Lorsqu’on évoque le passage de Jacques Cazotte (1719-1792) dans l’ordre des Élus coëns, on se réfère aux propos tenus par l’auteur du Diable amoureux dans sa Correspondance mystique (1).
Dans ses lettres, Cazotte rapporte en effet qu’il est resté trois ans parmi les martinistes et que « différentes causes » l’ont forcé de donner sa démission. Néanmoins, « j’en suis toujours resté l’ami », ajoute-t-il (p. 44-45). Il conservera d’ailleurs des relations avec certains de ses anciens frères d’initiation, sur lesquels il porte un jugement sévère :
Je reçois deux lettres de connaissances intimes que j’avais parmi mes confrères les martinistes ; ils sont démagogues comme Bret ; gens de nom, braves gens jusqu’ici ; le démon est maître d’eux. À l’égard de Bret en son acharnement au magnétisme, je lui ai attiré la maladie ; les jansénistes affiliés aux convulsionnaires par état sont dans le même cas ; c’est bien celui de leur appliquer à tous la phrase : Hors de l’Église point de salut, pas même de sens commun. (Lettre du 29 décembre 1791 p. 90.)
Arrêté le 10 août 1792 à cause de ses sympathies pour l’Ancien Régime, il sera conduit à l’échafaud le 25 septembre de la même année. Pendant son procès, le président du tribunal l’interrogea pour connaître ceux qui l’avaient « initié dans la secte des martinistes », il répondit que ces derniers n’étaient plus en France : « Ce sont des gens qui séjournent peu, étant continuellement en voyage pour faire les réceptions ». Précisant :
Je sais qu’un de ceux qui m’ont reçu, il y a cinq ans, était en Angleterre. (p. 157.)
Son initiateur n’était autre qu’Hauterive, ainsi que nous l’apprend Louis-Claude de Saint-Martin, qui consacre quelques lignes à Cazotte dans son Portrait :
Cazotte que j’avais vu avec plaisir dans la société, était un des hommes du temps qui eut le plus de la littérature légère. D’Hauterive qui n’avait pas sondé la force de sa tête l’avait admis à nos objets ; aussi n’en prit-il que la partie douce, et en abandonna-t-il la partie forte qu’il dénigra cependant sans jamais l’avoir possédée. C’est dans cet état qu’il fit connaissance avec Mde d. L. C. [Madame de la Croix] qui ayant la tête beaucoup plus vive qu’il ne le fallait pour lui, l’a entraîné à mille croyances plus exagérées les unes que les autres ; et comme tout se concilie dans les têtes qui ne sont pas en mesure, il a allié la dévotion, avec le zèle du royalisme ; ce zèle s’est échauffé en lui par cette dévotion même ; il a cru parler au nom du ciel, et cette croyance l’a conduit à l’échafaud. J’aimais cet homme, et cependant j’ai toujours senti que nous n’aurions jamais rien pu faire ensemble. (Mon portrait, n° 308.)
En savoir plus
Le Diable Amoureux, Jacques Cazotte, avec une notice biographique par Gérard de Nerval – précédé de sa vie, de son procès, et de ses prophéties et révélations par Gérard de Nerval – Illustré de 200 dessins par Édouard de Beaumont.