Résumé de l’article publié dans le n° 37 de la revue Politica Hermetica (2023, p. 89-112). Ce sujet, Augustin Chaboseau et la politique, a été présenté lors du XXXVIIIe colloque international de Politica Hermetica du 3 décembre 2023 à Paris sur le thème « Ésotérisme et action politique » (à l’Institut nationale d’histoire de l’art, 2 rue Vivienne, salle Walter Benjamin). L’article publié dans la revue Politica Hermetica propose une version plus étendue que la conférence présentée lors du colloque. Cette conférence est disponible sur le site Bagliv.tv depuis le 10 décembre 2023.
Lorsqu’on évoque les grandes figures de l’histoire du martinisme à la Belle Époque, on pense évidemment à Papus, le fondateur de l’Ordre Martiniste, mais également à Augustin Chaboseau (1868-1946). Pourtant, Augustin Chaboseau n’occupe qu’une place marginale dans l’histoire du martinisme et il n’est pas le cofondateur de l’Ordre Martiniste comme cela a souvent été dit. Ce n’est d’ailleurs que vingt-ans après la mort de Papus qu’il s’attribuera un rôle distinctif dans la fondation de l’Ordre. En effet, le journalisme, la politique, la franc-maçonnerie tiennent une place beaucoup plus importante dans son existence. C’est cet aspect méconnu de la vie d’Augustin Chaboseau qui est présenté ici. Rappelons que lors d’un article publié en 2019 nous avions abordé la question de la pseudo-filiation martiniste d’Augustin Chaboseau « Un Disciple légendaire de Louis-Claude de Saint-Martin, l’abbé Delanouë (1747-1823). Aux sources d’une filiation controversée », Politica Hermetica n° 33, p. 169-196 [voir le résumé].
Vidéo de la conférence sur Baglis.tv : extrait n° 1
Augustin Chaboseau et Papus
En 1889, Augustin Chaboseau, étudiant en médecine rencontre Gérard Encausse qui vient de lancer la revue l’Initiation. Chaboseau ne collaborera à cette revue qu’à partir de juin 1890 (19e numéro). Dès la fin de l’année 1890, Chaboseau passe de la revue l’Initiation au Voile d’Isis, dont il devient pendant une brève période le rédacteur en chef. Il quitte cette revue un an plus tard pour rejoindre Psyché, revue mensuelle d’art et de littérature. Deux ans plus tard, il s’éloigne du martinisme et demande sa mise en congé du Suprême Conseil dont il était membre depuis 1891. Entre-temps, Chaboseau a publié un Essais sur la philosophie bouddhique, ouvrage où il exprime une position curieuse à propos du Martinisme, qu’il voudrait éloigner du christianisme.
Franc-Maçon et libre penseur
Cette critique de la religion marquera nombre de ses publications ultérieures, notamment dans des revues et journaux comme L’Action quotidienne anticléricale-républicaine-socialiste. Dès lors, on ne s’étonnera pas de le voir laisser de côté le martinisme au profit de la Libre pensée. Il militera dans ce mouvement pendant plusieurs années, participant notamment à la création de l’Association nationale des libres penseurs français. Il entrera également dans la franc-maçonnerie en se faisant initier à L’Action socialiste, loge du Grand Orient, (apprenti, 2/5/1907 ; compagnon, 29/07/1908 et maître, 29/02/1912). Proche des mouvements féministes où il rencontre celle qui sera sa femme, Louise Napias (1re femme pharmacienne en France et collaboratrice du journal féministe La Fronde), il rejoint en 1919 l’obédience mixte du Droit Humain. Il y fréquentera la loge Georges Martin et restera fidèle à cette obédience jusqu’en 1937, son éloignement de Paris ne lui permettant plus d’y participer.
Journaliste socialiste et homme politique
Augustin Chaboseau n’est pas un occultiste, mais un écrivain. Ayant abandonné rapidement ses études de médecine, il publie des nouvelles, de la poésie. Il devient journaliste et entre 1892 et 1926, collabore à plus de cinquante-cinq journaux, dont la majeure partie relève de la presse socialiste. Cet article nous invite à découvrir sa participation à quelques-unes de ces revues comme La Petite République, La Revue Socialiste, L’Aurore, Mouvement socialiste, ou L’Action quotidienne anticléricale-républicaine-socialiste. Les articles publiés par Chaboseau abordent la législation ouvrière en France et en Europe, le droit au travail, ou des faits de société. Il publie parfois des contes et des nouvelles. En mai 1893, Chaboseau est l’un des fondateurs du Syndicat des journalistes Socialistes. Quelques anecdotes, tirées de ses cahiers de souvenirs nous font découvrir ses relations particulières avec des hommes politiques comme Jean Jaurès, Benoit Mallon, Marcel Sembat, Eugène Fournière, Georges Clemenceau, Jean Longuet ou Aristide Briand. Militant socialiste, Chaboseau participe activement au Congrès général du socialisme français (1900) et au Congrès du Globe (avril 1905), congrès de l’union socialiste qui marque la naissance de la S.F.I.O. C’est d’ailleurs sous la bannière de ce parti qu’Augustin Chaboseau se présente lui-même aux élections municipales en 1908 (quartier de la Salpêtrière à Paris). Malgré le soutien des ténors du parti, il ne sera pas élu. Il va cependant continuer à servir le socialisme en devenant le secrétaire de Jean Goujon, député de l’Ain.
Secrétaire du ministre de la Justice
Pendant la guerre 1914-1918, Chaboseau entre au cabinet d’Aristide Briand, son ancien ami et collègue socialiste devenu ministre de la Justice. Il devient son secrétaire particulier et à ce titre, remplace parfois son ministre au Sénat, dans diverses commissions, ou à l’occasion de cérémonies importantes où Aristide Briand ne peut être présent. En février 1916, Chaboseau représente le ministre aux obsèques nationales organisées pour les victimes du Zeppelin. Lorsqu’il est au service d’Aristide Briand, Chaboseau rencontre Milenko Vesnitch (1862-1921), diplomate et ministre de Serbie en France. À la demande de ce dernier, il écrit Les Serbes, Croates et Slovènes, pour éclaircir le problème de la Yougoslavie. Milenko Vesnitch fera distribuer cet ouvrage aux diplomates, ministres, et experts venus à Paris pour la Conférence sur la paix qui marque la fin de la guerre. En remerciement, Chaboseau sera décoré de la cravate de Commandeur de l’ordre de Saint-Sava, par le prince régent Alexandre.
Conservateur adjoint du musée d’Ile-de-France
À la fin de l’année 1926, Chaboseau met un frein à sa carrière de journaliste. Il publiera cependant quelques articles dans Le Mercure de France, notamment à propos d’Henri Latouche, dont il s’efforce de faire un martiniste. Il construit petit à petit la légende à propos de quelques disciples de Louis-Claude de Saint-Martin. Chaboseau s’engage aussi dans d’autres combats en collaborant à la Société pour la Protection des Paysages de France. C’est dans ce contexte qu’il contribue à sauver de la destruction, le château de Sceaux et son parc, en proposant de le restaurer pour y créer le musée d’Île-de-France. Augustin sera nommé conservateur adjoint du musée qui sera inauguré le 7 juillet 1937.
Retour vers le martinisme en 1931
Ces années de retraite littéraire sont marquées par son retour vers le martinisme. Poussé par son fils, Jean Chaboseau, en 1931, il collabore avec Victor-Émile Michelet, Lucien Chamuel et Octave Béliard, à la création de l’Ordre Martiniste Traditionnel (O.M.T.). A la mort de Michelet, en janvier 1938, A. Chaboseau devient pour quelque temps le grand-maître de l’O.M.T., car la guerre 1939-1945 va compromettre ses activités. Avant la guerre, Gérard van Rijnberk qui prépare le 2e volume de son livre, Un Thaumaturge au XVIIIe siècle Martinès de Pasqually (1938), vient rencontrer Chaboseau au Château de Sceaux. Il en rapportera la légende de la double filiation du martinisme, celle de Papus par H. Delaage et celle de Chaboseau par la marquise de Boisse-Mortemart, contribuant ainsi à accréditer une thèse dont Papus lui-même n’avait jamais parlé.
La mort de Jean Longuet, le 11 septembre 1938, marque la dernière apparition publique d’Augustin Chaboseau. Une foule immense assiste aux cérémonies civiles de son enterrement. Au début de la cérémonie, Chaboseau prend la parole au nom de la section socialiste de Châtenay-Malabry. Son intervention sera suivie des discours de Léon Blum, Gaston Allemane et d’autres personnalités. Leurs discours seront publiés dans Le Populaire, organe du parti socialiste (S.F.I.O.) le 18 septembre 1938.
Mise en sommeil de l’Ordre Martiniste Traditionnel
La fin de l’article évoque la personnalité du fils d’Augustin, Jean Chaboseau. À la suite du décès d’Augustin Chaboseau le 2 janvier 1946, Jean lui succède à la direction de l’O.M.T. À l’opposé de son père, Jean Chaboseau n’est ni libre penseur ni socialiste. Fervent chrétien et royaliste, il participe activement au « cercle Henri XVII », du Prince Henri Charles Louis de Bourbon, duc de Bourgogne. Franc-maçon comme son père, Jean a été initié en mai 1932 aux Amitiés internationales, relevant de la Grande Loge de France. Pendant l’occupation, il avait maintenu les activités de cette loge dont il était le secrétaire. Remettant en cause la légitimité de la filiation martiniste revendiquée par son père, il mettra l’Ordre Martiniste Traditionnel en sommeil, en septembre 1947. Après cet épisode, Jean Chaboseau quittera également la Grande Loge de France, pour rejoindre l’obédience du Droit Humain.
Lire l’intégralité de cet article : revue (Politica Hermetica n° 37 – 2023 ésotérisme et action politique, éd. L’Harmattan.