tend le plus souvent à présenter le portrait fantasmé d’un maître, c’est l’homme que fut Martinès de Pasqually qui est ici peint, un être de chair et de sang dont l’histoire et les documents conservent des traces précieuses que Michelle Nahon nous invite à partager.
Nouveaux éléments :
Pour cette nouvelle édition publiée chez Dervy, l’auteur ajoute à cet ouvrage quelques découvertes et informations nouvelles sur Martinès de Pasqually, son ordre et les élus coëns : Patente donnée à La Française retrouvée / Les « emblèmes » de la patente, la Loge du Saint-Esprit à Bordeaux / Une avalanche (ou presque) de manuscrits du Traité / Un rituel d’équinoxe presque complet / Quelques informations nouvelles sur les élus coëns / Le grand souverain, successeur de Caignet de Lester / Bacon de La Chevalerie (1731-1821) / L’abbé Joseph Bullet (1728-1785) / Grainville, Saint-Martin et Champollon en Bretagne / Martinès à Toulouse / Lettre à la Grande Loge de Londres du 20 septembre 1765/ etc (voir les pages 283 , p. 347 dans le sommaire ci-dessous.♦
Dominique Clairembault
Nouvelle édition revue et corrigée
Titre : Martinès de Pasqually – Un énigmatique franc-maçon théurge du XVIIIe siècle fondateur de l’ordre des Élus coëns
Auteur : Michelle Nahon
Préface : Jean-Claude Drouin et postface : Roger Dachez
Editeur : Dervy
Parution : Novembre 2017
Nb. page : 450 p.
ISBN : 979-1-02-420234-1
Présentation de l’éditeur
Cette biographie, revue et complétée dans une nouvelle édition, pose la question : qui est réellement Martinès de Pasqually ? Pour tenter d’y répondre, Michelle Nahon a depuis trente ans dépouillé des archives, consulté tous les livres et documents connus en toute objectivité pour nous donner les moyens de nous situer entre ceux qui en font un grand initié, un grand maître, sans toujours le justifier, et ceux comme Johel Coutura qui se demandent si c’est un « charlatan moitié sorcier, moitié médecin ».
C’est un homme qui a bâti un projet grandiose que les circonstances ont parfois servi, notamment à Bordeaux et à Paris, mais souvent desservi. C’est un homme énigmatique, au charisme certain, missionné ou se sentant investi d’une mission, c’est un homme qui a son éthique et sa morale – pas toujours celles de l’homme ordinaire – et qui ouvre à une forme de spiritualité le milieu maçonnique de cette deuxième moitié du xviie siècle.
Martinès de Pasqually est loin d’être oublié de nos jours, son enseignement est toujours dispensé, que ce soit de façon indirecte dans un rite maçonnique ou directe dans des mouvements spiritualistes dont certains pratiquent aussi la forme de théurgie qu’il a transmise.