L’histoire du martinisme possède quelques liens avec celle de Saint-Domingue. C’est en effet dans cette île que Martinès de Pasqually vient s’installer en 1772 pour y mourir en 1774.
Plusieurs de ses disciples y sont également venus alors qu’ils servaient dans le régiment Foix-infanterie. Ce dernier y a pris ses quartiers entre 1762 et 1765, afin d’assurer la protection de cette île convoitée, la plus riche des possessions françaises. Avant la Révolution, elle fournissait en effet les trois quarts de la production mondiale du sucre. Or, c’est en grande partie à l’esclavage offrant une main-d’œuvre bon marché qu’elle doit sa richesse. « Au commencement de l’année 1790, l’île de Saint-Domingue, qu’on pouvait regarder comme le paradis terrestre du Nouveau-Monde, contenait 793 plantations à sucre, 3 117 à café, 786 à coton, 3 160 à indigo, 34 à cacao, 623 à grains, ignames et autres légumes. » (1) Saint-Domingue comptait alors près de 500 000 esclaves. (2)
Alors que les plus grands auteurs du XVIIIe siècle se sont appliqués à dénoncer cette exploitation honteuse de l’humanité, tels Rousseau, Voltaire et Diderot, les théosophes ne se sont guère exprimés sur cette pratique. Nous ne prétendons pas approfondir ici ce thème, que nombre d’ouvrages ont étudié en détail. Nous nous contenterons d’évoquer les noms de quelques hommes qui, sans être des théosophes majeurs, ont pris position contre l’esclavage.
Le premier est Nicolas Bergasse (1750-1832), l’un des plus proches collaborateurs de Mesmer, membre éminent de la Société des amis de noirs, fondée le 19 février 1788 autour de Jacques-Pierre Brissot et Étienne Clavière. Il faut également évoquer les noms de deux anciens amis de Saint-Martin : Jean-Baptiste-Modeste Gence et Joseph-Marie de Guérando, qui appartiennent à un groupe très actif dans la lutte contre l’asservissement humain, la Société de la morale chrétienne. Fondé en 1821, ce mouvement se propose de mettre en œuvre un évangile actif et utile, dégagé de tout dogme. L’action de la Société de la morale chrétienne jouera un rôle important dans le processus d’abolition de l’esclavage.
Le document que nous mettons en évidence aujourd’hui apporte un témoignage peu connu. Il est l’œuvre d’un groupe de disciples de Mesmer. Ce texte est particulièrement intéressant dans la mesure où il émane d’une filiale de la Société de l’harmonie installée à Cap-Français, l’un des ports les plus importants d’Haïti. Cette branche de la célèbre école de magnétisme fondée par Mesmer à Paris en 1783 fut établie à Saint-Domingue en 1784, par Antoine Hyacinthe de Chastenet de Puységur, l’un des frères d’Armand de Puységur, à qui l’on doit la découverte du somnambulisme magnétique.
Antoine Hyacinthe, comte Chastenet de Puységur (1752-1809), officier de marine, vient à Saint-Domingue entre 1784 et 1785. Élevé à la dignité de Chevalier de Saint-Louis en 1781, il a déjà une longue carrière derrière lui. Ses compétences militaires s’accompagnent d’un esprit scientifique distingué. Il a étudié en effet l’hydrographie et est un excellent mathématicien (3). C’est à ce titre qu’il va se porter volontaire en 1784 pour une mission d’exploration des eaux de Saint-Domingue. Il se voit chargé par le maréchal de Castries de dresser la carte des débouquements de l’île. À cette époque, Cap-Français est la capitale de Saint-Domingue. Son port assurant une grande part des échanges commerciaux avec le continent, il est primordial d’établir une cartographie plus précise de la région, de manière à mieux assurer la sécurité d’une navigation importante. Puységur embarque pour une campagne sur la corvette Le Vautour et explore les eaux de Cap-Français, de Tiburon, de Léogane et des îles Turques. Le comte publiera cette étude en 1787 sous le titre : Détail sur la navigation aux côtes de Saint-Domingue et dans ses débouquements.
Comme son frère Armand, Hyacinthe a été l’élève de Mesmer. Passionné par le magnétisme il continue à le pratiquer lorsqu’il est loin de France. Le texte ci-dessous nous montre qu’il a fondé à Cap-Français une Société de l’harmonie comprenant une vingtaine de membres. Le discours qui fut prononcé lors d’une de leurs assemblées témoigne de prises de position assez nettes contre l’esclavage, révélant l’humanisme touchant d’hommes qui, bien que restant dans les limites imposées par leurs fonctions, n’hésitèrent pas à dénoncer l’exploitation d’êtres humains. C’est ce texte que nous proposons ici, d’après la retranscription d’un manuscrit publié dans la revueL’Hermès, journal du magnétisme (IIIe vol. 1828-1829) par le docteur Chapelain.
Il est introduit par la listes des membres de la Société magnétique de Saint-Domingue, en 1786 :
Le comte Chastenet de Puységur ; Fournier Desvarennes, chevalier de Saint-Louis ; De Laval de Dammartin, docteur en médecine ; De Malouet ; Le marquis de Cadusch ; De la Rivière, commissaire ordonnateur ; De Guidi ; Lebreton , chirurgien des vaisseaux de S. M., démonstrateur d’anatomie ; Ozanne ; Worlock , docteur en médecine ; Laborie, doyen des avocats du conseil supérieur, et secrétaire de la chambre d’agriculture ; Gullmann ; Fourneau ; Courjeoles ; Joubert ; Rousseau ; De Lacombe ; Lefèvre ; Betche ; Barré de Saint-Venant ; Mouchet ; Remoussin ; Dutrone ; Laroueaux ; Lebrun.
♦ ◊ ♦
Discours prononcé dans la société de l’Harmonie établie au Cap-Français (Haïti), pour des réceptions, en 1784.
« Messieurs,
Quel spectacle plus intéressant pour l’homme que l’homme même ! Cet être né dans la faiblesse et dans l’ignorance, mais doué de la perfectibilité, a reçu de la nature, avec les qualités du cœur qui le constituent bon, les qualités de l’esprit qui en font un être pensant.
L’homme tend sans cesse par sa nature à devenir meilleur et plus éclairé. De la réunion de sa bonté et de ses lumières, du concours de l’instinct et de la raison, se forment, avec le temps, l’esprit social et les vertus morales qui en dérivent.
Les devoirs de l’homme sont gravés dans son cœur, il est essentiellement bon, et le méchant est un être vicié dans son organisation ; tout vice est discordance, trouble, maladie, erreur et faux calcul.
Tout se tient dans l’univers. Le physique, et ce que l’on nomme le moral, sont enchaînés par des liens nécessaires. L‘ordre est partout : aisé à connaître, il est facile à suivre : l’unité est son caractère, l’harmonie son effet, la santé et la vertu en sont le résultat. Il n’y a qu’une cause, qu’un fait, qu’une vérité, qu’une loi, qu’une santé, qu’une maladie, qu’un remède.
Ces grandes vérités, messieurs, qui vous sont révélées aujourd’hui, n’ont point été ignorées des premiers hommes. La nature qui a mis tant de variété dans ses œuvres, qui a pourvu avec tant de munificence au bonheur des êtres sensibles, aurait-elle oublié, dans la répartition de ses dons, l’homme, dont elle s’est plu à étendre les facultés ?
Les traditions religieuses et historiques de tous les peuples, d’accord avec ces conjectures, nous montrent le berceau de l’humanité dans un lieu de délices, et nous apprennent que l’homme a été créé pour le bonheur.
L’inquiétude qui agite l’espèce humaine, ce besoin insatiable de connaître, ces recherches éternelles de l’esprit, ces efforts continus pour étendre sans cesse la sphère de nos connaissances et de nos jouissances, ces élans de l’homme vers une félicité dont il a l’idée dans l’esprit et le goût dans le cœur, tout nous prouve que le bonheur est un apanage et une des conditions de notre existence; la nature nous le dit : c’est donc dans la connaissance de ses principes, dans l’exacte observance de ses lois, que nous trouverons les moyens de parvenir à la félicité qui nous appartient et que nous avons perdue.
Les animaux, bornés à l’instinct, sont restés imperturbablement dans leur état originel. L’homme seul en est sorti ; sa raison corrompue et égarée a perverti son instinct ; c’est aux vices de ses institutions, qui ont déterminé ses habitudes, qui ne sont que l’esclavage de la nature, qu’il faut attribuer les fléaux dont il est la victime. La superstition, la tyrannie et les erreurs, mères fécondes de tous les vices et de tous les maux, sont l’ouvrage de l’homme ; lui seul a troublé le concert universel des êtres par l’abus qu’il a fait de sa perfectibilité.
L’homme est perverti, sans doute, mais que de traits de grandeur il a conservés dans sa dégradation ! Les élans de sa raison ont égalé ses écarts, et sous tous les aspects, dans l’état de nature et dans l’état de société, l’homme est l’ouvrage de la nature le plus digne de nos regards.
Rappeler l’homme à sa bonté originelle, lui rendre le bonheur dont il jouissait en sortant des mains de la nature, en étendant et en perfectionnant encore les lumières et les jouissances qu’il doit aux efforts des générations qui se sont succédé sur le globe ; le ramener à la pureté de son instinct en perfectionnant sa raison : en un mot, faire jouir l’homme social de tous les avantages de l’homme de la nature ; voilà le but que notre illustre instituteur, messieurs, s’est proposé, et vers lequel ses disciples doivent tendre sans cesse.
La science que M. Mesmer nous enseigne embrasse l’universalité des connaissances humaines, elle résout tous les problèmes ; M. Mesmer a connu l’instrument de la nature ; nouveau Prométhée, il s’en est emparé pour le bonheur de ses semblables.
Des principes de cette doctrine découlent, comme d’une source commune, la véritable médecine et la vraie morale, fondées entièrement l’une et l’autre sur les rapports de l’homme avec la nature. Lorsque ces rapports seront parfaitement connus, et que l’homme saura les maintenir, il sera sain et bon, il aura une règle sûre pour se conserver dans l’ordre, et pour y rentrer lorsqu’il s’en sera écarté. En harmonie avec lui-même et avec tout ce qui l’environne, il aura acquis toute la perfection et tout le bonheur dont il est susceptible.
L’évidence la plus lumineuse caractérise la découverte de M. Mesmer. Tout démontre la puissance et l’efficacité de l’agent qu’il emploie pour combattre les maladies, et tout nous prouve l’insuffisance et le danger des remèdes de la médecine ordinaire.
Les erreurs et les préjugés qui forment ce qu’on appelle ! si improprement l’art de guérir, ne peuvent subsister longtemps ; le prestige est détruit : nous devons cependant nous attendre que la médecine, cette dernière des superstitions qui a résisté à la philosophie, sera défendue jusqu’à ses derniers retranchements par les passions des hommes qui exercent cette profession ; nous aurons à combattre l’orgueil et l’intérêt, ces deux grands mobiles du cœur humain. Les médecins, maîtres de la vie et de la mort, règnent par la crainte et par l’espérance sur l’esprit des hommes dont ils ont exténué la constitution et énervé les âmes ; ils se serviront de leur funeste ascendant pour retarder le triomphe de la vérité ; les compagnies savantes défendront les antiques erreurs avec leur obstination accoutumée. C’est à l’opinion publique, messieurs, c’est-à-dire à la voix du genre humain, à prononcer l’arrêt de la proscription de ces erreurs enracinées.
C’est afin de parvenir à ce but salutaire, c’est pour préparer, diriger et opérer cette utile et grande révolution, que M. Mesmer a remis à une société d’hommes choisis dont vous faites nombre, le précieux dépôt de sa découverte.
Si sa doctrine avait été divulguée sans précaution, elle n’eût pas tardé à être adultérée par l’alliage des erreurs dont toutes les sciences, et notamment la médecine, sont infectées. M. Mesmer a prévenu le danger ; ses disciples conserveront sa doctrine dans toute sa pureté ; ils l’enrichiront par leurs recherches, et la répandront avec discrétion, et d’après les règles de l’utilité générale. Alors le vœu de notre illustre maître sera rempli : les hommes dont l’existence sera prolongée seront meilleurs et plus heureux ; notre gloire, messieurs, sera de concourir à ce grand ouvrage.
Les institutions., messieurs, portent le caractère de leurs auteurs. Romulus fut guerrier, et Rome a été conquérante ; Lyeurgue, républicain austère, établit l’égalité dans sa cité, et Sparte a été l’admiration des sages, et le désespoir des législateurs, qui n’ont pu l’atteindre. Confucius unit la morale avec la législation, et le despotisme de la Chine, quia toujours subjugué ses sauvages vainqueurs, a été souvent envié par les turbulentes républiques modernes. Le peuple hébreu porte encore l’empreinte du génie de son législateur ; l’honneur européen qui fait notre caractère national est né dans les forêts de la Germanie. Les disciples de Mesmer se modèleront sur le caractère de leur instituteur; un amour ardent pour l’humanité doit brûler nos cœurs et respirer dans toutes nos actions. A ce signe seront reconnus les disciples que notre maître a choisis pour répandre en son nom, sur toute la terre, le plus grand bien qu’un homme | ait jamais fait à ses semblables.
Un esprit de bienfaisance et d’égalité doit animer les membres de l’ordre de l’Harmonie! un esprit de bienfaisance (je répète, messieurs, les expressions de notre maître) « parce qu’il s’agit de faire aux hommes, en qualité d’êtres sensibles, tout le bien dont leur organisation les rend a susceptible un esprit d’égalité, parce que tous les hommes sont appelés de la même manière à la recherche et à la pratique des vérités qui importent à leur conservation. »
Les devoirs que notre société nous impose ne sont pas difficiles à remplir ; elle n’exige pas un dévouement particulier ; elle désire simplement que chacun des membres concoure au bien général qu’elle veut faire, en raison de son opinion sur la doctrine qui lui est enseignée ; et si cette doctrine est trouvée véritablement utile, que nul ne s’oppose au développement des avantages qu’elle doit produire.
C’est en nous mêmes, c’est dans le fond inépuisable de sensibilité dont le cœur de l’homme vertueux est rempli, que nous trouvons les motifs d’attachement à la doctrine sublime qui nous a été révélée ; tous nos pas seront marqués par des actes de bienfaisance. On vous suivra, messieurs, à la trace de vos bienfaits ; les larmes des infortunés seront essuyées, les maux de l’âme, ainsi que ceux du corps, seront soulagés ou guéris ; vous serez les bienfaiteurs du monde : comblés des bénédictions que vous aurez méritées, vous parcourrez avec délices la carrière de la vie, vous jouirez de tout le bien que vous. aurez fait, et vous serez heureux de tout le bonheur que vous aurez produit et de tous les soulagements que vous aurez procurés.
O sainte humanité ! c’est sur l’autel que t’a élevé Mesmer, ton apôtre, que brûleront les flammes les plus pures et les plus vives.
L’humanité ! quel mot a retenti dans le Nouveau-Monde ! Mânes des Américains, élevez-vous de votre terre natale ! tristes Africains, soulevez vos fers ! et toi, homme blanc, leur oppresseur, orgueilleux Européen…, écoute-moi : L’Amérique offre le contraste le plus effrayant ! Au nord l’homme sauvage est libre comme la nature ; au sud l’homme dégradé est vendu et traité comme un vil bétail ; l’Europe arrache à l’Afrique ses enfants afin d’arroser de leurs sueurs le sol de l’Amérique, qui est encore teint du sang de ses premiers habitants.
Nous détestons ces atrocités ; elles sont l’ouvrage d’une politique égarée dans ses principes, et non le crime des particuliers régis par cette même politique. Si les disciples de Mesmer ne peuvent imiter les enfants de Penn en rendant leurs frères à la liberté ; si ce grand acte de justice nous est interdit, il est du moins en notre pouvoir, messieurs, d’adoucir le sort de nos nègres. Les despotes de l’Amérique peuvent être encore les bienfaiteurs de l’humanité. Retraçons dans l’administration de nos ateliers le gouvernement patriarcal des premiers hommes ; que le nom de sujet, qui lie, par les nœuds d’une bienveillance mutuelle, le subordonné au supérieur, soit substitué par les disciples de Mesmer à celui d’esclave, qui fit du maître un oppresseur et de l’opprimé un ennemi. La servitude est un état de guerre entre le maître et l’esclave. La prospérité des colonies et la multiplication des noirs, qui en est la suite nécessaire, changent tous les jours le rapport entre la force qui donne des fers et la faiblesse qui les reçoit.
O mes concitoyens ! soyons justes, et nous préviendrons les malheurs qui nous menacent. Établissons nos propriétés sur la base immuable de la justice et de l’humanité ; elles deviendront légitimes, elles seront inébranlables ; traitons nos nègres avec bonté, ils cesseront d’être nos ennemis, et ils deviendront les appuis comme les causes de notre prospérité.
Il est si aisé de rendre le nègre heureux ! il est si près de la nature, il exige si peu, il est si accoutumé aux privations, le climat de l’Amérique méridionale fait tout pour lui ; la terre est si fertile, le logement si facile, le vêtement si peu nécessaire, que pour remplir nos devoirs avec lui, il suffit de lui rendre justice dans l’état de santé, et de lui fournir des secours dans l’état de maladie et dans la disette. Faisons enfin, messieurs, pour nos esclaves, ce que nous demanderions nous-mêmes aux pirates des côtes de la Barbarie qui nous auraient mis dans les fers de la servitude.
Que l’homme féroce qui, comme Caïn, a répandu le sang de son frère, ne soit jamais reçu parmi nous; que celui d’entre nous qui aura souillé sa main du sang d’un esclave, ou qui aura exercé sur lui des traitements tyranniques, soit rayé du tableau de notre société ; il a troublé l’ordre, a détruit un chaînon de la chaîne sociale… ; il s’est séparé lui-même de la société ; ce n’est plus un homme, c’est une bête féroce dont l’existence doit être solitaire et horrible comme son caractère.
Les ressorts de la politique ne sont point entre nos mains ; il peut arriver cependant que quelques membres de la société aient de l’influence auprès des chefs de l’administration publique, des organes de la législation. Servons-nous de cette influence, messieurs, pour l’avantage de l’humanité ; il n’est jamais en opposition avec celui de l’État. Que le jeune monarque qui fait le bonheur de la France soit notre modèle : les dernières traces de la servitude féodale ont disparu devant lui, les serfs de ses domaines ont été affranchis ; la torture, ce prélude de la peine du crime, que les Romains, de qui nous tenons une partie de nos lois, n’infligeaient qu’à leurs esclaves, a été proscrite; les prisons, ces remparts de la société publique, où le crime porte les fers de la loi, ont été rendues plus saines; les chaînes du scélérat, dévoué au glaive de la justice, sont devenues plus légères ; le sang du soldat français n’est plus versé que pour la patrie et dans les champs de l’honneur, et le travail joint à l’opprobre est la peine de la désertion.
Notre jeune maître, (Louis XVI), messieurs, n’a point oublié les nègres de ses colonies, cette partie souffrante de la nation ; il s’est occupé de leur sort. Nous savons avec quelle énergie il les a recommandés aux différents administrateurs qui ont gouverné les provinces du Nouveau-Monde.
Allons, messieurs, au-devant des vues bienfaisantes du législateur ; contractons l’engagement de faire dans tous les temps, et dans toutes les circonstances, tout ce qui dépendra de nous pour rapprocher l’état des nègres esclaves de l’état des hommes régis par les lois civiles. Lorsque nous ne pourrons pas faire le bien en grand, favorisons au moins de tout notre pouvoir les affranchissements particuliers, et procurons, par tous les moyens autorisés par les lois, à nos frères qui vivent dans l’oppression et le malheur, l’exercice des droits inaliénables de l’homme et du citoyen.
Le sanctuaire du temple de la science et de l’humanité, messieurs, vient de vous être ouvert ; c’est ici que M. le comte Chastenet de Puységur, notre fondateur et président de cette loge, et à qui nous déférons par acclamation le titre de président perpétuel des loges de l’ordre de l’Harmonie qui s’établiront dans cette colonie, nous transmettra avec la doctrine de M. Mesmer l’exemple de ses vertus ; c’est en ces lieux que nous nous pénétrerons de ses lumières, et que, nous embrasant mutuellement de l’amour de l’humanité et de l’ordre, nous mériterons le titre de membres de la Société de l’Harmonie. »
À lire :
Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’isle Saint-Domingue, Paris, Dupont, 1797.
Documents sur la Société des amis des noirs, sur le site histoire_images.org