C’est à Johann Georg Gichtel (1628-1710), le théosophe d’Amsterdam que l’on doit la première édition complète des œuvres de Boehme (1682, 15 vol.). Ardent disciple de Jacob Boehme, il aurait eu nombre d’expériences extatiques en communion avec la Sophia. « Il vit et entendit dans le troisième principe cette vierge qui était d’une beauté éblouissante et céleste. Dans cette entrevue, elle l’accepta pour son époux, et les noces furent consommées avec des délices ineffables. » (K à SM, 25 octobre 1794.) Le collaborateur de Gichtel, J. W. Uberfeld est l’auteur de la biographie du théosophe d’Amsterdam. Nous reproduisons ci-dessous la traduction de Sédir que ce dernier publia en 1902 dans J.-. Gichtel – Choix de pensées, traduites, colligées et précédées d’une vie de l’auteur par Paul Sédir , col. « petite collection d’auteurs mystiques » (Paris, 1902, Bibliothèque Chacornac).
Le père de Gichtel était chef de la municipalité de Ratisbonne, poste qu’il dut à la répulsion qu’il professait pour les condamnations capitales, et qu’il occupa après avoir été receveur et conseiller de cette ville libre. Il donna toute sa fortune pour contribuer au paiement de la rançon de la ville, au cours de la guerre de Trente Ans, sans vouloir accepter aucun intérêt ni remboursement, de sorte que tous ses enfants sont morts pauvres.
Notre héros naquit le 4/14 mars 1638. Dès sa plus tendre enfance, il montra une candeur et une sincérité rares ; comme il appartenait à la religion luthérienne, dès l’âge de douze ans il se mit à lire l’Écriture Sainte, et à méditer en se promenant dans les champs, croyant que Dieu habite au-dessus des étoiles et Le suppliant de se manifester à lui. Il tomba ensuite dans une société de jeunes gens dissolus ; mais sa timidité, l’empêchant de réussir auprès des femmes, le tira bientôt des griffes de Satan. Il commença à s’enquérir d’une direction religieuse, sans la trouver ni chez les pasteurs protestants ni chez les moines catholiques.
Dès son adolescence, il eut des visions que l’Esprit du Monde lui donna à cause de la sagesse qu’il avait en lui ; de 14 à 18 ans, il vit cet Esprit sous la forme d’une grande roue de toutes couleurs, où bouillonnait le chaos ; cela ne l’empêcha d’ailleurs pas de parfaire ses études ; il savait le français, l’hébreu, le syriaque et l’arabe ; malgré une maladie d’un an, et l’opposition de son père qui voulait en faire un pharmacien, il put partir pour l’université de Strasbourg. Sa simplicité était telle qu’il ne songea pas à se munir d’argent ; mais la Providence lui envoya des leçons qui lui permirent de payer sa pension de 18 batz par semaine. Il avait beaucoup de goût pour l’astronomie et la musique ; il étudia à fond les mathématiques, l’histoire, la théologie scolastique et la philosophie. Ses maîtres furent, pour la théologie, le célèbre Dr Jean Schmidt et Bocklero ; ce dernier lui fit connaître la théologie des Gentils ; il fréquenta les Collegia domestica genealogica de Philippe Jacques Spener. Un an après son arrivée, son père mourut et ses tuteurs le dirigèrent vers la politique et le droit ; il abandonna la théologie qui n’avait fait que de le jeter dans la perplexité et, au lieu de suivre comme intendant le prince de Bade-Durlach dans ses voyages, il fut obligé de se rendre à la chambre impériale de Spire.
Là, il refusa une fille riche que sa mère lui offrit ; il se logea chez un vieil avocat très renommé, devenu aveugle, et auquel il servit de secrétaire. Le jeune Gichtel satisfait son maître au-delà de ses désirs, et s’assimila si bien sa méthode que les assesseurs de la Cour n’eurent pas de cesse qu’il ne se fût fait recevoir avocat. Son maître mourut, et sa veuve, héritière de trois maris, maîtresse de biens immenses dans le Palatinat, voulut se remarier avec l’élève de son dernier époux ; mais, après avoir fidèlement réglé les affaires d’héritage de son défunt maître, non sans avoir subi de mauvais traitements de la part des enfants, envahi par une mélancolie profonde, Gichtel reprit à pied, au fort de l’hiver, le chemin de sa ville natale. Jusqu’à sa 26e année, il servit l’Esprit de ce monde, accomplissant scrupuleusement ses devoirs civils et religieux.
À peine rentré à Ratisbonne, un mariage et une étude lui furent offerts : il put encore échapper à ce qu’il considérait comme un piège. C’est alors qu’il rencontra le baron hongrois Justinien Ernest de Weltz ; cet homme pénétré de l’amour de Dieu cherchait un savant capable de rédiger ses idées ; en 1664, ils purent présenter au Corps évangélique leur projet sur l’amélioration de la chrétienté. Cet écrit avait déjà obtenu l’approbation unanime des surintendants, des prédicateurs et des pasteurs luthériens de toute l’Europe ; il proposait la fondation d’une Société pour l’Amour du Christ et le baron offrait un capital de trente mille florins pour subvenir aux frais de l’œuvre.
Mais quand il fallut passer à l’exécution, tous attaquèrent le projet, le trouvant irréalisable. Jean Henri Ursin, surintendant de Ratisbonne, lança un pamphlet anonyme, et les prêtres, comprenant que c’était d’eux que devait partir l’exemple, préférèrent en accuser les auteurs d’hérésie. L’ambassadeur catholique de l’électorat de Mayenne leur proposa de partir aux Indes pour y tenter le même essai ; ils allèrent jusqu’à Amsterdam, puis Gichtel, poussé par Dieu, revint à Ratisbonne afin d’ouvrir les yeux à ses concitoyens. En passant, il rendit visite au pasteur Breckling de Zwolle. Dieu permit qu’il le surprît dans sa chambre, priant seul à genoux ; ce spectacle l’émut profondément, car on ne lui avait jamais rien enseigné de semblable. Mais la première fois qu’il voulut faire de même, Dieu lui obscurcit le cœur et il ne put d’abord trouver deux mots de suite ; mais l’Esprit l’illumina et vainquit le Diable qui voulait le tromper sur l’origine de cette illumination ; c’est ainsi que notre héros trouva Dieu au-dedans de lui et non pas en dehors. Le courant de la grâce dura, ce jour-là, pendant cinq heures ; Gichtel renouvela son baptême, son alliance avec Dieu, et s’engagea dans les profondeurs à suivre Jésus sans jamais regarder en arrière, quoi qu’il pût en advenir.
En revenant, il s’arrêta à Sulzbach, chez son ami Jean-François Fabricius, de qui, après sa mort, à Amsterdam en 1673, il recueillit les trois enfants. Puis il alla à Nuremberg où, sur la demande des autorités de Ratisbonne, on l’enferma et on l’expédia à Ratisbonne, quinze jours après.
Ses concitoyens le traînèrent par les rues et le jetèrent dans un cachot où il resta enfermé treize semaines malgré ses protestations écrites et verbales, malgré les réfutations savantes qu’il opposa aux arguments des polémistes. On insinua qu’il était possédé par un démon qui lui soufflait toute sa science de l’Écriture ; en plus, il eut de dures luttes intérieures à soutenir surtout sur la question de la grâce ; le désespoir qu’il éprouva fut si grand qu’il pensa à se suicider en s’ouvrant la gorge avec son couteau, ou en se pendant avec sa cravate ; il commença même à donner à ce dernier dessein un commencement d’exécution, mais le clou cassa ; l’exaltation du prisonnier était telle que, la peau de ses genoux ayant été arrachée par la terre du cachot, pendant ses longues oraisons, il ne sentait pas cette cuisante douleur, et continuait à prier et à pleurer. L’Esprit de Paul lui fut révélé et cette première tentation cessa ; quelques jours plus tard, le diable lui jeta du feu à la figure, ce qui le laissa quatre heures sans connaissance, et le rejeta, au réveil, dans le même doute dont il venait de sortir ; le lendemain, il eut une extase pendant laquelle il vit son propre cœur entouré trois fois par un gros serpent, puis, dans une lumière blanche et douce, au centre du cœur, Jésus rayonnant tel que l’Apocalypse le décrit (I, 13-15) ; alors Gichtel s’écria : « Si ta grâce, Seigneur, n’était ma consolation, il me faudrait succomber ! » Aussitôt le serpent fut pulvérisé avec une commotion telle que notre pénitent crut tout l’intérieur de son corps réduit en morceaux.
C’était la première escarmouche d’un combat sanglant qui devait durer toute sa vie.
Cependant les magistrats de Ratisbonne voulurent se constituer en cour criminelle ; mais Gichtel en appela à l’empereur ; le chambellan de la ville, Jean-Georges Fuchs, l’appuya, ce dont le Ciel le récompensa en ce qu’un de ses fils, Georges Christian, voua sa vie au Christ. Finalement notre martyr fut révoqué de sa fonction d’avocat, déchu de ses droits de citoyen, ruiné et banni à perpétuité de la ville. Cela se passait vers la Noël, et en février 1665, il dut s’en aller vers la Hollande, à pied, portant toute sa fortune sur son dos. Il avait auparavant subi une autre tentation, que voici : Une place de syndic se trouva libre dans Ratisbonne et elle lui fut offerte ; il ne sut que résoudre, demandant à Dieu de lui faire connaître sa volonté ; mais Dieu voulait qu’il se décidât de lui-même ; enfin les magistrats ne recevant point sa supplique, contrairement à l’usage, nommèrent un autre à cette charge de syndic.
Gichtel quitta la ville, par un froid intense, avec un pied de neige dans la campagne, sans un sou dans la poche ; son voyage lui paraissait tellement difficile qu’il faillit en perdre la raison. Dieu le soutint et lui montra en esprit la route de l’ouest.
Dans cette faiblesse de la foi il trouva le trésor attaché à la base affective ; il se sentit devenir comme un enfant ne sachant distinguer sa droite de sa gauche ; et bien que le diable l’assaillît par le doute, la foi nourrit son âme et lui donna l’assurance qu’il ne manquerait jamais du nécessaire, et il n’en manqua jamais en effet.
Bien qu’il adressât au ciel d’ardentes prières pour ses persécuteurs, ceux-ci furent châtiés d’une façon providentielle [1. Cf. Épîtres théol., vol. 3, p. 1937, 32, 33.] Comme durant son voyage il logeait dans les premiers hôtels, Satan le fit injurier à cause de ses habits de paysan ; mais lui supportait tout en silence. Les commensaux comprirent alors qu’il n’était pas un homme ordinaire, ils s’excusèrent, payèrent son écot et lui donnèrent des lettres de recommandation. Après avoir traversé la Forêt Noire, il rencontra à Gegersbach un prédicateur qui, après l’avoir reçu durement, le prit en amitié et le retint toute une année avec lui. Le pasteur s’appelait Pistorius, né à Darmstadt ; il sut reconnaître la grâce que Dieu lui avait faite en redoublant de zèle dans l’exercice de son ministère ; il convia les notables de la ville à un festin où, quatre heures durant, les convives s’entretinrent de la Régénération. Notre voyageur voulut rendre ce repas aux notables et au pasteur, il traita avec le meilleur aubergiste de la ville et les mêmes convives oublièrent encore une fois de manger pour ouïr la Parole de Dieu. Gichtel trouva un jour à la table de son aubergiste deux cavaliers grossiers qui quoique beaux-frères se prirent de querelle après le repas ; ils sortirent et l’un voulut décharger son pistolet sur l’autre qui s’enfuyait ; mais Gichtel qui se trouvait là put empêcher l’arme de partir et cet acte éteignit la colère du meurtrier qui donna à notre héros cent écus et son cheval. C’est alors qu’il quitta cette ville après avoir payé l’aubergiste et instruit son fils ainsi que la femme du pasteur, laquelle mourut presque en même temps que son mari quelques années plus tard.
Avant la fin de l’année 1665, Gichtel reçut une mission de droit pour la cour de Vienne, à laquelle était mêlée une affaire de son ami le baron de Weltz. Les notables de Vienne, qui avaient connu Gichtel à Spire, lui offrirent une voiture, six chevaux, la pension, et deux cents ducats par mois pour accompagner en qualité de secrétaire l’ambassade qui allait chercher à Milan la princesse Marguerite-Thérèse, fille de Philippe III d’Espagne et fiancée à l’empereur Léopold. Les Juifs, très exaltés à cette époque par leur faux Messie Sabethaï Lévi, lui firent d’alléchantes promesses, mais il les refusa en les prévenant des embûches que leur tendaient en secret les Jésuites, ce qui se vérifia plus tard. Des postes élevés lui furent offerts à Sulzbach, à Berlin et à Hanovre ; le prince palatin Frédéric lui fit aussi des offres à Clèves ; le duc Jean Frédéric de Brunswick lui envoya son secrétaire pour lui proposer le poste de directeur du consistoire, mais Gichtel demanda : « Comment jugent ces messieurs du Consistoire ? » – « À la majorité. » – « Oh ! répliqua l’homme de Dieu, la majorité a condamné à la Croix notre bien-aimé Sauveur. » Cette parole fit une telle impression sur le secrétaire qu’il quitta la cour. Comme ses concitoyens de Ratisbonne venaient d’apprendre qu’il avait encore refusé une charge chez l’électeur de Brandebourg, ils lui rendirent ses biens ; mais lui les donna aussitôt à sa sœur mariée à un pauvre bûcheron, mais elle redevint pauvre plus tard, elle retomba à la charge de son frère. C’est ce qui fit dire à ce dernier qu’il ne pouvait rien pour les pauvres de l’Esprit du monde. Après être resté neuf mois à Vienne ayant eu plusieurs conversations avec l’Empereur, il quitta cette ville.
Il y avait connu de fortes tentations de la part de femmes galantes qui le poursuivaient la nuit et le jour et jusqu’au pied des autels. Satan se vengea en le faisant expulser de Zwolle. Il était descendu dans cette ville, pour la troisième fois, chez le pasteur Frédéric Breckling ; il lui servit de chantre, puis de chapelain, puis de domestique ; son maître l’envoyait même prêcher à sa place en ne lui faisant connaître le texte qu’au dernier moment ; ce pasteur voulait réformer son Église et par ses sermons et par ses écrits, mais il envoyait Gichtel à sa place dans toutes les discussions et se fit remplacer par lui pour subir un emprisonnement auquel il avait été condamné ; alors l’Esprit de ce monde tenta Gichtel en lui faisant rendre justice par l’opinion. En même temps le Consistoire d’Amsterdam condamna Breckling et Gichtel et les fit emprisonner par deux fois ; le Président du Consistoire, Floris Vischer, fit mettre ce dernier au pilori et insulter par la foule. Enfin le 6 mars 1668, il fut conduit hors de la ville par deux valets et fut banni pour vingt-cinq ans de la Province d’Ober-Yssel. Le bienheureux alla se reposer une semaine chez son ami Jean-Gaspard Charias, prédicateur à Campen [2. À la fin de 1668, Charias fut également expulsé et se réfugia chez Gichtel, à Amsterdam.]. À Amsterdam, Gichtel rédigea un mémoire de défense contre Brechling, puis une lettre à Jacques Tauben et à Thomas Tauto, de Lubeck, pour laquelle il fut traité de chiliaste. Il habitait une chambre chez un tailleur pour neuf groschens par semaine, il remit à l’hôtesse tout son avoir, environ dix francs de notre monnaie actuelle, et, quand ils furent dépensés pour acheter des aliments pour quelques jours, il dit au Seigneur : « Tu sais que je n’ai rien de plus et que je suis étranger ici, prends soin de moi, je ne puis rien », et il alla se coucher. Le lendemain, il faisait à peine jour lorsqu’un inconnu frappe à la porte et, comme Gichtel s’excusait d’être au lit, cet homme lui dit : « Je comprends, restez », et il déposa sur la couverture six ducatons d’argent et sortit. Cette aide miraculeuse confirma tellement Gichtel dans la foi qu’il loua de suite une petite maison pour 32 thalers par an.
Mais comme il n’avait aucun meuble, il dût coucher sur le carreau. Or, un jour, chez un relieur voisin, l’homme de Dieu rencontra un libraire allemand, Bénédictus Bausen, qui après l’avoir écouté lui offrit du travail comme correcteur, mais Gichtel voulant connaître la volonté de Dieu le refusa très poliment. Peu après, ce libraire mourut après l’avoir institué son héritier. Gichtel, forcé d’accepter par le notaire, composa le catalogue des livres, et l’envoya dans tout le pays ; il vint des acheteurs en si grand nombre que la vente rapporta dix fois ce qu’on attendait. Gichtel paya les dettes du défunt, et même l’un des créanciers le pria de garder 50 florins. Quand tout fut terminé, il resta à Gichtel un lit, un habit, des chaises, un peu de bois et de tourbe, un pot de beurre, et quarante thalers. Il envoya le tout à ses frères Charias et Erasmus Hoffmann ; il les aida en outre dans les traductions et les corrections qu’ils faisaient, de sorte qu’il gagnait de l’argent, et cependant quand le moment du loyer venait, il n’avait jamais de réserve, alors il demandait au Père Céleste et le nécessaire lui était envoyé. Un jour, les trois amis n’avaient qu’un hareng à manger et comme les deux théologiens y touchaient à peine, Gichtel leur dit : « Si nous agissons ainsi pendant 8 jours ou plus, nous n’aurons rien d’autre que le hareng, et Dieu nous laissera dans notre incrédulité ; mais si, pleins de foi, nous mangeons ce qui est là, demandant à Dieu de prendre soin de nous, Il nous donnera davantage », ce qui eut lieu le jour même.
Gichtel eut encore à souffrir de Breckling. Il s’approfondit dans la mort du Christ et se maudit lui-même devant Dieu : l’amour et la colère entrèrent en lui dans une lutte si terrible que la moelle de ses os en fut presque desséchée ; alors la Vierge lui apparut et lui dit : Quelle que soit la puissance à laquelle tu t’abandonnes, tu deviendras son serviteur. Alors il saisit l’amour. Il offrit son âme en holocauste pour tous les hommes, un rayon de douceur infinie le pénétra et il fut amené en esprit devant Dieu le Père. Son âme fut plongée dans la mer de cristal pendant tout le temps d’un Pater Noster, cela lui arriva cinq jours de suite au moment de la prière du soir ; il semblait un nouvel homme, son interne resplendissait dans ses yeux. Depuis dix ans, il ne pouvait prier que Jésus parce que le diable venait à lui quand il s’adressait au Père, mais il reconnut alors que Dieu est amour ; il passa ses nuits en prières voyant les chœurs des anges, ne dormant que deux heures pendant deux ans. Tout cela eut lieu quinze ans plus tard pour son frère Uberfeld.
Ce n’est que quelque temps après qu’il connut les écrits de Jacob Boehme qui lui expliquèrent les sept formes de la nature et le sacerdoce de Melchissédec. Ses combats futurs avec le dragon lui furent annoncés : le vieil Adam s’effraya en lui de demanda que ce calice fût éloigné de lui. Il se proposa de vivre dans la solitude ; il rejeta tous les livres sauf la Bible et Boehme, surtout sa quarantième lettre ; il priait toute la journée avec une telle intensité que son linge était trempé de sueur ; il ne s’accorda six heures de sommeil que dans sa vieillesse, il ne mangeait à midi qu’un morceau de pain et du beurre, sauf quand la lutte spirituelle affaiblissait son corps. Dans le commencement, il s’accordait une heure de distraction en faisant de la musique ; il s’abstenait de l’usage extérieur des sacrements ; il ne voulut jamais faire partie d’aucune société, bien que le chef des habadistes Yvon l’en sollicitât longtemps ; il ne voulut jamais venir avec eux, non plus qu’avec les disciples d’Antoinette Bourignon.
En 1669, il fit la connaissance d’une famille de commerçants de La Haye, qui lui offrirent leur fille avec une dot de cent mille florins ; les intentions des parents étaient de donner leur enfant à un homme pieux ; mais Gichtel déjoua les ruses de Satan et s’en retourna de suite à Amsterdam. Là il fut reçu chez des amis de la précédente famille où il trouva deux sœurs dont il reprit le luxe de parure ; comme, rentré chez lui, il priait Dieu afin que ces deux dames fussent éclairées, il ne put le faire sans être distrait par des souvenirs de perles, de bijoux et de pierres précieuses ; cela le fit souffrir quatre jours et il apprit ainsi ce que c’est que de se substituer aux autres pour les soulager de leurs faux désirs. La jeune fille de La Haye attendit onze ans la réponse de Gichtel. L’aînée des deux sœurs d’Amsterdam, qui était veuve, voulut se remarier ; Gichtel en fut averti par une voix intérieure qui lui affirma que ce projet n’aurait pas de suite ; et bien que la veuve à qui il répéta ces paroles ne le crût pas, ce mariage ne se fit pas à cause du suicide de l’un de ses frères. Ce frère, également ami de Gichtel, s’était marié à Hambourg avec sa nièce ; et des pertes d’argent l’avaient déterminé à mettre fin à ses jours. Il apparut en esprit à Gichtel pendant sa prière ; Dieu lui ordonna de sauver cette âme et de la mener dans les tabernacles éternels. Le sens de la parole de Luc : « Faites-vous des amis avec l’injuste Mammon afin qu’ils vous secourent quand vous serez dans le besoin » lui fut révélé et il travailla pendant sept ans pour délivrer cette âme. Toutes les nuits, une année durant, il fut emmené en esprit dans les ténèbres extérieures pour secourir son malheureux ami.
De même, plus tard, en 1680, il souffrit pendant huit jours les peines infernales ; il sentait le sang lui bouillir dans les veines, c’est pourquoi il disait qu’il valait mieux souffrir mille ans sur terre qu’une année dans l’enfer. C’est à cette époque que l’esprit de Breckling, qui y était plongé, l’attaqua, et lui paralysa les membres. Il connut des angoisses et des doutes effroyables, il vit les diables se transformant sans cesse en monstres plus effrayants les uns que les autres.
Pour en revenir à notre veuve, le suicide de son frère l’effraya tellement qu’elle supplia Gichtel de l’accepter avec son argent, deux cent mille florins, lui promettant de supporter avec lui toutes sortes de croix ; deux semaines se passèrent, puis un mois au bout duquel la sœur cadette joignit ses prières à celles de l’aîné ; Gichtel, rentré chez lui, renouvelait son alliance avec Dieu, lorsqu’un jour en plein midi, il vit une main descendre du ciel et mettre la main de la veuve dans la sienne, tandis qu’une voix claire disait : tu dois la prendre ; comme il s’abandonnait derechef à la volonté de Dieu, Sophia et Ève lui furent montrées ; il dut choisir entre elles et il connut que la précédente vision venait de l’esprit de ce monde. Mais comme il continuait à prier pour ces femmes, il souffrit encore dix ans de cette tentation jusqu’à ce que Sophia lui eût dit de ne plus s’occuper d’elles. S’il avait raconté tout ce que les femmes lui ont fait souffrir de cette façon, il aurait fallu un gros livre pour l’écrire ; c’était le moyen que Dieu avait choisi pour le faire rentrer plus profondément en lui-même.
Aux deux frères qui vivaient avec lui s’était venu joindre pour quelque temps un théologien de Nuremberg nommé Wolfgang Dominicus Bär, qui mourut plus tard à Altona ; aucun de ces trois hommes ne comprit la pauvreté christique, ils demandaient toujours à Dieu, tandis Gichtel gagnait son pain dans la prière ; de toute part on lui offrait de l’argent qu’il donnait d’ailleurs à tous ceux qui le lui demandaient. Comme ils discutaient un jour un passage de Boehme que Charias trouvait diabolique, Gichtel se mit en prière et il lui fut montré sa propre animalité sous la forme d’un chien et celle de Charias sous la forme d’un porc, et il comprit que la contradiction venait toujours de la bête en nous. Hoffman mourut le 12 décembre 1677, à Clèves ; Charias était mort vers 1673. Un quatrième, George Christian Fuchs, mourut en 1683.
La gouvernante de Gichtel voulut aussi le séduire : elle le quitta de dépit, puis revint. Il lui donna quelques centimes de florins, lui loua une maison, mais comme elle était prodigue, elle ne réussit à rien et retourna à Francfort-sur-le-Main. Élisabeth Webers lui succéda et resta trente-cinq ans avec lui ; d’ailleurs le saint homme était dans sa maison comme un étranger, sans faire attention à ses aliments ni à son ménage.
En 1672 les Français envahirent la Hollande ; voyant l’épouvante générale, Dieu mit notre lutteur en présence spirituelle avec les bataillons de la colère. Comme il les vainquait en esprit, les envahisseurs étaient aussi vaincus sur le champ de bataille. Entre-temps, il luttait toujours au sujet de la veuve dont nous avons parlé plus haut.
Le jour de Noël 1673, à onze heures du matin, il vit en esprit un nuage noir, puis un nuage blanc duquel sortit la vierge céleste Sophia-Jésus qui se fiança à son âme de telle sorte qu’il pût la voir et l’entendre même corporellement ; elle lui révéla des mystères dont l’énoncé remplirait plusieurs volumes, et ces noces ne furent terminées qu’au commencement de 1674.
Il habitait alors sa cinquième demeure à Amsterdam sur le canal des Églantiers. Il y demeura jusqu’en 1697, puis il alla sur le canal du Laurier, puis le 1er mai 1698 sur le canal de Zeyde.
La Sagesse lui parlait sans paroles, d’une façon ineffable et le confirmait dans la pauvreté christique, lui révélant tous les miracles de la nature intérieure et extérieure.
En 1674, le Dr de Raadt fut appelé par Sophia vers Gichtel pour commencer ses épreuves de purification ; c’est alors que le bourgmestre fit imprimer une édition de Boehme et ces deux hommes travaillèrent ensemble jusqu’en 1683 ; Johan W. Uberfeld fut aussi appelé à eux ; Raadt fut trouvé trop léger et la Vierge, après cette première séparation, l’éprouva vingt-cinq ans.
En 1692, la Vierge fut engendrée dans l’esprit extérieur, en 1695 pour sa seconde fois, et de la fin de 1705 au commencement de 1706 pour la troisième fois en même temps que Satan fut expulsé de Raadt.
De Raadt avait connu Gichtel par des lettres qu’il avait lues chez Breckling ; il se rendit chez l’homme de Dieu et lui exposa les tourments qu’il souffrait malgré sa grande science ; celui-ci l’engagea à prier chez lui et trois jours après on reçut une lettre de Raadt qui leur annonçait sa résolution de les suivre avec sa femme. De Raadt avait une dette de douze cents florins qui l’inquiétait fort. Gichtel lui conseilla de prier chez lui et il joignit ses prières aux siennes ; huit jours après, le docteur tout joyeux vint lui raconter qu’un riche bourgeois touché de la grâce avait abandonné le monde et lui avait donné douze cents florins. Gichtel lui recommanda de reconnaître par là la puissance et la bonté de Dieu. Peu après, un nommé Micaël Andréas reçut également des secours d’argent par la même voie.
Malgré les recommandations de Gichtel, de Raadt parlait de lui un peu partout, de sorte que beaucoup de personnes, mêmes mariées, vinrent trouver notre bienheureux et celui-ci vit alors comme Boehme avait raison de dire que l’esprit de ce monde désire ardemment Sophia. La Vierge aidait toutes ces bonnes volontés, bien qu’ils habitassent différentes villes ; ils se soutenaient les uns les autres par des lettres et mettaient en commun leurs expériences. En 1630, la colère de Breckling atteignit Gichtel et le cloua au lit par la fièvre quarte pendant toute une année. Breckling vint même l’injurier chez lui. En 1682, fut terminée l’édition de Boehme qui coûta six mille florins.
L’union parfaite entre les frères dura jusqu’en 1684. Sophia s’était retirée pour que Satan puisse les éprouver et c’est par de Raadt qu’il commença. Il y eut un homme pour lequel ils eurent à prier ensemble, à la demande de Raadt ; on trouva peu après cet homme mort dans sa chambre, le cou tordu, et ils connurent par là jusqu’à quel point Raadt était faussé.
Quand à Uberfeld, Dieu l’avait choisi dès 1664, à l’âge de 5 ans ; Il lui fit connaître les écrits de Jacob Boehme et l’envoya à Amsterdam au printemps de 1683 ; là il reçut la Vierge dans les trois principes avec Gichtel tous les sept ans et surtout en 1695. Uberfeld eut aussi à souffrir de la jalousie de Raadt, quoique celui-ci se fût réconcilié plusieurs fois avec les frères et particulièrement dans l’été de 1684. Ce dernier s’occupa d’alchimie et promit la pierre à Micaël Andréas ; il tomba ensuite dans l’ivrognerie et entraîna le frère H., qui mourut d’hydropisie. Peu à peu cet exemple jeta la discorde dans toute la société : ainsi sur trente qui pendant dix ans avaient mangé le pain de la même foi, un seul resta dans l’humilité et dans l’amour, Dieu en soit éternellement loué ! Les uns furent repris par l’amour de l’argent, les autres par les femmes, d’autres devinrent fous ou possédés du Diable ; ainsi l’un d’eux devint furieux tout un mois, puis se réveilla et alla se plaindre à Gichtel que son cœur brûlait ; le saint homme se mit en prière et après une lutte qui dura toute la nuit, il vainquit le serpent, mais il tomba comme mort sur la place ; ce n’était pas la première fois que Gichtel guérissait des possédés, il avait délivré autrefois un tailleur en lui jouant des mélodies. D’autres tombèrent des excès du jeûne dans le vol et dans l’impudicité.
Tout cela attira sur Gichtel beaucoup de calomnies ; on le dit être l’ante-Christ, on l’accusa de sorcellerie, de sorte que la société des hommes lui devint presque insupportable. Breckling imprima un libelle sur les faux pauvres ; les Mennonites et leur chef le Dr Abraham Galenus étaient surtout acharnés après eux, ainsi que les Quakers ; on leur jetait Boehme à la tête, on leur reprochait leur paresse.
L’année 1688 leur fut très dure ; c’est alors qu’un de leurs amis, S. von H., voulut placer sur la tête de Gichtel une rente de douze cents florins ; celui-ci la refusa comme il refusa le testament du même ami.
En 1689, un inconnu vint le voir et lui offrit la pierre philosophale, mais il la refusa ; il ne reçut pas non plus des secrets de sciences que diverses personnes qui l’en jugeaient digne voulurent lui confier. Puis Dieu se retira d’eux ; ils furent abandonnés des hommes et des anges. Pendant toute une année, le diable les effraya avec la pensée du jugement. Gichtel eut à lutter corps à corps avec quatre princes des ténèbres ; les démons dansèrent de joie autour de lui ; le dragon lui apparut pendant cinq jours pour l’inciter au suicide, puis une autre fois pendant trois jours sous la forme de Dieu le Père ; il semblait souvent plus fort que le Seigneur. Enfin Sophia revint et lui redonna le courage nécessaire pour lutter avec le chérubin ; les ennemis matériels revinrent à la charge, l’accusant de fabriquer de la fausse monnaie ou de recevoir de l’argent de l’Allemagne ; mais Gichtel priait et offrait sa vie pour eux.
C’est alors qu’un ami d’Uberfeld non marié, Isaac Passavant, se joignit à eux en automne 1691. Le diable l’attaqua et le laissa pour mort pendant 12 jours ; il recommença en 1692, puis en 1693 avec Gichtel du neuf au douze septembre ; ce n’est que le vingt-cinq du même mois qu’il put se lever pour prendre le repas du soir dont il s’était abstenu depuis de longues années ; leurs ennemis les attaquèrent encore pendant sept ans, après quoi brisa leur volonté.
Toutes ces souffrances préparèrent en Allemagne une riche moisson spirituelle, mais aussi l’homme interne de Gichtel était une splendeur admirable, lui-même le connaissait-il peu, sauf dans le combat quand ses forces s’extériorisaient ; la première fois que Dieu le lui fit voir, il brillait d’un tel éclat que ses yeux ne purent pas lire pendant trois jours ; son esprit était toujours brûlant, dans le feu de l’amour, son seul maître ; il plaignait de tout son cœur les jeunes gens qui recueillent tant de science sans rien connaître de Dieu ; bien qu’il priât sans cesse, il s’interrompait de suite si on l’interpellait ; il savait que la volonté tendue sévèrement vers Dieu engendre le doute ; il combattait ce démon tous les jours, il tenait son imagination uniquement dans les sept formes et dans les trois principes et à mesure qu’il avançait en âge, il se félicitait d’avoir lutté dès sa jeunesse. Pendant le jour, il combattait le diable qui pénètre dans l’homme par la teinture solaire extérieure, et c’était là un véritable martyre. Il disait un jour à Uberfeld que de 1690 à 1692, il avait fait cinq cents lieues en se promenant ainsi.
Il s’avisa une fois de renvoyer ses péchés à Satan ; celui-ci l’attaqua alors, l’accusant d’orgueil et d’impiété. Il se considérait comme le plus faible de tous ; bien qu’il ne les recherchât pas, il eut des correspondants. Sophia imprégna ses lettres ainsi que celles d’Uberfeld ; Gottfried Arnold en imprima deux volumes en 1704, puis trois autres volumes en 1708 et enfin un sixième tome en 1722.
Il professait que nous ne pouvons rien sans Jésus ou Sophia, sans renoncer absolument aux richesses et aux femmes, tout au moins pour ceux qui veulent s’élever au-dessus de la nature.
En été il allait volontiers rendre visite à Uberfeld qui habitait Leyde ; c’est avant l’un de ces voyages que, priant pour un malade, il l’arracha au démon, mais non sans avoir été frappé sur le côté gauche de son corps ; il se ressentit de ce coup tous les hivers jusqu’à la fin de sa vie ; au même moment le mourant s’était écrié : Ah, voici un ange qui vient à mon secours ! Beaucoup d’agonisants furent ainsi arrachés par lui à l’enfer.
Il tenait la teinture de Sophia pour beaucoup plus noble que la pierre philosophale ; elle renouvelle d’ailleurs le corps physique et ne lui permet pas de garder les médicaments ordinaires. Ce sont ses rayonnements qu’il a dessinés, pour répondre aux prières d’Uberfeld, et que celui-ci a reproduits dans les figures de la Theosophia practica.
Il ne fut pas d’accord avec Jeanne Leade, nommément sur la rédemption du diable ; l’esprit de cette femme n’était arrivé que jusqu’à la teinture solaire.
Gichtel était de stature moyenne plutôt mince, il paraissait plus jeune que son âge ; le visage noble, ovale, les yeux moyens gris-bleus et parfois très azurés ; la voix douce et pas très sonore, les cheveux fins, châtains, lisses et un peu bouclés à leur extrémité, la barbe blond-clair et peu abondante ; il se peignait avec soin, mais ne se rasait qu’une fois par semaine, le dimanche ; la bouche était petite, le nez de moyenne grandeur et descendant un peu sur la bouche ; les membres fins sans être grêles, la peau blanche et lisse. Habituellement silencieux, il recevait tout le monde avec la même bienveillance ; il tenait ses habits fort propres, son linge très blanc ; il faisait son lit lui-même et arrangeait son feu avec la plus stricte économie ; il évitait de se laisser servir ; toujours levé de grand matin en été, il avait déjà d’ordinaire écrit deux heures quand les autres songeaient seulement à quitter leur lit. Il sortait très rarement, aidait sa servante, cueillait les fruits du jardin et souvent épluchait les légumes et la salade. Il faisait tout naturellement et sans affectation. Dans sa vieillesse, il se promena moins dans sa chambre, il sortait moins encore ; l’âge lui courba la tête, et lui fit mettre des lunettes pour lire les petits caractères. Il mourut au commencement de l’année 1710, le 21 janvier.
Auparavant, le 13 décembre 1709, la Vierge de la Sagesse lui apparut de nouveau dans le Saint-Ternaire, juste quarante jours avant qu’elle ne l’appelât à elle. Elle s’était manifestée au même moment à Uberfeld, complétant ainsi la série des dix formes. Le 9 janvier, nos deux théosophes avaient dû s’aliter ; c’était un jeudi ; le frère P. et un vieillard de quatre-vingts ans, Arrit Gerrits, qu’il avait converti, le veillèrent ; la fluxion ou rhume de poitrine le faisait tousser toute la nuit. Le 10, il se leva encore, il déjeuna de grand appétit bien qu’il eût une forte fièvre ; il ne cessa pas un seul jour de vaquer aux soins du ménage ; la nuit on l’entendait prier à haute voix ; il vécut encore onze jours jusqu’au mardi 21 janvier à trois heures de l’après-midi. Assis près de la fenêtre, il rendit à Dieu son noble esprit. Ses frères qui l’avaient vu reposer quelques heures le croyaient en extase ; le frère P. et Gerrits le veillèrent jusqu’à l’arrivée d’Uberfeld. Ils pleurèrent tous trois et, quarante heures après, son esprit apparut à Uberfeld, de telle sorte qu’il ne perdit rien de lui en perdant son corps.
Il fut enterré le samedi 25 janvier à trois heures de l’après-midi, dans un terrain concédé pour vingt ans au cimetière de Leude, tout proche de sa demeure. Cinquante personnes environ assistèrent à la cérémonie. Il était âgé de 72 ans six mois et trois jours.
Que Dieu nous fasse la grâce de le suivre comme il a suivi le Christ.
Nota : Pendant la vie de Gichtel, le Verbe s’est manifesté en trois périodes, marquées chacune du sceau d’une des personnes divines. Au cours des deux premières, l’illumination a été donnée à des membres de toutes les religions ; au cours de la dernière, la vierge Sophia n’a visité que des chrétiens.
La première période, pendant laquelle le Fils réside dans le Père, s’étend de 1664 à 1685 ; la seconde, de 1685 à 1706 ; la troisième, celle du St-Esprit, va de 1706 à 1716. Pendant chacune d’elles, la personne divine correspondante vient rénover les trois âmes de l’homme de Dieu, par deux unions, l’une après la génération interne et l’autre après la génération externe.
En 1673 eut lieu le premier mariage, sur lequel on n’a pas de détails ; de 1683 à 1685, au cours du second, Uberfeld et Gichtel furent unis.
En 1690, la première noce du second mariage montra J.-C. androgyne, fiançant à l’âme très profondément mais sans éclat : elle fut payée par un grand nombre de tribulations terrestres. La seconde noce (1705-1706) montra ce qu’est le Père vu par le Fils.
À la fin de 1709, peu avant sa mort, la Vierge célébra avec lui la première partie du troisième mariage, sous la même forme qu’en 1683. La deuxième partie eut lieu en 1716, pour le disciple fidèle, Uberfeld.
Sédir, La vie miraculeuse de Johann Georg Gichtel, dans Choix de pensées, par Gichtel, Chacornac, 1902.
Pour une étude plus complète de la vie de l’oeuvre de Gichtel voir :GORCEIX Bernard, Johann Georg Gichtel, théosophe d’Amsterdam, col. « Delphica », L’Age d’homme, 1975.