Sommaire
Présentation de l’éditeur
« Pour appréhender véritablement les enjeux de cette réflexion doctrinale importante s’il en est, il convient de clarifier deux points principaux relatifs à la sensibilité en effet « origéniste » qui fut partagée par Martinès de Pasqually (+ 1774), Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) et Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), de sorte que nous puissions comprendre en quoi l’adhésion à leur doctrine représente, non une option du point de vue initiatique lorsqu’on est membre de ses voies, mais relève d’un enseignement spirituel auquel il est nécessaire d’adhérer, faute de quoi on se met soi-même en dehors des critères d’appartenance des Ordres dont le rôle est de préserver les éléments doctrinaux établis par leurs fondateurs.
Ainsi les trois études que nous publions touchant à la doctrine de la matière telle que soutenue par Martinès, Saint-Martin et Willermoz, font apparaître des thèses audacieuses relevant du « mysticisme spéculatif », rendant évidentes des distances importantes avec l’enseignement des confessions chrétiennes, ce qui n’a rien de surprenant au regard des idées du courant illuministe qu’il nous faut considérer et admettre pour ce qu’il est, à savoir une voie initiatique extra ecclésiale possédant son originalité et ses sources propres. Ces études ont pour but de susciter une certaine réaction et provoquer chez le lecteur, en quelque sorte, une interrogation salutaire en forme de choc, puisque qu’une tendance se manifeste de façon de plus en plus insistante, en l’écrivant et le faisant savoir, visant à récuser les positions de l’illuminisme et à les désigner comme des déviances théologiques et des hérésies dualistes.
Nous avons donc jugé qu’il était temps de réagir en exposant les fondements théoriques de ces courants relatifs à la doctrine de la réintégration, avant que n’advienne une incompréhension générale en forme de rejet à l’égard de la doctrine initiatique que véhicule les structures issues de la pensée martinésienne. »
Auteur : Jean-Marc Vivenza
Éditeur : La Pierre-Philosophale
Publication : 2013, (1re éd. 2012)
Nb. Pages : 235 p.
ISBN : 978-2-36353-018-9
Note de lecture
Joseph de Maistre prétendait que le martinisme relevait de l’origénisme, sans préciser ce qu’il entendait par là. Dans ce livre, Jean-Marc Vivenza met cette source en évidence, montrant que les thèmes marquants de la doctrine de Martinès de Pasqually : l’émanation des âmes, la chute des anges, la création du monde résultant de cette chute, la destination céleste purement immatérielle des créatures, la réintégration… possèdent une parenté évidente avec les principes énoncés par Origène.
Rappelons qu’Origène, né à Alexandrie au IIe siècle, est l’un des Pères de l’Église. Il est considéré comme l’un des fondateurs de l’exégèse biblique. Son exégèse allégorique connaît un grand rayonnement dans la période qui précède les premiers conciles, c’est-à-dire avant que n’éclatent au sein de la jeune Église les conflits sur la christologie et la Trinité. C’est dans ce contexte, lors du concile de Constantinople II en 553, que certaines thèses d’Origène seront condamnées. En effet, la dogmatique chrétienne récuse l’idée de la préexistence de l’âme, le principe de l’émanation. De même, elle voit dans la Création un don de Dieu, et non la conséquence d’une faute, sanction ayant pour vocation d’emprisonner les âmes dans des corps de matière comme l’enseigne Origène.
Après avoir mis en évidence les sources de Martinès de Pasqually, Jean-Marc Vivenza montre que ses théories se retrouvent dans les œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin tout comme dans le Régime écossais rectifié institué par Jean-Baptiste Willermoz. Il estime avec raison que s’écarter de ces positions, en tentant de les modifier, par exemple pour les rendre plus conformes avec les dogmes de l’Église, c’est se mettre à distance, se couper de ce qui constitue l’essence même du martinisme.
Avec ce livre, Jean-Marc Vivenza ouvre un dossier passionnant [1] Le lecteur regrettera cependant de ne pas trouver dans la bibliographie finale de références aux œuvres d’Origène ou à des études se rapportant à ce point. Ces références figurent néanmoins dans les nombreuses notes de bas des pages. .
Sommaire
Avertissement
Introduction – Origène et l’illuminisme, p. 23
I – La doctrine de l’illuminisme, p. 25
- Considération méthodologique, p. 26
- La spécificité doctrinale du Régime Ecossais Rectifié, p. 27
II – Les thèses fondatrices de l’illuminisme, p. 30
III – Influence d’Origène sur l’illuminisme chrétien, p. 33
IV – L’origénisme est-il hérétique et gnostique ? p. 40
- Origène et néoplatonisme, p. 40
- Le terme « gnosticisme » est à manier avec prudence, p. 43
V – Le renouveau des idées d’Origène chez les théologiens contemporains, p. 44
VI – L’apocatastase est-elle une difficulté ? p. 52
VII – Ultime interrogation, p. 59
1 – Martinès de Pasqually et la doctrine de la réintégration des êtres, p.61
I – L’émanation et la révolte des esprits selon Martinès de Pasqually, p. 64
II – Le caractère « nécessaire » de la Création pour Martinès, p. 66
III – Adam créé pur esprit immatériel, transmué en une « forme de matière », p. 70
IV – La chair « dégénérée » et « impure » d’Adam après la Chute, p. 73
V – Signification de la transmutation substantielle d’Adam « incorporisé » dans la matière, p. 77
VI – La chair ne peut pas être « spiritualisée » selon Martinès, p. 79
VII – La réintégration sera l’anéantissement de l’univers matériel, p. 83
VIII – Prières des élus coëns pour être libéré de la matière, p. 86
2 – Louis-Claude de Saint-Martin et le corps de matière ténébreuse, p. 91
I – Les germes empoisonnés de la terre selon Saint-Martin, p. 94
II – Génération corrompue et naissance animale, p 97
III – Le corps matériel corrompu provient d’une « dégénérescence » substantielle, p. 98
IV – La matière est le royaume de Satan, p. 104
V – La « spiritualisation de la matière » est une impossibilité, p. 106
VI – La libération des chaînes de la matière, p. 111
VII – Il faut que l’idée et le mot de chair et de sang soient abolis, p. 114
VIII – « C’était de la chair… qu’il venait nous délivrer. », p. 115
IX – La dissolution de la matière sera une « bénédiction », p. 118
3 – Le Régime Ecossais Rectifié et la doctrine de la matière, p. 121
I – Les sources de la pensée willermozienne, p. 123
II – Les conséquences du péché originel, p. 126
III – Prévarication d’Adam et corruption de la nature, p. 127
- Tradition patristique, p. 128
- Enseignement des Pères, p. 131
- Sens de l’incarnation, 132
IV – L’opposition entre « l’ordre de l’esprit » et « l’ordre de la chair », p. 134
V – La chair est destinée à être abandonnée selon Willermoz, p. 137
VI – « Corps de matière » et « Corps de Résurrection », p. 140
VII – L’anéantissement de la matière et de l’univers créé, p. 143
VIII – Du corps glorieux au « Saint-Élément », p. 147
Conclusion, p. 151
Appendices
Appendice I. Les anathèmes contre Origène, p. 163
Appendice II. Ésotérisme chrétien, connaissance secrète et « gnose », p. 167
Appendice III. Émanation et Création chez Martinès, p. 173
- Nature de l’émanation
- Caractère nécessaire de la création de l’univers matériel physique
- Gardez-vous de confondre création et émanation
- Adam émané pour être le « député » de l’Éternel
- Adam a-t-il été émané au sein d’un monde glorieux ?
- Sans cette première prévarication, aucun changement ne serait survenu à la création spirituelle
Appendice IV. La transformation « substantielle » d’Adam, p. 197
Appendice V. L’impossible spiritualisation de la chair selon Martinès de Pasqually, p. 201
Appendice VI. Jean-Baptiste Willermoz, l’augustinisme et le jansénisme, p. 205
- L’augustinisme de Willermoz
- Le climat spirituel du concile de Trente
- Le pessimisme augustinien à l’égard du monde de la chair
- Le jansénisme à Lyon
- Le catholicisme augustinien de Willermoz
Bibliographie, p. 219
Notes :