Franz Anton Mesmer (1734-1815), médecin, est le fondateur de la théorie du magnétisme animal, où mesmérisme. Nous présentons ici la notice biographique que lui ont consacré Jean-Baptiste-Modeste Gence et Charles-Marie Pillet. Ce texte a été publié dans La Vérité du magnétisme prouvée par les faits : extrait des notes et des papiers de Mme Alina D’Eldir, née dans l’Hindoustant, par un ami de la vérité, (1829). [1] Ce texte figure sur les pages 90 à 103 de l’ouvrage. Nous avons découpé les paragraphes en plusieurs sections pour faciliter la lecture à l’écran. Des liens vers les ouvrages cités ont été ajoutés.
Avertissement
Cette Notice, rédigée il y a environ dix ans [2] L’auteur écrit en 1829. , par Charles-Marie Pillet et par M. Gence, avait été destinée pour la Biographie universelle. Mais, malgré l’esprit purement historique et impartial de la Notice, elle heurtait l’opinion d’académiciens-rédacteurs influents, qui, par esprit de corps, repoussaient non-seulement la doctrine, mais aussi les faits du magnétisme. Un second article fut substitué au premier, et l’on n’eut aucun égard aux observations de M. Gence, qui demandait que l’on consignât au moins les aveux de M. de Jussieu, sur les phénomènes reconnus par ce savant. On préféra de présenter, dans la Biographie, Mesmer comme un charlatan, et le Magnétisme comme une duperie.
C’est avec la même bonne foi que l’on a rejeté, de la Biographie l’article Saint-Martin de M. Gence, pour présenter ce personnage comme un visionnaire, en s’appropriant toutefois la partie biographique, mais en y mêlant des motifs supposés, et en substituant des détails de pure imagination à ceux qui pouvaient, par une analyse exacte des faits, éclairer le lecteur.
Gence
Notice biographique
Mesmer (Antoine), médecin allemand, célèbre il a même pendant quelque par la vogue qu’il sut donner au magnétisme animal, auquel il a même pendant quelque temps attaché son nom, naquit en 1734, à Merspurg [3] Ndlr Meersburg, ville allemande du Bade-Wurtemberg. , sur les bords du lac de Constance [4] C’est par erreur que l’auteur du Conservation’s Lexicon, et d’autres biographes, ont avancé que Mesmer était Suisse. Dans sa thèse inaugurale de 1766, il prend lui-même le titre de Maris-Burgensis Acron, Suev., c’est-à-dire, natif de Merspurg en Suabe. C’est par erreur que l’auteur du Conservation’s Lexicon, et d’autres biographes, ont avancé que Mesmer était Suisse. Dans sa thèse inaugurale de 1766, il prend lui-même le titre de Maris-Burgensis Acron, Suev., c’est-à-dire, natif de Merspurg en Suabe. Dans le cours de ses études médicales, qu’il fit sous Van-Swieten et De Haen, il avait été frappé de quelques guérisons opérées par le moyen de l’aimant sur des ophthalmies, des maux de dents, etc., d’après les expériences faites en France, par Lenoble, dès 1754 : mais, portant plus loin ses vues, il soupçonna que cette puissance magnétique pourrait bien être un agent universel, répandu dans toute la nature, et qui serait le principe de l’attraction de tous les corps. Il reconnut dans l’homme la faculté d’agir sur les organes de ses semblables, par des moyens fort simples, mais dont l’efficacité dépend de la volonté de celui qui les emploie.
Les succès qu’il obtint, dit M. Deleuze, lui donnèrent une idée exagérée de sa puissance. Séduit par l’espérance d’être l’auteur d’une théorie qui expliquerait presque tous les phénomènes de la nature, et d’où résultait un genre de traitement qui devait guérir toutes les maladies, il creusa cette idée, et il en vint à se persuader que les astres exercent une action directe sur les corps animés, et particulièrement sur le système nerveux. Il donna le nom de magnétisme animal, à cette propriété du corps humain qui le rend susceptible de l’action des corps célestes, et il en fit le sujet de sa thèse inaugurale De planetarum influxu, qu’il soutint à Vienne, en mai 1766.
Il établit chez lui une maison de santé, où il traitait gratuitement les malades par le magnétisme, dans lequel il voyait un remède universel. Il multiplia ses expériences, publia dans les journaux la relation des cures qu’il avait obtenues, trouva des partisans et des contradicteurs. Témoin du bruit que faisaient en Allemagne les guérisons que Gassner opérait par la simple imposition des mains (Voy. Gassner, XVI, 539), il voulut en être spectateur, n’en contesta point la réalité, et crut pouvoir les rattacher à son système, dont elles n’étaient, selon lui, qu’un cas particulier, qui néanmoins lui fit peut-être introduire des changements notables dans sa pratique.
Retourné à Vienne, pour continuer ses expériences, il conserva les barreaux aimantés, etc., comme un puissant auxiliaire ; mais la base essentielle du traitement consista dans la magnétisation, ainsi appelée parce que le procédé employé par le magnétiseur, pour se mettre en rapport avec son malade, a quelque analogie avec celui dont on se sert pour aimanter un barreau d’acier, en passant à plusieurs reprises, et toujours dans le même sens, un aimant le long de la surface du barreau : de même le magnétiseur, placé en face du malade, lui pose les mains sur les épaules, et après une ou deux minutes, les descend le long des bras pour lui prendre les pouces, qu’il garde pareillement une ou deux minutes : on recommence ces passes cinq ou six fois, selon la susceptibilité du malade, qui doit rester absolument passif; mais une grande patience une forte volonté, une attention soutenue sont indispensables dans le magnétiseur [5] Tel est du moins le procédé généralement suivi actuellement : ceux de Mesmer tenaient à un autre système fondé sur la supposition qu’il y a des pôles dans le corps humain, et qu’on ne peut agir qu’en opposant un pôle à l’autre ; toute sa méthode se composait de procédés réguliers et coordonnés dont l’emploi exigeait une assez longue éducation. La théorie de ses pôles et de ses courants, aujourd’hui abandonnée, est développée dans les Aphorismes de M. Mesmer (publiés par Caullet de Vaumorel), Paris, 1785, in-24. .
Le rapport étant une fois établi, le médecin, par des passes du même genre, peut imprimer au fluide magnétique du malade la direction convenable à sa guérison, le faire entrer en crise, l’en rappeler, le mettre en rapport avec d’autres magnétisés, et produire divers phénomènes dont le détail serait trop long ; tout cela quelquefois par des passes exécutées à distance et sans contact immédiat. Mesmer continua de publier la relation des cures qu’il obtenait par un moyen aussi simple ; les médecins, comme on pouvait, s’y attendre, se liguèrent contre lui : il fut taxé de supercherie, et forcé de suspendre ses traitements. Le mauvais succès de la cure de Mlle Paradis (ou Paradies), aveugle dès l’âge de quatre ans (Voy. Kempelen, XXII, 286), à laquelle il avait rendu la vue, mais qui la reperdit par un, accident étranger au magnétisme, le dégoûta du séjour de Vienne ; on prétend même qu’un ordre supérieur l’obligea de quitter celle ville, eu 1777. IL vint à Paris en février 1778, se flattant d’y trouver plus facilement des prosélytes [6] Mesmer eut toute sa vie une affection particulière pour la nation et pour la langue française et même, sur la fin de ses jours, il disait que lorsqu’il avait quelque chose à écrire en allemand, il ne pouvait s’empêcher de commencer par le penser en français. .
L’attrait de la nouveauté excita en effet l’attention publique pendant quelque temps : Mesmer traita par le magnétisme, un certain nombre de malades, en guérit quelques-uns, et crut devoir donner à ses procédés un appareil imposant, et pour ainsi dire solennel. Ayant à s’essayer sur un grand nombre de malades à la fois, il leur faisait faire la chaîne, comme dans les expériences électriques, les rangeait autour d’un baquet [7] On donnait ce nom à une caisse de bois ronde, contenant du verre pilé, de la limaille de fer et des bouteilles remplies d’eau magnétisée, rangées symétriquement. Cette caisse était garnie de conducteurs mobiles, pour diriger le fluide. , ou d’un arbre magnétisé quand la saison le permettait. Il ne négligeait pas non plus le secours de la musique, et surtout de l’harmonica, pour disposer ses malades à recevoir l’action du fluide magnétique. Ses disciples ont depuis abandonné ces moyens extraordinaires qui sentaient l’ostentation, et que Delille a rappelés dans ses vers du poème de l’Imagination :
De malades plus gais une docile troupe,
De cordons entourés, et des fers sur le sien
En cercle environnaient le magique bassin, etc.
La plus grande partie du public ne voyait dans toutes ces opérations que du charlatanisme. Les savants demandaient une théorie qui expliquât l’action de ce prétendu fluide ; et malheureusement les ouvrages précédents de Mesmer, et ceux qu’il mit au jour en cette occasion, étaient loin de satisfaire les physiciens. On crut y voir une réminiscence de la philosophie corpusculaire, et des systèmes de Goclénius, de Maxwell et de Van-Helmont. Mesmer sollicita longtemps l’académie des sciences, la société royale de médecine, et d’autres corps savants, de nommer des commissaires pour examiner, non son système, mais la réalité des guérisons qu’il opérait. Les académiciens lui montrèrent, chacun en particulier, la plus grande politesse : il crut en avoir convaincu plusieurs ; mais il ne put déterminer l’académie à s’occuper du magnétisme animal dans ses séances.
Quelques médecins s’étaient pourtant déclarés en sa faveur : l’un d’entre eux, Deslon, publia, pour soutenir son système, des Observations sur le magnétisme animal, 1780, in-8. Son zèle fut mal accueilli par la faculté : il fut rayé du rôle des docteurs-régents, ainsi que ceux de ses confrères qui voulurent se mêler de magnétiser. Fatigué des contradictions qu’il éprouvait, Mesmer annonça son intention de quitter la France, et fixa le 15 avril 1781, pour le jour de son départ. Ses admirateurs s’alarmèrent, et résolurent d’employer tous les moyens pour le retenir : on intéressa la reine en sa faveur.
Cette princesse, accordant avec plaisir sa protection à un docteur de Vienne, qu’elle regardait comme son compatriote, crut servir la cause de l’humanité en travaillant à lever les obstacles que les médecins français ne mettaient, lui disait-on, à l’approbation du magnétisme, que par esprit de corps. Elle promit d’obtenir la nomination de commissaires qui feraient un rapport ; mais ces négociations durèrent longtemps. En attendant, on voulut obtenir de Mesmer la connaissance des moyens par lesquels il avait opéré tant de prodiges ; on lui proposa donc de former des élèves. Il y consentit ; mais prévoyant sans doute de nouvelles contrariétés qui lui permettraient difficilement d’exercer son état en France, il désira s’assurer une fortune indépendante : il promit d’enseigner sans réserve toute sa doctrine, à cent personnes qui lui paieraient cent louis chacune. Celte espèce de souscription fut remplie, et les disciples s’engagèrent au secret, jusqu’à ce que leur nombre fût complet : on prétend même qu’on versa entre ses mains plus de cent mille écus.
Quelques-uns de ses élèves, dès qu’ils se crurent assez instruits, se répandirent dans les provinces, et jusque dans les colonies, y élevèrent des baquets, y fondèrent des sociétés magnétiques. Deslon, le plus ancien d’entre eux, s’inquiétant peu du décret qui l’avait rayé de la faculté, avait aussi formé des disciples, sous le sceau du secret. La faculté de médecine de Turin voulut prendre connaissance de ce nouveau procédé curatif : un élève de Mesmer y vint magnétiser avec grand appareil un arbre de l’allée de Rivoli.
Doppet, élève de Deslon, et qui s’était flatté de l’honneur d’introduire le premier le magnétisme dans sa patrie (Voy. Doppet), en conçut du dépit, se prétendit dégagé du secret, et publia son Traité théorique et pratique du magnétisme animal (Turin, 1784, in-8°) ; opuscule superficiel qui mettant à découvert la mauvaise humeur de l’auteur, était plus propre à décrier la nouvelle doctrine, qu’à lui concilier des partisans : mais un revers plus funeste attendait le mesmérisme à Paris. Les rapports des commissaires parurent enfin ; il y en eut quatre : le 1er au nom de l’académie des sciences, par Franklin, Lavoisier, Bailly, Leroi et de Bory ; Franklin était malade et n’y eut que peu de part ; le 2e par Darcet, Majault, Sallin, Guillolin, au nom de la faculté de médecine ; le 3e par Poissonnier, Desperrieres, Caille, Mauduyt, Andry, au nom de la société royale de médecine. A. L. de Jussieu, qui faisait partie de cette dernière commission, et qui s’était montré le plus assidu aux traitements, refusa de signer le rapport de ses collègues, et publia le sien séparément ; ce fut le seul qui fut favorable au magnétisme : enfin un rapport secret, rédigé par quelques-uns des commissaires de l’académie des sciences, pour être mis sous les yeux du roi, présenta le nouveau genre de traitement comme dangereux pour les mœurs ; il a été imprimé pour la première fois dans le Conservateur de M. François de Neuchateau, (tom. I, p. 146).
Les trois autres rapports décidaient que le magnétisme animal n’était qu’une chimère, et que les cures magnétiques n’étaient que le résultat de l’imagination frappée de gens simples qui se prêtaient à ses manœuvres. Cette décision fut comme un coup de foudre pour Mesmer : quoiqu’il eût déjà formé plus de trois cents élèves, et Deslon cent soixante, parmi lesquels on comptait vingt-un médecins, la masse du public regarda la question comme décidée.
En vain Mesmer objecta que les commissaires n’avaient pas examiné ses traitements, mais ceux de Deslon, et qu’il désavouait ce dernier, comme s’étant séparé de lui avant d’avoir acquis une connaissance suffisante de la vraie théorie du fluide magnétique. Deslon opposa lui-même aux commissaires les contradictions de leurs rapports, et la passion qu’ils n’avaient pas cherché à dissimuler. Des hommes d’un talent distingué, et dont la bonne foi et le désintéressement ne furent jamais soupçonnés, prirent la plume en faveur du magnétisme. M. Bergasse, qui croyait lui devoir la vie, écrivît surtout avec beaucoup de chaleur ; l’avocat-général Servan, alla même établir (août 1788) un traitement magnétique à Lausanne.
On compta encore parmi les adeptes les plus zélés M. de Lafayette, l’avocat Gerbier et le fougueux parlementaire d’Eprémenil. Tous ces suffrages furent inutiles ; la décision des commissaires de l’académie passa dans le public comme chose jugée. La nouvelle découverte fut poursuivie par le ridicule : on nia les faits les mieux attestés ; on traita d’enthousiastes ceux qui les avaient vus. Mesmer et ses partisans furent joués sûr les théâtres ; les pamphlets plurent sur eux de tous côtés : la société de médecine raya de son tableau ceux de ses membres qui ne voulurent pas abjurer un moyen qu’elle avait proscrit ;
Et il n’y eut plus, dit M. Deleuze, que des hommes courageux et zélés pour le bien, qui osassent faire des observations, et se dévouer pour une cause qu’ils croyaient être celle de l’humanité. Cette proscription étant d’autant plus fâcheuse, que les effets du magnétisme étaient imparfaitement connus. Les guérisons n’étaient des preuves que pour ceux qui avaient « suivi le traitement : des convulsions, des crises, du sommeil, étaient tout ce que le public avait vu, et tout ce dont on parlait dans le rapport des sociétés savantes, comme si le magnétisme n’eût été que cela. On comparait ces crisiaques aux convulsionnaires du cimetière de S.t-Médard ». (V. Montgeron).
On fit des rapprochements entre les guérisons de Mesmer, et les prestiges de Cagliostro ; d’autres objets, les ballons, le procès du collier, etc., partagèrent l’attention publique. Enfin la révolution survint ; et Mesmer était à peu près oublié quand il quitta la France pour retourner dans son pays natal. C’est alors (1787) que se forma l’école magnétique allemande, à laquelle l’enthousiaste Lavater donna une grande impulsion, et qui compte, parmi ses membres les plus distingués, les docteurs Bicker, Olbers (plus connu comme astronome), Wienhold de Brème, Bocmann et Gmelin de Strasbourg. Le savant Hufeland dit qu’il est honorable pour l’Allemagne d’avoir rejeté le magnétisme, lorsqu’il commençait à dégénérer en jonglerie, et de l’avoir accueilli, lorsqu’après la découverte du somnambulisme, il pouvait mériter l’attention d’un philosophe [8] Gemeinnützige Aufs. p. 499. — Klugge, Versuch einer Darstellung, etc., pag. 76, édit, de 1811. . Mesmer se retira bientôt à Frauenfeld, dans la Turgovie, et continua d’y traiter gratis un grand nombre de malades. Le docteur Egg (d’Ellikou), qui l’y visita en 1804, le dépeint comme un homme bien fait, d’une forte constitution, et tenant une bonne table, mais d’un amour-propre sans bornes, gardant toujours avec ses malades cet air sérieux et imposant dont il avait contracté l’habitude ; ne parlant des autres qu’avec dédain, ne dissimulant point son indignation contre les médecins qui repoussaient sa doctrine, et se plaignant même des magnétiseurs qui ne le comprenaient pas. Il improuvait la saignée, et prétendait que sa vie avait été abrégée au moins de dix ans, parce qu’on l’avait saigné une fois dans sa jeunesse. Son tempérament était vif et même violent [9] Mémoire du doct. Egg, lu à la société de médecine de Zurich, le 30 oct. 1820 ; voyez- en l’extrait dans le Morgenblatt de Stuttgard, nov. 1820, n° 283 et 284. .
Des médecins qui l’ont beaucoup connu pendant son séjour en France, attestent qu’il avait une pénétration et une sagacité remarquables pour la médecine ordinaire, quand il la jugeait propre à seconder le magnétisme : mais il ne regardait les remèdes que comme un accessoire dont on pouvait souvent se passer. On voit par les journaux allemands que Mesmer habitait encore Frauenfeld en 1800[10] Notice sur la vie et le séjour actuel de Mesmer (dans le Journal de médecine pratique d’Hufeland, t. 28., 4e part., p. 123. — Gazette littér. univ. de Jéna, 1810, Intell. Blatt, n°. 6. , et qu’il mourut dans sa ville natale, le 6 mars 1815. [11] Mémoire du doct. Egg, cité not. 5. . Les événements dont la France était alors le théâtre, et par suite desquels toute l’Europe fut en armes peu de mois après, expliquent suffisamment le profond silence que tous les journaux gardèrent sur la mort d’un homme dont le nom, trente ans auparavant, occupait toutes les bouches de la renommée.
Le mesmérisme ne mourut pas avec son auteur : malgré sa proscription en France, il continuait d’y être pratiqué dans l’ombre, et y avait même reçu des améliorations considérables, et, pour ainsi dire, une forme nouvelle, par l’introduction du somnambulisme, phénomène que le hasard fit découvrir à M. de Puységur, en 1783 [12] Ndlr. On date généralement que cette découverte de juin 1784 (exp. avec Victor Race. . Sous la direction de ce zélé magnétiseur et de ses deux frères, se formèrent à Strasbourg, à Metz, à Bayonne et dans un grand nombre d’autres villes, des associations appelées Sociétés de l’harmonie [13] On en comptait plus de trente en France, outre celles de Turin et de Malte, et autant dans les colonies. La société-mère pour ces dernières était au Cap français. , qui établirent des traitements plus ou moins publics.
Celle de Strasbourg était, en 1789 [14] N.d.l. nous corrigeons ici une coquille d’imprimerie en écrivant 1689. , composée de cent quatre- vingt-huit membres, presque tous distingués par leur état et par leurs lumières, et dont plusieurs étaient des médecins très-connus. Ces réunions furent dissoutes en 1792, par la Révolution. Sous le rapport de la doctrine, on comptait trois écoles : celle de Mesmer, fondée sur un système analogue à celui d’Épicure, tel que l’a chanté Lucrèce, paraît chaque jour perdre de ses partisans. L’école de M. de Puységur, uniquement établie sur l’observation, semble au contraire prévaloir assez généralement sur la troisième, celle des Spiritualistes, qui dans un temps eut beaucoup de sectateurs à Lyon, en Prusse, en Allemagne, et jusqu’en Suède où elle paraissait se rattacher à la doctrine de Swedenborg.
Depuis quelques années, dit M. Virey [15] Dictionnaire des sciences médicales, 1818, in-8°., t.XXIX, p. 505. , le magnétisme a même acquis une très-grande faveur en Allemagne, et surtout en Prusse : des médecins célèbres, Hufeland, Klugge, Sprengel, Treviranns, Marcard, Wienhold, etc. se sont déclarés en sa faveur, ainsi que MM. Heym et Formey. Le roi de Prusse a rendu une ordonnance par laquelle la pratique du magnétisme ne devait être permise qu’aux médecins, ou du moins devait être dirigée par eux. Il s’est établi à Berlin une clinique magnétique ou maison de santé, contenant cent lits, pour exercer et suivre le traitement des personnes qui désirent s’y soumettre. Cet institut est dirigé par le docteur Wolfarth, qui se sert de baquets comme Mesmer, avec des conducteurs en acier. »
Plusieurs souverains du nord ont autorisé, en 1817, des médecins à s’instruire de la pratique du magnétisme sous M. Wolfarth. En Autriche elle a été successivement permise, défendue et tolérée par le gouvernement : il paraît qu’elle a eu peu de sectateurs en Angleterre. Mais en Russie, en Suède, et dans plusieurs villes de Hollande et d’Allemagne, elle est fréquemment employée sous la direction des médecins. En France le zèle inépuisable et désintéressé de MM. de Puységur, et de leurs imitateurs, lui concilie tous les jours quelques partisans.
Les traitements que l’abbé Faria donnait en spectacle au public avec une ostentation qui semblait n’être pas exempte de jonglerie, ont dû multiplier le nombre des incrédules ; néanmoins les cours publics que le docteur Bertrand a commencés sur cette matière en novembre et décembre 1820, ont excité quelque attention : si l’on en croit des journalistes, il n’est pas possible de défendre avec plus d’esprit une cause que l’on croyait désespérée
Sera-t-il aussi heureux que ceux qui, dans l’origine, se déclarèrent en faveur de l’usage de l’antimoine et de la doctrine de la circulation du sang, malgré la résistance de la faculté ? C’est ce que le temps nous apprendra. Les bornes d’un article biographique ne nous permettent pas d’exposer ici les phénomènes du somnambulisme magnétique dans lequel les médecins les plus anti-magnétistes ne peuvent s’empêcher de reconnaître un état singulier [16] Dictionnaire clés sciences médicales, t. XLVIII, pag. 297, art. Rêve. : on les trouve décrits dans divers ouvrages parmi lesquels nous citerons, les Éléments du magnétisme animal, par M. de Lausanne, Paris, 1818, in-8.° de 56 pag. : manuel fort bien fait, et qui peut suffire à ceux qui veulent se borner à. connaître la pratique et l’emploi de ce traitement ; — Du Magnétisme animal, par A. M. J. Ch. De Puységur, Paris, 1807, in-8°, ouvrage curieux, mais dans lequel l’enthousiasme de l’auteur se laisse trop apercevoir : ou y trouve (pag. 387-896), une lettre, jusqu’alors inédite, du P. Amiot, qui voit le fluide universel de Mesmer dans le Tay-ki des chinois, et cite un traitement opéré à la Chine, il y a au moins dix siècles, et précisément dans le genre de la pratique des magnétiseurs actuels ; — enfin l’Histoire critique du magnétisme animal, par J. P. F. Deleuze, Paris, 1813, 2 part., in-8°, réimprimé en 1819 : c’est le meilleur livre et le plus instructif qui ait été publié sur cette matière. Dans la deuxième partie, on trouve nue Notice raisonnée et rédigée avec une rare impartialité, des principaux ouvrages (au nombre d’environ 60), qui ont paru sur le même sujet.
Dès 1788, M. Usteri avait publié un Specimen bibliothecae criticae magnetismi sic dicti animalis, Gottingue, 1788, in-8°, de 30 p. ; et le savant bibliographe F. G. A. Murhard en a donné une liste bien plus complète dans son Versuch einer historisch-chronologischer Bibliographie des magnetismus, Cassel, 1797, in-8°, de 166 pag., offrant par ordre chronologique 697 ouvrages, dont 275 sont relatifs au magnétisme animal. Pour connaître ceux qui ont été imprimés depuis cette époque, on peut consulter une bibliographie assez étendue, contenant 173 articles, insérée en juillet1814, dans le n.° 1er (pag. 36-48) des Annales du magnétisme, ouvrage périodique, rédigé par M. de Lausanne, dont le n° 30 a paru en mars 1816, et qui a été continué depuis juillet de la même année, sous le titre de Bibliothèque du magnétisme animal ; par les membres de la société, etc.
Dès 1797, Mouilleseaux avait déjà publié, sous le titre d‘Appel au public, etc., le prospectus d’un journal spécial sur cette matière. Les Allemands, en ont plusieurs qui lui sont consacrés exclusivement. Ceux de Kieser et de Wolfarth sont les plus estimés, et se continuent encore. En France deux auteurs bien connus n’ont pas dédaigné d’emprunter le cadre d’un roman, pour gagner quelques partisans à ce système. Le Magnétiseur amoureux (par Charles Villiers), Genève, 1787, in-12, est à la fois, dit M. Deleuze, un livre de métaphysique fort ingénieux, et l’un des meilleurs traités que nous ayons sur le magnétisme. Le roman de M. Pigault-Lebran, intitulé, Encore du magnétisme, publié en 1817, est aussi d’un auteur sincèrement convaincu. Il nous reste à donner la liste des ouvrages de Mesmer ; outre sa thèse inaugurale, citée plus haut, et quelques opuscules en allemand, publiés à Vienne, on a de lui :
- Réponse de M. Mesmer à ceux qui l’ont consulté sur la cause magnétique (dans le Journal Encyclop., 1er juin 1776 ).
- Mémoire sur la découverte du magnétisme animal, Paris, 1779, in-12.
- Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal, jusqu’en avril 1781, Londres, 1781, in-8.
- Histoire abrégée du magnétisme animal, Paris, 1783, in-8° [17] Ce livre, indiqué par Murhard, nos 440 et 441, n’est point cité par M. Deleuze : ce qui donne lieu de croire qu’il pourrait bien être d’un pseudonyme. .
- Requête au parlement, pour obtenir un examen plus impartial que celui des commissaires, 25 oct. 1784.
- Des Lettres à Vicq d’Azyr et autres, insérées dans divers journaux, et réimprimées dans le Recueil des pièces les plus intéressantes sur le magnétisme animal, 1784J in-8°.
- Mémoire de F. A. Mesmer sur ses découvertes, Paris, an VII (1799), in-8.°, c’est le plus remarquable des écrits que Mesmer a publiés en français.
- Lettre de F. A. Mesmer au C. Baudin, capitaine de vaisseau, sur des recherches à faire au sujet d’un moyen préservatif de la petite vérole, et lettre justificative du même, aux auteurs du Journal de Paris, ib., an VIII (1800), in- 8°
- Mesmerismus, etc., ou système du magnétisme animal (en allemand), Berlin, Nicolai, 1815, 2 vol. in-8°, fig., publié par Wolfarth, avec des éclaircissements de l’éditeur : ouvrage profond, mais encore peu connu en France. Mesmer avait encore écrit une Cosmogonie et le plan d’un gouvernement républicain, ouvrages considérables, dont il confia le manuscrit à quelques-uns de ses amis à Paris, pour en retoucher le style, et qu’il comptait dédier au duc de Bade : on sent que les circonstances politiques ne permirent pas cette publication. La brochure intitulée Mesmer justifié, 1784., in-8° de 46 pag., est une satire qui eut beaucoup de succès dans le temps, parce que l’auteur a l’air d’y exposer de bonne foi la théorie et les procédés du magnétisme.
M. Pillet et J. B. M. Gence
En savoir plus sur le Mesmérisme et le magnétisme animal
Site Harmonia universalis : base de données prosopographique réunissant des données sur les acteurs du mouvement mesmériste à la fin du XVIIIe siècle. Responsables: Bruno Belhoste (IHMC) et David Armando (ISPF). Projet du LabEx Hastec, avec la participation de l’IHMC (UMR 8066), du Centre Koyré (UMR 8560), du CARE (CRH UMR 8558) de l’ISPF (CNR), de C.R.I.S.E.S. (EA 4424) et du LAHRHA (UMR 5190). Réalisation: Victor Chahuneau et Lithium Network.
Notes :