Après avoir été restaurée en 2002 par la société Touraine Logement, la maison natale de Saint-Martin a été rachetée il y a quelques années. Son nouveau propriétaire a transformé une partie de la maison en gîte ouvert aux touristes.
Sommaire
Un peu d’histoire
Dans un article publié en 1978 dans le Bulletin de la Société archéologique de Touraine, Bernard Girard a retracé l’histoire de cette maison :
Cet immeuble du XVIe siècle a subi au cours des temps certaines modifications. À l’angle sud-ouest se dresse la tour d’escalier dont la partie haute est en colombage. Un petit pavillon, comprenant notamment une antichambre voûtée au rez-de-chaussée, a été construit au XVIIIe siècle contre la façade du levant. L’intérieur du logis, aménagé pour les besoins de l’enseignement, ne mérite pas d’être décrit.
Peu d’historiens ont parlé de cette demeure [1] Bossebœuf, Louis-Augustin, Amboise, le château, la ville et le canton, Tours, Péricat, 1897, p. 404 et 478. Coleman, Marguerite, Je visite Amboise, Tours, Arrault, 1933, p. 37. Lesueur, Frédéric, Le Château d’Amboise, Paris, Laurens, 1935, p. 102. . Le regretté chanoine Bossebœuf n’avait toutefois pas oublié d’y consacrer quelques lignes : « À l’extrémité, sur la place du Grand-Marché [sic] s’élève une maison de style François 1er qui est devenue le collège ou école supérieure et dont les lucarnes sont rehaussées de jolies arabesques. » [2] Bossebœuf, Louis-Augustin, op. cit., p. 404. La démolition de ces lucarnes, effectuée il y a une vingtaine d’années, fut péniblement ressentie par de nombreux esthètes amboisiens. Il est vrai qu’elles seraient du plus bel effet vues au travers des arbres de la place où le futur théosophe aimait à jouer.
Jusqu’à maintenant, le plus ancien propriétaire connu de la maison du philosophe est son propre père, Claude-François de Saint-Martin [3] À mon grand regret, un manque de collaboration ne m’a pas permis de dresser la liste complète des maîtres du logis.. Né le 15 novembre 1717, il était le petit-fils de Jean de Saint-Martin, [4] Le mariage de Jean de Saint-Martin, arrière-grand-père du théosophe, avait été célébré en la chapelle du château de Chanteloup. Cf. Girard, Bernard, « Les grandes heures de Chanteloup », avec une introduction de M. le duc de Castries, de l’Académie française, Le Courrier d’Amboise, n° 74, juin 1977, p. 33-40. sieur de Borie et du Buisson, premier brigadier des Gardes du Corps du Roi, et d’Anne Le Franc, fille de François Le Franc, seigneur de Chanteloup. Anobli par Louis XIV en 1672, Jean de Saint-Martin occupait une place assez importante au sein de la société amboisienne. Cette position sociale permit à Claude-François d’être élu maire d’Amboise de 1754 à 1756. Puis, grâce au duc de Choiseul, qui avait le privilège de nommer le premier magistrat de la cité royale parmi les trois sujets désignés par l’assemblée des notables, il fut rétabli dans ses hautes fonctions municipales de 1769 à 1776.
Monsieur de Saint-Martin était un homme courtois et dévoué pour ses administrés comme le prouve ce passage d’une de ses rares lettres conservées dans les archives publiques : « J’oublie aisément mes peines passées, écrit-il, pour me livrer au plaisir de travailler avec vous à rétablir le bon ordre, à soulager les misérables, et à rendre la justice [5] Extrait de la lettre inédite de M. de Saint-Martin adressée aux officiers municipaux d’Amboise, au sujet de l’exemption du péage du pont dont devaient jouir le duc de Choiseul et sa maison. Paris, le 27 avril 1772. Cachet aux armes : d’azur au lion naissant d’or coupé de gueules à une fasce ondée d’argent. Archives communales d’Amboise, DD. 30. . » Ami du puissant ministre de Louis XV, il fut reçu à Chanteloup avec les honneurs dus à son rang. Son nom figura, sans aucun doute, sur l’une des plaques que le duc avait fait apposer dans le salon de marbre de la pagode. […]
Le 10 janvier 1767, suivant un acte passé en l’étude de Me Bellin, notaire à Amboise, Claude-François de Saint-Martin vend sa maison du Grand-Marché à Nicolas Morès, ancien lieutenant-colonel d’infanterie [6] Cf. Acte de vente Barbes-Descroisettes à Cosnard. Archives communales d’Amboise, M. 196. . Le père du théosophe s’installe dans une maison située au pied du château, entre le quai de la Loire et la rue des Minimes. C’est là qu’il décède, le 11 janvier 1793, entouré de sa famille et de ses amis [7] Extrait de l’article publié par Bernard Girard dans le Bulletin 1978 de la Société archéologique de Touraine, p. 791-803 . »
La restauration de la maison
Devenue propriété de la société Touraine Logement, la maison a été restaurée entre 18 novembre 2002 et le 26 février 2004. L’une des étapes importantes des travaux a consisté à enlever les différentes parties qui avaient été ajoutées à la maison natale de Saint-Martin. C’est ainsi que le pavillon construit au XVIIIe siècle sur le côté droit a été abattu.
Cette transformation a permis de mettre en évidence l’escalier conduisant à la cave, encadré désormais par deux murets et visible de la rue.
De même, l’extension qui avait été ajouté sur l’arrière pour agrandir la maison, côté cour, a été détruite, dégageant ainsi complètement la tour d’escalier. Après ces premiers travaux, il restait à restituer à la façade son aspect primitif en enlevant le crépi, pour laisser apparaître le tuffeau de Touraine, cette pierre blanche, poreuse et tendre, très utilisée dans la région.
Grâce à ce nettoyage, les colombages de la façade arrière et de la tourelle sont désormais apparents. Cette opération a aussi permis de mettre à jour un médaillon sculpté sur la façade donnant sur la rue Richelieu. La touche finale de la restauration fut apportée par la réfection de la toiture. À cet effet, les deux lucarnes côté rue qui avaient été démolies dans les années cinquante ont été refaites, mais sans les imposants jambages de style François 1er qui les ornaient du temps de Saint-Martin.
Comme on peut le voir sur les gravures anciennes, la maison natale de Saint-Martin s’intégrait dans un vaste ensemble de bâtiments formant autrefois le collège Charles-Guinot. Elle en constituait la conciergerie. De ces bâtiments, il ne reste plus rien aujourd’hui.
Les ayant jugés trop vétustes pour êtres restaurés, la société Touraine Logements les a fait détruire pour permettre la construction de nouveaux immeubles. Seul demeure le portail qui jouxte la maison.
Le projet de restauration initial avait pour but d’aménager plusieurs appartements dans l’ancienne maison de la famille Saint-Martin. Ce projet a été reconsidéré et le 2 juillet 2004, un permis de construire modificatif a été accordé pour l’aménagement intérieur d’un seul logement au lieu des trois prévus.
Le 2 mai 1977, Michel Debré, maire d’Amboise, avait promis de ne pas laisser ce pavillon se dégrader (Le Courrier d’Amboise, n° 73, 1977). Certes, son vœu a été exaucé ; on peut toutefois regretter que ce ne soit pas la ville d’Amboise mais une société de logements sociaux qui ait redonné à cette demeure sa dignité passée. Après avoir été pendant plusieurs années une annexe des bureaux de l’Inspection primaire et une antenne du Centre d’information et d’orientation de Tours, la maison natale de Louis-Claude de Saint-Martin devient un logement social ! Cette destination n’aurait sans doute pas déplu au Philosophe inconnu.
Séjourner dans la maison natale de Saint-Martin
Au début de l’année 2019, la maison de Saint-Martin a été rachetée par un nouveau propriétaire. À la suite de quelques travaux, le dernier étage de la maison a été totalement restauré pour mettre à la disposition des touristes un petit appartement pouvant accueillir quatre personnes. Il est composé d’une chambre, d’une cuisine équipée, d’une salle de bain et offre tout le confort. Ce logement est proposé sur le site airbnb (voir ci-dessous).
Dominique Clairembault
Dernière mise à jour :
Au commencement de prairial l’an 2 de la République je suis venu loger dans un petit appartement chez la citoyenne de Marne place du Grand-Marché à Amboise. Du jardin de cette maison je voyais tout auprès de moi la maison où j’ai passé mon enfance. J’y voyais la chambre où je suis né, celle que j’y ai habitée avec mon frère jusqu’à son âge de huit ans où il a terminé sa carrière, celle où mon grand-père est mort ; au-delà de ce jardin est la colline où reposent les cendres de mon père. Quoique mes occupations me portent à force dans les régions de l’autre monde, cependant je n’ai pas vu tous ces objets avec indifférence, et ces tableaux ne sont point inutiles à la sagesse. » Mon portrait historique et philosophique, Paris, Juillard, 1961, n° 454.
Notes :