« C’est à l’ouvrage d’Abbadie, intitulé L’Art de se connaître, que je dois mon détachement des choses de ce monde. Je le lisais dans mon enfance au collège de Pontlevoy, avec délices et il me semblait que même alors je l’entendais : ce qui ne doit pas infiniment surprendre, puisque c’est plutôt un ouvrage de sentiment que de profondeur de réflexion. »
L.-C. de Saint-Martin, Mon portrait, n° 418.
Jacques Abbadie, né à Nay, dans le Béarn, en 1654 et mort près de Londres en 1727, est un grand nom de la théologie protestante française. Théologien et prédicateur réputé, il s’inscrit dans la tradition des moralistes français du xvii e siècle. Son œuvre rassemble les thèmes de l’apologétique classique et la plupart des controverses religieuses de son temps.
Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages dont le plus connu est le Traité de la religion chrétienne (1684). Il compléta ce livre en 1689 avec le Traité de la divinité de Jésus-Christ, qui en forme la troisième partie. Cette œuvre connut de nombreuses éditions et suscita nombre d’éloges parmi les chrétiens, qu’ils soient protestants ou catholiques. Mme de Sévigné était une lectrice enthousiaste de ce traité et admirait son auteur. Elle écrivit à Bussi-Rabutin : « C’est le plus divin de tous les livres », et celui-ci lui répondit : « Il n’y a que ce livre-là à lire au monde. »
Jacques Abbadie publie L’Art de se connaître soi-même ou la recherche des sources de la morale en 1692. Traduit et réimprimé maintes fois jusqu’en 1865, ce livre fut attaqué par François Lamy mais défendu par Malebranche dans son Traité de l’amour de Dieu. Il influença le rédacteur de l’article « Amour » deL’Encyclopédie, qui résume les chapitres VI à VIII, à propos de la distinction entre l’amour-propre et de l’amour de soi.
Le chanoine Lacoste en fait la quatrième partie du Traité de la vérité de la religion chrétienne en son édition de 1826. Selon Abbadie, seule la religion chrétienne sait rapporter l’amour de soi et d’autrui à sa source pour lui trouver sa véritable finalité. Cependant, outre sa signification apologétique, la portée psychologique de l’ouvrage est incontestable par l’analyse approfondie des fantasmes de l’intérêt et des pièges de l’inconscient. L’auteur dénonce, en ce siècle de gloire, la volupté et surtout l’orgueil, usurpation de ce qui n’appartient qu’à Dieu, et retrouve, dans la critique des mondains, des thèmes et accents pascaliens.
Saint-Martin lut L’Art de se connaître soi-même alors qu’il était encore au collège de Pontlevoy. Comme l’indique Jacques Matter, « cette lecture l’initia à cet ensemble d’études de soi et de méditations sur le divin type de toutes les perfections qui devint le grand objet de sa vie » ( Saint-Martin le Philosophe inconnu , chap. I ).
Lire un extrait de : L’art de se connaître soi-même
Textes en ligne
- L’Art de se connaître soi-même (éd. 1763, sur Google livres)
- Les Droits de Dieu, de la nature et des gens (éd. 1775, sur Google livres)
- Traité de la divinité de Notre Seigneur Jésus Christ, (éd. 1719, sur Google livres)
- Traité de la vérité de la religion chrétienne (éd. 1763, sur Google livres)
A propos de Jacques Abbadie
- Notice biographique, Biographie universelle (Michaud) ancienne et moderne (éd. 1854 t. 1, sur Google livres) Niceron Jean-Pierre, Mémoires pour servir à l’histoire des hommes illustres dans la république... Biographie et catalogue des oeuvres d’Abbadie l’auteur (éd. 1736, sur Google livres)
- Picot, Michel-Pierre-Joseph, Mémoires pour servir a l’histoire ecclésiastique, pendant le dix-huitième siecle. Cet ouvrage propose une courte biographie d’Abbadie. (éd. 1816, sur Google livres.