Présentation de l’éditeur :
« Cet ouvrage et sa préface ont été revus et largement augmentés (une centaine de pages) depuis l’édition parue aux éditions Rafaël de Surtis en 2008.
Comment ne pas être frappé par la permanence de l’expérience révélée par le rituel martiniste ? Qu’est-ce qui habite ainsi les temples martinistes et que l’on ne retrouve ni en Franc-maçonnerie, ni dans l’Ordre des Élus Coëns ? Ne s’agit-il pas de cette dimension du Cœur, spécifique à cette voie que Papus a, le premier, qualifiée de cardiaque ?
Rémi Boyer, dans cette réédition largement revue et augmentée, propose de chercher dans les symboles propres au Martinisme ce qui caractérise cet axe cardiaque. Il s’agit, pour lui, de montrer comment ce rituel véhicule un puissant pressentiment de la liberté de notre nature originelle. Le rituel dont il est question est dit des « initiés de Saint Martin ». Il est celui que Robert Ambelain remit en usage pendant la IIe Guerre mondiale.
Les ordres martinistes constituent un mouvement vivant et influent porteur des principes et symboles de l’illuminisme. Ce sera cette expression de ce courant complexe et riche appelé « martinisme » que l’auteur vous invite à traverser, d’une manière inhabituelle pour certains, afin d’identifier en quoi le il peut véhiculer une voie d’éveil. »
Titre : Le Martinisme comme voie d’éveil – Masque Manteau Silence
Auteur : Rémi Boyer
Editeur : La Tarente
Collection : « Fragments Martinistes »
Nb pages : 240 p.
ISBN : 9782916280301
Note de lecture
Nous ne contesterons pas à l’auteur de cette étude de voir dans le martinisme une voie de réalisation. Il apporte sur ce point des réflexions intéressantes qui retiendront l’attention de beaucoup de lecteurs. On peut cependant s’interroger sur certains des arguments utilisés par Rémi Boyer. Il fonde, en effet, une partie de sa démonstration sur le commentaire d’un rituel dit de « Saint-Martin du XVIIIe siècle » utilisé par Robert Ambelain. Le choix de ce rituel, autant que la référence à Robert Ambelain, posent plusieurs problèmes importants sur lesquels nous concentrerons nos remarques.
Certes, l’auteur de ce livre sait parfaitement que Louis-Claude de Saint-Martin est tout à fait étranger à ce rituel, mais il aurait été utile de le préciser plus clairement. En outre, le rituel faisant l’objet de commentaires n’a pas « été remis en usage au cours du deuxième conflit mondial » (p. 31), mais créé plus tard par Robert Ambelain, à partir de ceux utilisés dans l’Ordre Martiniste Traditionnel, notamment au sein du Groupe » dans lequel il a été initié. Il a, en effet, reçu le premier grade martiniste de Georges Lagrèze, assisté d’Henry Meslin et de Jean Chaboseau, et les deux suivants d’Henry Meslin, en 1941.
Observons, de plus, que jamais l’Ordre Martiniste Traditionnel n’a utilisé un rituel de transmission des trois grades en une seule cérémonie, même au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, soit entre 1939 et 1945, et jusqu’en 1947, il utilisait deux formes de rituels : l’une pour les « Groupes mineurs » et l’autre pour les « Groupes majeurs », la différence entre les deux dépendant en partie de la configuration du lieu où était donnée l’initiation. Si la loge était un local doté d’un décorum complet, la forme majeure du rituel était utilisée, tandis que, dans le cas contraire, on utilisait celui des « Groupes mineurs ». Notons aussi que le rituel pour « Groupes majeurs » était assez différent de celui pour « Groupes mineurs », dans la mesure où il empruntait quelques éléments à la symbolique des Élus-coëns.
Robert Ambelain a adapté une partie du « rituel mineur » en y agrégeant des éléments de son propre cru, oubliant au passage des éléments essentiels de l’initiation martiniste telle qu’elle se pratiquait depuis la création de l’Ordre Martiniste par Papus et Chaboseau. Rappelons que cette initiation est basée sur trois symboles essentiels : la hiérarchie de la lumière, le masque, et le manteau. Plus tard, lorsque l’Ordre Martiniste se réorganisera après la guerre de 1914-1918 sous le nom d’Ordre Martiniste Traditionnel (O.M.T.), avec Victor-Émile Michelet pour grand maître, un autre symbole sera ajouté à l’initiation martiniste : la cordelière. Par la suite, cet élément sera adopté par la plupart des Ordres martinistes. Il est d’ailleurs présent dans le rituel de Robert Ambelain.
Outre l’apport de la cordelière dans la cérémonie de réception martiniste, l’O.M.T. a ajouté une phrase pour le moins maladroite dans la partie qui ouvre le rituel. Cette dernière laisse entendre au candidat qu’on va lui conférer « l’initiation traditionnelle selon notre Maître Louis-Claude de Saint-Martin » (p. 34), telle qu’elle s’est perpétuée depuis plus de 200 ans ! Papus n’aurait probablement pas osé aller jusque-là… Robert Ambelain reprend cette affirmation introduite à l’époque de Victor-Émile Michelet.
Rencontrons-nous dans ce rituel, comme l’affirme l’auteur de cette étude, « les symboles fondamentaux constitutifs du martinisme et de l’esprit illuministe hérité de Louis-Claude de Saint-Martin (p. 32) » ? Mais qu’entend-il par l’expression « esprit illuministe » ? L’auteur ne le précise pas. Il nous faudrait revêtir un masque particulièrement adapté, et une certaine dose d’imagination, pour trouver « les symboles fondamentaux constitutif » du martinisme et cet « esprit illuministe » dans le rituel de Robert Ambelain. Certes, Rémi Boyer n’est pas dupe de la distance qui sépare le martinisme du XVIIIe siècle du martinisme moderne. Rappelons qu’il a dirigé une revue importante, L’Esprit des Choses, dans laquelle il a publié entre 1991 et 2002 nombre de documents fondamentaux pour comprendre l’histoire du martinisme. Il argumente pourtant son étude en établissant de fréquents parallèles entre les écrits du Philosophe inconnu et les aspects symboliques du rituel d’Ambelain. L’entreprise est non seulement périlleuse, mais de nature aussi à induire une confusion, notamment lorsque l’auteur présente une série de « Propositions martinistes » qu’il donne comme étant extraites d’ouvrages de Saint-Martin (Des erreurs et de la vérité ; Le Ministère de l’homme-esprit ; L’Homme de désir, etc.), alors qu’elles ne sont, en fait, que de libres reformulations de phrases contenues dans ceux-ci, reformulations parfois assorties, en outre, d’un vocabulaire qui n’est pas celui du Philosophe inconnu (p. 47-52). L’exercice est intéressant certes, mais ô combien tendancieux.
Il n’est certes pas interdit de chercher à découvrir des liens entre la symbolique de l’initiation martiniste-papusienne et les écrits de Saint-Martin, mais c’est surtout du côté de Fabre d’Olivet qu’il conviendrait de regarder, au moins pour ce qui concerne la partie majeure de l’initiation, celle qui concerne la hiérarchie de la lumière (ternaire « Providence – Volonté – Destin »), symbole fondamental, hélas absent du rituel de Robert Ambelain.
Pour aborder la symbolique martiniste, il aurait été plus sage de s’en tenir au rituel de Papus, plutôt que d’en référer à ce pseudo-rituel de Saint-Martin. Les sources auxquelles se rattache le rituel de Papus sont suffisamment riches, et le martinisme moderne n’a pas à en rougir. Point n’est besoin de se perdre dans l’évocation d’une hypothétique filiation avec Saint-Martin, à laquelle, au demeurant, Papus n’attachait probablement pas le sens que nous lui donnons aujourd’hui. On éviterait ainsi d’entretenir le cercle des « compagnons de la cacophonie », et on rendrait du même coup hommage à Papus, tout en respectant la mémoire de Louis-Claude de Saint-Martin, lequel n’a jamais créé aucun Ordre, et dont il est évident que la marque doctrinale est absente des rituels de Papus.
On mesurera la distance qui sépare le martinisme papusien de celui de Saint-Martin en rappelant que Papus présentait le martinisme comme une « voie cardiaque ». Or, on oublie souvent que ce qu’il désignait ainsi était la « voie théurgique », une forme rituelle que le Philosophe inconnu avait rejetée.
Ajoutons un dernier mot au sujet de Robert Ambelain, ici présenté comme une référence martiniste obligée. Ce choix est-il vraiment judicieux, dès lors que ce dernier a rejeté en 1968 la filiation martiniste sur laquelle est fondé ce rituel ? (Cf. la « Rectification » de juin 1968). Certes, on ne saurait lui reprocher de s’être sans cesse interrogé sur l’existence réelle d’une filiation martiniste authentique, mais il a emprunté dans ce domaine des voies parfois fantaisistes. Pensons, par exemple, à cette pseudo-filiation martiniste russe à laquelle même Robert Amadou ne croyait pas. Quant à la position qu’il exprime à propos du christianisme dans son ouvrage Jésus et le mortel secret des templiers, elle est, selon toute évidence, incompatible avec la théosophie martiniste, quelle qu’en soit la forme (Martinisme, Rite Ecossais Rectifié…).
S’il est évident aussi que le martinisme peut être une voie de réalisation, c’est dans la mesure où l’on accepte de le regarder pour ce qu’il est et non pour ce qu’on voudrait qu’il soit ; il ne semble donc guère utile de chercher à y superposer des filiations gnostiques, apostoliques, ou kabbalistiques : elles ne font souvent qu’égarer ceux qui, à la suite de Papus, souhaitent se placer sous les auspices d’un mystérieux Philosophe inconnu – lequel paraît lui-même bien éloigné de Louis-Claude de Saint-Martin.
Sommaire
- Préface de Serge Caillet
- Introduction
- Le rituel martiniste
- Rituel des Initiés de Saint-Martin
- Les propositions martinistes
- Saint-Martin non-dualiste
- Commentaire du rituel
- L’initiateur Libre
- Charte pour le XXIe siècle des Ordres martinistes
- Trois portes étroites.
- De la Réintégration selon le Régime Ecossais Rectifié
- Martinisme et Églises gnostiques
- Charte pour le XXIe siècle des Églises gnostiques
- De la Gnose
- De la Grâce
- Annexes
I – Exercices spirituels pour les Ours et les Chevaliers
II – Armand Toussaint, un homme hors du torrent
III – Martinisme et modernité
IV – Hymne aux Saints Inconnus
Bibliographie saint-martinienne