Sous le titre Aspects de la théosophie chrétienne, imagination créatrice et iconographie dans la théosophie chrétienne, illustrée par les gravures dans l’édition des œuvres de Jacob Boehme par Gichtel parue en 1682, Antoine Faivre nous invite à réfléchir sur l’une des plus intéressantes séries de gravures de l’ésotérisme occidental.
D’emblée, il nous rappelle ce que l’on doit entendre lorsqu’on parle de théosophie chrétienne. Il s’agit d’un mouvement qui commence avec Jacob Boehme (1575-1624) au XVIIe siècle, pour s’étendre jusqu’a Franz von Baader (1765-1841) en passant par L.-C. de Saint-Martin (1743-1803). Cette précision étant faite, Antoine Faivre souligne trois caractéristiques marquant la spécificité de la théosophie chrétienne.
D’abord, un intérêt très vif pour le triangle Dieu-homme-nature, sur leurs origines, leurs rapports, les correspondances des uns avec les autres et leurs interdépendances. Ensuite, la primauté qu’accordent les théosophes au mythique, à l’herméneutique des récits bibliques, qu’ils utilisent comme des supports de méditation. Chez eux, les images telles que, Babel, Lucifer, Adam, l’androgyne… jouent un rôle fondamental. Enfin, ils accordent un intérêt particulier au fait que l’homme posséderait en lui une faculté qu’il pourrait développer pour accéder au monde divin et communiquer avec les entités les mondes supérieurs.
Ce qui caractérise la vie intérieure du théosophe est essentiellement un certain type d’expérience visionnaire, la « vision centrale » pour reprendre une expression de Jacob Boehme. Ce dernier est un visionnaire, et à ce sujet, Antoine Faivre évoque le récit rapporté par Abraham von Franckenberg (1593-1652) à propos l’expérience fondatrice de Boehme, sa vision du vase d’étain. C’est en effet à partir de cette expérience illuminative que toute son œuvre va se déployer, donnant naissance d’abord à son premier livre, L’Aurore naissante, et à toute une série de textes.
Les textes originaux de Jacob Boehme ne comportent pas d’illustrations, c’est l’un de ses éditeurs, Johann Georg Gichtel (1638-1710), le théosophe d’Amsterdam, qui a inséré les gravures faisant l’objet de cette conférence. Antoine Faivre nous présente ce personnage étonnant, qui a consacré une part importante de son existence à rassembler et éditer les textes de Jacob Boehme. C’est à ce théosophe, J. G. Gichtel, qu’on doit la célèbre édition des Œuvres complètes (15 vol.) publiée à Amsterdam en 1682. Dans cette édition remarquable, chaque œuvre est introduite par une page de titre comportant une gravure symbolique qui tente de mettre en image la doctrine de Jacob Boehme. Comme nous l’apprend ici Antoine Faivre, c’est tout récemment, depuis le milieu de l’année 2007, que le nom de l’auteur de ces gravures, Jan Luyken a été découvert.
Après cette entrée en matière, il nous invite à décrypter le sens de quelques-unes d’entre elles : d’abord celle qui orne le frontispice de l’édition de 1682, puis celle de La base sublime et profonde des six points théosophiques et enfin celle du Chemin pour aller à Christ.
Cette description le conduit à évoquer les grands thèmes de la théosophie de Boehme : l’Ungrund, la Sofia, le miroir, les sept sources de l’éternelle nature, la chute d’Adam… Saint-Martin, Baader sont parfois conviés à ce voyage au sein de l’imaginaire boehmien, dans lequel Antoine Faivre nous entraîne avec la passion que nous lui connaissons. Rappelant que Pierre Deghaye présentait la théosophie comme une « théologie de l’image », il suggère que ces gravures puissent jouer le rôle de mandalas, de supports de méditation destinés à activer « l’imagination active », et à laisser entrevoir à celui qui les étudie les niveaux ontologies et cosmiques où, selon les théosophes, se jouent le drame des rapports entre le monde divin l’homme et la nature.
Une conférence à écouter et à réécouter. Elle est disponible sur www.baglis.tv, un site Internet proposant des vidéos autour de la spiritualité et de la tradition.
Voir l’intégralité de cette conférence sur Baglis.tvDominique Clairembault