Voici un ouvrage qui ne manquera pas de retenir l’attention de nos lecteurs. Précisons d’emblée que malgré la qualité générale de son contenu, il pose un certain nombre de problèmes quant à sa méthodologie et ses prises de position.
Présentation de l’éditeur
Le Martinisme, héritier de l’antique tradition judéo-chrétienne, puise sa source dans la vie et l’œuvre de Louis-Claude de Saint-Martin, le « Philosophe Inconnu ». Avec ce livre, Rudolph Berrouët se propose d’apporter une synthèse de ce courant particulier de la Tradition occidentale. À cet effet, il pose des jalons permettant au lecteur de mieux comprendre cette Tradition, ainsi que les écrits laissés par Louis-Claude de Saint-Martin.
Ces préliminaires indispensables posés, l’auteur se penche sur la notion de nombre dans le Martinisme, notion qu’il distingue de celle prévalant dans d’autres traditions, en particulier la Kabbale. Après avoir explicité comment les nombres s’inscrivent dans la cosmogonie martiniste, il montre ensuite en quoi les nombres, dans la tradition martiniste, sont un instrument permettant de comprendre les liens reliant le visible et l’invisible, et de percevoir la beauté, l’harmonie et la perfection de la Création.
Auteur : Rudolph Berrouët
Editeur : Diffusion Rosicrucienne
Parution : 15/02/2018
Nb pages : 234 pages
ISBN : 978-2-37191-067-6
Analyse du livre
Voici un ouvrage qui ne manquera pas de retenir l’attention de nos lecteurs. Précisons d’emblée que malgré la qualité générale de son contenu, il pose un certain nombre de problèmes quant à sa méthodologie. Par exemple, à aucun moment, même dans son « Avant-propos », l’auteur ne situe dans l’histoire les auteurs et les textes qui forment la matière de son étude. Il estime probablement que ses lecteurs connaissent Louis-Claude de Saint-Martin, Martinès de Pasqually, Jean-Baptiste Willermoz, les liens qui les unissent et le contexte initiatique dans lequel ils s’inscrivent. Comme son titre l’indique, l’objet de cet ouvrage est d’expliquer le martinisme « par les nombres ». Il aurait donc été utile de commencer par définir ce qu’est le martinisme. Sur ce point, l’auteur se contente de le situer comme étant « le digne héritier de l’antique tradition judéo-chrétienne » (p. 12), notion beaucoup trop imprécise. Rappelons que le martinisme s’inscrit dans un courant de pensée très précis, la théosophie chrétienne. Cette dernière débute au XVIIe siècle avec Jacob Boehme, pour prendre fin au XIXe siècle avec Franz von Baader. Soulignons que le martinisme ne puise pas sa source chez Louis-Claude de Saint-Martin, mais chez Martinès de Pasqually, dont le Philosophe inconnu fut l’un des élèves. Ajoutons que si le martinisme appartient à la mouvance théosophique, il n’en est pas l’unique « héritier ».
L’utilisation de la symbolique des nombres n’est pas spécifique au martinisme, elle repose sur une longue tradition. Pour se limiter au domaine du christianisme, soulignons qu’elle est déjà présente chez saint Augustin. Sans entrer dans trop de détails, il aurait été intéressant d’en dire quelques mots, car l’arithmosophie martiniste reprend nombre de thèmes qui s’enracinent dans l’exégèse chrétienne. (Sur ce point, voir l’étude de Jean-Pierre Brach, La symbolique des nombres, « Que sais-je ? », Presses Universitaires de France, 1994 ; Il simbolismo dei numeri, Edizioni Arkeios, 2012 et « Number Symbolism », Dictionary of Gnosis and Western Esotericism, Leiden-Boston : Brill, 2005, t. II, p. 874-882, .). Dans le même ordre d’idées, il aurait été intéressant que l’auteur fasse référence aux travaux de ceux qui l’ont précédé dans l’étude de la symbolique numérique martiniste, d’abord à la première étude consacrée à ce thème, celle d’Arthur Edward Waite (« The mystical Philosophy of Numbers » dans The life of Louis Claude de Saint-Martin, the unknown philosopher – 1901, VII, p. 379-413.), et aux travaux de Robert Amadou et de Nicole Jacques-Lefèvre. Ces derniers méritaient d’être mentionnés, ne serait-ce que pour souligner l’originalité que l’auteur se propose d’apporter.
Après ces éléments relatifs à la méthodologie et à la thématique de l’ouvrage, abordons son contenu. Comme le souligne très justement Rudoph Berrouët, l’arithmosophie martiniste est étroitement liée à la doctrine de Martinès de Pasqually, à sa vision du monde. Cette doctrine est fondée sur une cosmogonie spécifique que l’auteur nous présente dans le premier chapitre de son ouvrage, « Émanations, émancipations, prévarications, réconciliation et réintégration ». Il l’expose en prenant pour base son texte de référence, le Traité sur la réintégration des êtres de Martinès de Pasqually, qu’il complète ou corrige par d’autres textes du corpus martiniste. Cette démarche est intéressante mais possède aussi ses limites. En effet, l’auteur fait appel aux Cahiers d’instructions de Jean-Baptiste Willermoz (D1 à D9), certes fort intéressants, mais qui présentent parfois une interprétation très spécifique de la doctrine de Martinès de Pasqually. Parmi ces interprétations figure la notion d’« émancipation », dont Willermoz expose sa vision personnelle dans l’un de son Cahiers D 6. En adoptant ces idées, l’auteur est conduit à considérer qu’il existe une « faille » dans la cosmogonie martiniste. Il se propose de la résoudre en introduisant un concept nouveau, celui de « double émancipation » (p. 19).
Rudoph Berrouët aurait pu faire abstraction de cette position spécifique qui ne cadre pas exactement avec la doctrine de Martinès de Pasqually (la notion d’émancipation est en effet clairement définie dans le Traité, par exemple aux § 99 et 237 – éd. Diffusion Rosicrucienne). Il suit également d’autres positions adoptées par Willermoz pour mieux faire cadrer la doctrine martiniste avec celle du christianisme. Il reprend par exemple sa relecture du concept de quatriple essence en Trinité divine en reproduisant un extrait du Cahier D 9. L’auteur reprend encore d’autre adaptations de Willermoz comme celle qui le conduit à faire de Lucifer le chef des archanges mauvais, ce que ne précisent ni Martinès de Pasqually ni Saint-Martin, et à attribuer la responsabilité de la chute à une classe spécifiques d’êtres spirituels (Cahier D 7).
Ces prises de position sont d’autant plus regrettables qu’elles figurent dans le chapitre censé présenter le « récit » de la cosmogonie martiniste. Des notes en bas de page auraient suffi à justifier ces choix, hélas l’auteur n’en fait pas usage dans ce chapitre, même lorsqu’il paraphrase ou recopie à de nombreuses reprises des extraits des cahiers de Willermoz sans en avertir son lecteur (ex. : le deuxième paragraphe de la page 22, qui reprend des passages du Cahier D 6 ; fin des pages 32 et début 33, Cahier D 9 etc.).
La suite de l’ouvrage aborde l’étude des « dix pages du livre de l’homme », l’allégorie utilisée par Louis-Claude de Saint-Martin dans Des erreurs et de la vérité pour exposer de manière voilée la doctrine de Martinès de Pasqually. Rudoph Berrouët s’attarde longuement sur cette symbolique. Malgré leur coloration willermozienne, ses éclaircissements permettent au lecteur d’entrer au cœur de l’arithmosophie martinisme. L’auteur s’appuie sur de nombreuses citations extraites du Traité sur la réintégration, des ouvrages de Louis-Claude de Saint-Martin, des Conférences de Lyon, et des Cahiers de Willermoz, pour présenter chacune des dix pages. Cette partie de l’ouvrage est probablement la plus intéressante de son livre.
Ajoutons que Rudoph Berrouët a eu l’excellente idée de compléter son ouvrage par un « petit glossaire martiniste » qui offre une sorte de dictionnaire des termes propres à la doctrine martiniste, tels qu’âme impassive ; axe feu central incrée ; cause active et intelligente ; essences spiritueuses ; forme impassive ; intellect ; pâtiment, etc. Cet outil sera précieux pour tous ceux qui souhaitent approfondir l’étude du Traité sur la réintégration des êtres, les œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin ou la doctrine du Régime écossais rectifié. En complément de ce glossaire, l’ouvrage propose des tableaux qui synthétisent les données propres à chaque nombre. Nous ne saurions donc trop encourager ceux qui s’intéressent à ces sujets à se procurer cet ouvrage qui, il faut le souligner, est le premier à proposer une étude aussi complète sur l’arithmosophie martiniste.
Sommaire
Avant-propos
Émanations, émancipations, prévarications, réconciliation et réintégration
- L’émanation des êtres spirituels
- Première émancipation
- Première prévarication
- Première chute
- La création universelle – Seconde émancipation – Émanation d’Adam
- Seconde prévarication et chute d’Adam – (seconde chute)
- Esprits mauvais ou prévaricateurs et esprits majeurs bons
- L’aide de la Providence
- Les vertus essentielles à l’homme
- Le mineur, coën en devenir
- La réconciliation
- La réintégration
- Le Tableau universel
Introduction au concept du nombre selon la tradition martiniste
- L’étude des nombres dans le martinisme
- Région divine, région spirituelle, région naturelle
- Origine des nombres selon le martinisme
- Définition des nombres
- Explication des nombres
- Pensée – Nombre – Parole
- Nombre, mesure et poids
- Loi-précepte-commandement/Propriété-vertu-puissance
- Principaux types de nombres
- Les dix pages du Livre de l’homme
Les dix pages du Livre de l’homme dans leur application à l’homme
- La cause active et intelligente
- Première page
- Deuxième page
- Troisième page
- Quatrième page
- Cinquième page
- Sixième page
- Septième page
- Huitième page
- Neuvième page
- Dixième page
Les dix pages du Livre de l’homme dans leur application macrocosmique
- Première page
- Deuxième page
- Troisième page
- Quatrième page
- Cinquième page
- Sixième page
- Septième page
- Huitième page
- Neuvième page
- Dixième page
Tableaux synthétiques
Introduction à l’arithmosophie martiniste
- Définition
- Calcul conventionnel, calcul vrai et spirituel
- Addition théosophique, réduction théosophique
- Multiplication et addition, quarré et cube
- Puissances première, deuxième et troisième des nombres
- Conclusion
Quelques exercices d’interprétation de texte et d’arithmosophie martiniste
- Extraits d’écrits de L.-C.de Saint-Martin
- Éléments d’interprétation suggérés