Sommaire
Présentation de l’éditeur
« Dès mon entrée dans l’Ordre, écrivait Jean-Baptiste Willermoz, je fus persuadé que la Maçonnerie voilait des vérités rares et importantes ; cette opinion devint une boussole. Cependant, elle était tombée, en France comme ailleurs, dans l’anarchie et le plus grand discrédit. »
Ce constat et cette boussole ne cesseront de guider le soyeux lyonnais dans son long travail de réforme d’un ordre chevaleresque, surplombant un système maçonnique écossais particulier, afin de constituer un nouveau régime renouant avec ce qu’il considère être le but primitif de l’institution maçonnique. Cet infatigable frère cherchera inlassablement à associer, au faîte de cet édifice, une classe secrète proposant les vérités tant recherchées et qui, pour lui, sont l’âme et le but de l’initiation maçonnique.
C’est à la construction de ce véritable chef d’œuvre que nous invite Dominique Vergnolle tout au long d’une épopée qui impliquera les puissances maçonniques de toute l’Europe continentale, déjà secouées par la nouvelle philosophie des Lumières et les différents courants mystiques, ésotériques et illuministes émergeants. Le but de Willermoz sera-t-il atteint dans ce contexte ? S’agira-t-il finalement de convertir l’ordre en une société nouvelle de chrétiens patriotiques librement érigés en confraternité pour être une école de vertus, ou bien de conserver un ordre « secret » enté sur d’anciens ordres sans interruption de succession ?
Titre : L’Épopée des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte et de leur Profession
Auteur : Dominique Vergnolle
Préface : Pierre Mollier
Éditeur Les Éditions de la Tarente
Coll. « Fragments Martinistes »
Nombre de pages : 324 p.
Parution : avril 2021
Note de lecture
Dominique Vergnolle nous présente ici la genèse d’un rite maçonnique qui se singularise par sa culture de l’ésotérisme chrétien : le Régime écossais rectifié (R.E.R.) et ses Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte (C.B.C.S.). Après avoir rappelé le contexte maçonnique qui lui donne naissance, l’auteur présente les racines sur lesquelles il s’est développé, d’une part, la Stricte observance templière du baron von Hund et de l’autre la doctrine des élus coëns de Martinès de Pasqually. S’appuyant sur une documentation importante il décrit la lente construction et les obstacles qui ponctuent l’histoire de cet Ordre.
Sous l’influence de Jean-Baptiste Willermoz, ce régime adopte la doctrine de Martinès de Pasqually, celle de la réintégration, tout en l’adaptant pour la rendre plus conforme aux dogmes de l’Église catholique. Le R.E.R. prend une forme maçonnique plus simple que celle des élus coëns et abandonne la théurgie. Précisons qu’à l’époque où Willermoz travaille à ce projet, l’ordre des élus coëns n’est pas en sommeil, comme l’écrit trop hâtivement Dominique Vergnolle, bien qu’il soit alors réduit à peu de chose. Duroy d’Hauterive fidèle défenseur de cet Ordre considérera d’ailleurs comme une trahison la démarche de Willermoz. Saint-Martin aura dans un premier temps la même position.
Avec cette étude très documentée, Dominique Vergnolle met en évidence le rôle fondamental joué par Jean-Baptiste Willermoz dans l’histoire de la franc-maçonnerie européenne, mettant en relief le cheminement d’un personnage très attachant. Willermoz, nous dit-il, était « persuadé que la maçonnerie voilait des vérités rares et importantes ». Il pensait aussi qu’elle « était tombée, en France comme ailleurs, dans l’anarchie et le plus grand discrédit. » Comme beaucoup de théosophe, Willermoz était fasciné par le merveilleux. Il s’est parfois fourvoyé dans cette quête.
L’affaire de l’Agent Inconnu, qui apparait au moment où le R.E.R. peine à s’imposer après le Convent de Wilhelmsbad de 1782, est caractéristique de cette situation. Dominique Vergnolle évoque rapidement ce point qui aurait sans doute mérité d’être développé davantage, tant il vient parasiter l’œuvre du théosophe lyonnais. En effet, comme l’écrivait Willermoz le 30 juillet 1785 au duc Ferdinand de Brunswick, un mystérieux « Agent Inconnu » venait de lui transmettre un message reçu de l’invisible concernant la loge de la Bienfaisance de Lyon. Cette dernière était en effet « destinée à être le centre général de la lumière des derniers temps et de la parfaite et primitive initiation, qui contient tout ce qu’il y a de bon partiellement dans toutes les autres initiations répandues sur la terre, qui doivent être réunies à celle-ci, étant toutes défectueuses, dégradées ou corrompues pour s’être en divers temps détachées du tronc ; c’est de ce nouveau centre que la lumière doit être successivement propagée dans le monde entier pour les Maçons qui animés d’un vrai et pur désir renonceront à leurs préjugés et à leurs préventions pour les fausses et dangereuses initiations […]. » [1] Gérard van Rijnberk, Épisodes de la vie ésotérique, 1780-1824, Lyon, Librairie Astro-ésotérique, 1948, p. 63.
Willermoz, pasteur de ce projet grandiose, était ainsi invité à prendre la direction d’une nouvelle société initiatique dont les origines remonteraient à Phaleg. Dans la cosmogonie fantaisiste de l’Agent Inconnu, Phaleg, arrière-petit-fils de Sem, était considéré comme le premier maillon de cette ligné d’initiés. Ainsi, sur ordre de l’Agent Inconnu, Willermoz fera remplacer le mot de passe du premier grade du R.E.R., Tubalcaïn, jugé néfaste par l’Agent Inconnu, par celui de Phaleg. Sous la direction de l’Agent Inconnu, les initiés de Lyon se présentent comme « les ouvriers de la onzième heure », les successeurs des Apôtres ! À la lecture des Cahiers qui contiennent les instructions de l’Agent Inconnu, on a peine à comprendre comment des hommes comme Willermoz, et Saint-Martin lui-même, ont manqué à ce point de discernement devant les révélations fantaisistes dont Marie-Louise de Vallière de Monspey se disait la messagère. Quoi qu’il en soit, cette Société des Initiés va mobiliser toute l’attention de Willermoz de 1785 à 1788. Les trois grades de ce nouvel ordre viennent d’ailleurs couronner le R.E.R., reléguant aux oubliettes l’ordre des Élus coëns dont l’Agent inconnu dénonçait les pratiques. Avec la Société des Initiés, le « Haut et Saint-Ordre » du R.E.R. prenait un visage inattendu. Saint-Martin, puis Willermoz finiront par renoncer aux perspectives grandiloquentes de l’Agent Inconnu, mais cet épisode aura joué un rôle important entre 1785 et 1788, ajoutant une difficulté supplémentaire à l’évolution du R.E.R. qui n’arrivait pas à s’imposer. Il entrainera la démission, en novembre 1785, de Bernard de Turkheim qui emportera avec lui une partie des frères de Strasbourg, et en février 1788, c’est le duc d’Havré de Croy, grand maître de la province d’Auvergne qui se désistera.
On peut regretter aussi que Dominique Vergnolle n’ait pas ajouté également quelques mots sur les épisodes qui marquent la renaissance timide du R.E.R. sous l’Empire, à Paris, avec le Centre des Amis et à Marseille. Ces épisodes se déroulent du vivant même de Jean-Baptiste Willermoz. (Sur ce point, on se reportera au livre de Jacques Rondat La Correspondance échangée par Jean-Baptiste Willermoz et Claude-François Achard, publié chez le même éditeur et qui ne figure hélas pas dans la bibliographie du livre que nous présentons.) Enfin quelques mots sur le réveil de 1910-1913 avec Edouard de Ribaucourt, Camille Savoire… auraient complété cette étude, car c’est à partir de cette époque que l’épopée des C.B.C.S. atteint un rayonnement important. Ces éléments auraient avantageusement remplacé les études sur la symbolique qui terminent cet ouvrage. Pour ce qui est des derniers développements de l’histoire du R.E.R., le lecteur devra se contenter des quelques éléments donnés par Pierre Mollier dans la Préface.
S’il ne bouleverse pas les connaissances relatives à l’histoire du R.E.R., le livre de Dominique Vergnolle apporte cependant de nombreuses informations sur les années qui marquent l’émergence des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte jusqu’à la veille de la Révolution française. Son livre s’inscrit dans la continuité des recherches sur l’histoire du Régime écossais rectifié et contribue à l’enrichir en utilisant des documents inédits provenant du Fonds maçonnique Charles de Hesse, conservé par la Grande Loge du Danemark.
Pour compléter cette présentation, on livra avec profit la présentation qu’en fait lui-même son auteur dans un entretien publié sur le site de l’éditeur.
Table des matières
Remerciements, p. 7
Préface, p. 11
- De nouvelles lumières sur la genèse du R.E.R., p. 11
Préambule
- L’essor de l’écossisme, p. 16
- Ramsay et l’apparition de la chevalerie, p. 16
- Le paysage maçonnique français et la Grande Loge de France, p. 17
- L’explosion des grades hermétiques, rosicruciens et chevaleresques .. 18
J-B Willermoz et la genèse des Chevaliers Bienfaisants de la cité Sainte
- J-B Willermoz, la Mère Loge de Lyon et le chapitre des Chevaliers de l’Aigle Noir, p. 21
- La rupture avec la Grande Loge de France, p. 23
- L’émergence des Élus Coëns de Martines de Pasqually et l’expérience de Willermoz, p. 25
- Le renouveau de la Grande Loge de France et le réveil de la Grande Loge des maîtres réguliers de Lyon, p. 28
- Nouvelles difficultés avec la Grande Loge de France, p. 30
- Les premiers contacts avec la Candeur de Strasbourg, p. 31
- Quelques repères sur la maçonnerie réformée de Dresde, p. 32
- L’attractivité de la réforme de Dresde, p. 34
- Premiers contacts avec le baron de Hund et ambition de Willermoz, p. 37
- L’objectif de l’ordre templier allemand et le but essentiel de la maçonnerie, p. 39
- La demande d’attache des Lyonnais, p. 40
- La retenue de la Grande Loge des maîtres réguliers de Lyon, p. 41
- Willermoz fait « cavalier seul » : la pétition au baron de Hund, p. 43
- Discussions parallèles avec la Grande Loge Nationale, p. 44
- Les travaux de constitution des trois provinces françaises de l’Ordre, p. 45
- Fidélité de Willermoz aux Élus Coëns et à leur science, p. 48
- Les Directoires écossais et le Traité d’Union avec le Grand Orient de France, p. 48
- Les provinces françaises de 1775 à 1777, p. 49
- Les secousses et malaises de 1777 et début 1778, p. 50
- Les prémisses du convent des provinces françaises et le projet de Willermoz, p. 53
- La préparation du convent et les chantiers lyonnais et strasbourgeois 58
Une première réforme de l’ordre Templier en France : Le Convent des Gaules
- Le précis historique de a Fascia et la nomination de la commission d’enquête, p. 61
- Le changement de dénomination, le nouveau code et l’égalité des chevaliers, p. 63
- La problématique de la succession templière et de la restauration du Saint Ordre, p. 64
- Le but ostensible de l’ordre équestre, p. 68
- Le but primitif et essentiel de la maçonnerie et les moyens d’y accéder, p. 73
- Les rituels de l’ordre intérieur, l’instruction des novices et les ajustements du code, p. 77
- La rectification de la classe maçonnique, p. 83
L’autre face du Convent des Gaules et l’éclosion de la Profession
- Le rapport secret sous forme d’instruction des commissaires du convent, p. 87
- Du rapport secret à l’Instruction secrète et préparatoire des Chevaliers, p. 90
- L’engagement préliminaire pour l’admission à la Grande Profession. . 94 De l’Instruction secrète et préparatoire à l’Instruction secrète des Profès, p. 95
- La nouvelle instruction des Chevaliers, p. 97
- La Grande Profession et son initiation secrète, p. 97
- L’origine des instructions, de la doctrine et les conditions de sa transmission, p. 104
- Une classe secrète qui deviendra un Ordre, p. 106
- Les prémisses de l’extension aux provinces allemandes, p. 108
- Au-delà de la classe secrète, les Élus Coëns ? p. 109
Les hautes connaissance de l’Ordre et la filiation templière : La préparation du Convent Général
- Les provinces allemandes de 1775 à 1780, p. 113
- Les hautes connaissances de Ferdinand de Brunswick et Charles de Hesse, p. 118
- Les prémisses du convent et les circulaires du Grand Supérieur Ferdinand, p. 120
- Le partage des connaissances de la Profession avec leurs Altesses allemandes, p. 128
- Les travaux des provinces allemandes et françaises pour la fixation d’un corps général de doctrine, p. 131
- Nouvelle circulaire de Brunswick en forme d’invitation au convent général de l’Ordre, p. 144
- Les atermoiements d’Haugwitz et la dérobade de Waechter, p. 146
- La consolidation des vues des provinces françaises, p. 155
Maçonnerie essentielle contre maçonnerie conventionnelle : Le Convent de Wilhelmsbad, p. 163
- Les acteurs en présence et leurs différentes sensibilités maçonniques, p. 164
- Le discours d’ouverture et la problématique des hautes connaissances maçonniques, p. 165
- L’organisation générale des travaux du convent et les séances préliminaires, p. 167
- La phase 1 : La difficile convergence relative aux rapports avec le Temple et à la réforme du Régime, p. 168
- La période de « récréation » et les grandes manœuvres, p. 188
- La phase 2 – La rédaction des rituels, codes de législation et matricules – L’affirmation chrétienne, p. 194
- Épilogue du Convent, p. 213
- Les cicatrices de Wilhelmsbad et la grande fragilité de l’Ordre, p. 217
L’après Wilhelmsbad de 1782 À 1787, p. 219
- Les premiers travaux de révision et adoption des rituels de la classe symbolique, p. 219
- Les opérations secrètes de la 3e classe pour l’adoption des rituels symboliques, p. 220
- La rédaction des rituels et instructions de l’ordre intérieur, p. 228
- Les rituels de chevalier et de novice et leurs instructions, p. 234
- Le destin contrarié de la 3e classe et l’essor de la Profession des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, p. 241
La Bienfaisance comme voie de réalisation initiatique, p. 247
La Profession de foi des chevaliers, p. 255
Le Haut et Saint Ordre, p. 263
Les emblèmes de l’Ordre, p. 271
- Le novénaire ou le passage du pélican au phénix, p. 271
- La croix et le chrisme, p. 276
- L’habit blanc de l’Ordre, p. 279
La Cité Sainte, p. 281
Annexes, p. 284
- Acte de Renonciation, p. 284
- Correspondances entre Ferdinand de Brunswick, Charles de Hesse-Cassel et Jean-Baptiste Willermoz, p. 287
- Copie de la lettre de la Préfecture de Lyon au duc Ferdinand de Brunswick du 22 janvier 1780 , p. 287
- Correspondance de Jean-Baptiste Willermoz au Prince Charles de Hesse-Cassel du 12-19 octobre 1781, p. 294
- Galerie de portraits, p. 310
Bibliographie, p. 311
- Fonds Bibliothécaires, p. 311
- Livres, p. 311
- Revues, p. 314
Index, p. 316
Notes :