Dans ce texte, le Philosophe inconnu parle à mots couverts de la relation entre l’homme et l’ange, qu’il appelle ici l’ami, ce compagnon qui partage son existence durant son exil terrestre
« La voix de mon ami est douce. Elle est pour moi comme la vue inattendue d’une lumière étincelante pour un voyageur égaré. Elle est pour moi ce qu’est un baume restaurateur pour un malade brisé dans tous ses membres.
Je ne veux plus écouter d’autre voix que celle de mon ami. Oh ! Combien elle est différente des voix qui naissent de la région terrestre et ténébreuse, de cette région dont les habitants ne cherchent qu’à saisir les prières de l’homme et qu’à les détourner du chemin !
Apprends-moi les cantiques du seigneur, les cantiques de l’innocence, de la confiance et de l’amour. C’est toi qui développes à l’homme ses sentiers. Il ne peut marcher en sureté qu’aux sons de ta parole.
J’étais pécheur, j’étais abattu, j’étais comme souillé et croupissant dans la fange. Il est venu se jeter après moi dans la poussière où je rampais ; il est venu y séjourner avec moi pour me rendre le courage et pour m’en arracher avec lui.
Où est-il l’ami qui nous veuille assez de bien pour s’accommoder même au mal que nous lui faisons ? Qui m’ordonnera de publier son bienfait dans toutes les régions de l’univers ?
Oh ! Mon ami, si j’avais le malheur de ne plus entendre ta voix, je regarderais dans mon cœur, j’y trouverais écrit le souvenir de ton bienfait ; et il me servirait de guide dans mon désert et dans mon obscurité.
Désormais j’aurai deux guides pour me conduire dans les longs sentiers de ma renaissance : la voix de mon ami, et le souvenir de son bienfait.
Je les écouterai, et mon coeur n’aura point de repos que tout homme ne les écoute et ne les suive à son tour. Je les méditerai en paix dans mon tombeau, et c’est là qu’ils feront ma joie et mes délices, comme ils auront fait ma sureté et mon appui sur la terre. »
L.-C. de Saint-Martin, L’homme de désir, n° 78.