Selon la doctrine martiniste, le corps de l’homme est un émané de la matière chaotique prise dans son indifférence, par poids, mesure et nombre. (Extrait du Fonds Prunelle de Lière).
Le texte ci-dessous est extrait de L’Instruction secrète des Conduc.[teurs] en chef des Col.[onnes] d’or.[ient] et d’oc.[ccident] et d’un V[énérable] M[aître] de Temple, d’après la version figurant dans le fonds Prunelle de Lière (Ms 4123, p. 31-35). [1. Robert Amadou a publié le même texte d’après la version figurant dans le Fond Z, dans le volume intitulé Le Fonds Z, Les manuscrits réservés du Philosophe inconnu, La Magie des Élus coëns, Théurgie, Instruction secrète (Cariscript, 1988, p. 41-44). Selon « L’État sommaire » de ce fonds, il figurerait dans l’un des neuf volumes reliés d’œuvres diverses composant le volume 3 de ce fonds, réf. A 9-71 ( Robert Amadou, Bulletin Martinite n° 6 oct-nov. 1984, p . 5) . Le fac-similé de la page 17 de L’instruction secrète, publié par Robert Amadou, montre qu’il ne s’agit pas du texte du fonds Prunelle de Lière. ]
Ce texte est à mettre en parallèle avec le § 123 du Traité sur la réintégration des êtres de Martinès de Pasqually, et les sixième, septième et huitième Instructions pour les Temples des Elus Coëns, élevés à la plus grande gloire de l’Eternel, textes qui abordent le même thème [2. Manuscrit conservé à la BnF, Fonds Baylot – FM4 23-2. ]
Corps de l’homme
Le corps de l’homme est un émané de la matière chaotique prise dans son indifférence, par poids, mesure et nombre. Cette matière avait été placée par le Créateur entre les deux premiers principes élémentaires, le chaud et l’humide, pour la disposer à prendre la consistance convenable aux différentes formes que le Grand Architecte avait déterminées par sa pensée et que nous voyons dans les différents êtres qui nous environnent, tels qu’ils sont sortis lors de l’explosion du matras philosophique. Tous les corps animaux ne diffèrent en rien, tant dans le nombre matériel corporel que dans le nombre d’essences animales, comme nous le verrons ci-après. [3. Notes : certains termes abrégés dans le texte sont ici développés ex. « diff » pour « différentes », « ess » pour « essence », « 1re » par « première » etc. De même, pour plus de lisibilité, les paragraphes ont été segmentés. ]
Le premier principe corporel est le solide, qui est la partie osseuse ; le deuxième est le fluide, qui est le sang ; le troisième est l’enveloppe, qui est la chair. La forme corporelle dans son premier principe est un composé de trois. Pour le trouver dans sa justesse, nous y comprendrons les cartilages et les nerfs, qui donnent la souplesse et l’agilité aux corps pour pouvoir obéir aux essences animales qui les actionnent, comme on le verra par la suite.
La première essence animale corporelle est le mercure, comme plus spirituel et plus susceptible de pénétrer au travers des corps les plus solides, les plus resserrés, les plus secs et les plus fluides qu’il y ait dans la nature ; nous appliquons le mercure à la partie osseuse.
La deuxième est le soufre, que nous appliquons au sang, parce qu’il n’a d’action que sur le fluide.
La troisième est le sel, que nous appliquons à la chair et à l’enveloppe, parce qu’il donne consistance et maintient toute chair dans sa forme, de sorte qu’en joignant les trois essences animales aux trois principes corporels nous trouvons, par ce nombre sénaire, que réellement les six pensées d’opération divine universelles étaient déjà contenues dans le matras philosophique, et que toutes les formes corporelles y étaient réunies avec leurs essences animales. Ces corps avaient donc vie animale dans le chaos, mais ils étaient aussi appelés ténèbres, parce qu’ils avaient bien la vie effective corporelle matérielle (non pas le matras philosophique, mais seulement les corps y contenus), mais non encore la vie spirituelle, quoique cependant l’esprit créateur fût en présence desdits sujets corporels. Cet esprit voyait tout, entendait tout, et comprenait tout ce qui se passait dans cette matière première, sans en être ni vu ni entendu ni compris, parce qu’il n’y avait encore en elle aucune essence spirituelle divine.
Les essences divines sont quaternaires, comme l’expression des quatruples essences le porte, savoir : essences divines, essences spirituelles, essences intellectuelles, essences animales. Lorsque l’âme spirituelle fut intimement jointe aux trois essences animales, l’activité leur fut donnée ; elle y développa la connaissance, la raison et l’instinct, je veux dire que l’homme eut la connaissance et la raison au-dessus de la bête qui n’eut que l’instinct. Par l’instinct seulement, tous les animaux savent connaître leurs véritables besoins alimentaires et les différents dangers des éléments contraires à leur bien-être corporel et temporel.
Pour concevoir ce que c’est que l’instinct, il faut savoir que, comme il y a trois essences animales dans leurs corps, lesquelles ne diffèrent en rien de celles qui sont contenues dans le corps de l’homme, parce qu’elles proviennent toutes de la même source dans le chaos, l’instinct des bêtes n’est autre chose que le reflet de l’âme spirituelle de leur cercle, qui rejaillit sur les animaux muables et par lequel ils sentent et distinguent les actes coléreux, modérés et bons qui sont en nature. Aussi, ont-ils le sentiment à cet égard plus fin et plus assuré que l’homme pour prévoir les variations des temps et saisons, parce qu’ils n’ont aucune dissipation ni autre assujettissement que celui que leur dicte ce reflet pour leur conservation corporelle ; pour laquelle souvent nous voyons que différentes espèces de bêtes viennent se mettre aux environs des maisons des hommes, tant pour se mettre à l’abri des dangers qu’ils prévoient que pour prévenir les hommes des événements temporels dont ils sont menacés par les éléments.
Les bêtes semblent avoir plus cette connaissance que l’homme par leur correspondance matérielle corporelle, et, en leur qualité de réceptacle de reflet d’âme spirituelle, ils unissent leurs sentiments matériels à ceux de l’homme, soumettant ainsi leurs instincts et sentiments d’essence animale à la forte et puissante raison de l’homme. C’est pourquoi les Saintes Écritures disent qu’un temps viendra où les lions, les brebis, les loups et les agneaux vivront ensemble. L’homme est comparé à l’agneau et la femme à la brebis, le lion est ennemi juré de la brebis, le loup l’est de l’agneau ; mais revenons à la définition du corps de l’homme.
Nous avons trouvé que six parties composent le corps de l’homme, y compris le plein, ou le poids, le nombre et la mesure. La moelle, que nous nommons le plein, est contenue dans les os ; elle est le chef principal matériel d’où sont émanées les autres parties qui ont complété la justesse du corps. Nous l’admettons sous l’unité parce qu’elle est réellement seule et séparée, et le principe des autres, et en fait le centre et le point de ralliement essentiel. La moelle devient donc, par son union aux trois parties corporelles, ce que l’âme spirituelle est aux trois essences animales. Si nous joignons cette unité, cette moelle, aux cinq parties qui font la justesse du corps, nous trouvons encore un nombre sénaire, qui fait l’opération physique de la justesse du corps et le dispose à l’incorporisation de l’âme dans les trois essences animales.
Nous le répétons : Dieu créa l’homme le sixième jour. Ce nombre sénaire contient quelque chose de bien grand, puisqu’il est compris dans la création, la forme et l’incorporisation universelles, soit temporelles, soit spirituelles. Si le nombre émane ou dérive du plein, il faut que la mesure en dérive aussi, parce que tout corps animal porte avec lui le principe de son origine corporelle.
Chaque corps a, avec proportion et mesure, une partie de la matière première du chaos, qui est ce que nous nommons la moelle. La moelle est d’une qualité fluide et substantielle ; parmi nous, elle est la première matière de forme corporelle, dans laquelle étaient les trois essences animales qu’elle actionnait. Réunissons maintenant à ce nombre sénaire les trois essences animales qui ont contribué à la formation corporelle : nous trouvons positivement le nombre général de toute forme créée, qui est 9, par lequel nous ne comprenons que la vie matérielle passive, parce qu’il n’a aucune jonction spirituelle. Toute forme corporelle, n’ayant qu’une simple vie matérielle passive, ne peut qu’être sans vertu, sans propriétés, sans connaissance, sans puissance.
Lorsque le Grand Architecte de l’Univers voulut achever son ouvrage, il joignit à ce nombre matériel l’âme spirituelle revêtue de sa puissance et de ses connaissances spirituelles et divines. Il perfectionna par là le nombre de 9, en le portant et le fixant à celui de 10, nombre divin. Par cette jonction admirable, tout être animé fut susceptible d’avoir vertu, propriétés, connaissance et puissance. L’animal brut n’eut que vertu et propriété par son instinct. L’homme eut de plus la connaissance et la puissance sur toutes les choses créées, et son âme active domine et actionne généralement [p. 35] comme premier chef sur les trois essences animales. Aussi, l’âme est-elle appelée la dîme de la Divinité. Dieu demande sa dîme à la terre : cette dîme, ce dénaire, c’est l’âme spirituelle que Dieu avait placée au centre de la création, pour la conduire et la diriger en sainteté, étant elle-même pure, sainte et dégagée de toute corruption. Elle est dite âme spirituelle du monde temporel, parce que, dans son principe, elle ne consistait qu’en Adam revêtu d’une puissance simple divine. Cette puissance simple envers son créateur était très forte, d’ailleurs, puisqu’elle s’étendait sur les quatre chefs régionnaires universels par son nombre quaternaire et sa correspondance d’elle à l’intellect, de l’intellect à l’esprit et de l’esprit à la Divinité. Cette âme, ou cet homme, avait, comme il l’a encore, la puissance de création corporelle et celle d’essence animale. Mais il ne devait point en user avant le temps que Dieu lui avait prescrit et sans sa permission. Cette puissance ne devait être que physique de sa part, et non métaphysique, mot qui couvre l’opération surprenante du premier homme.
Il y a deux sortes d’âmes. La première est l’âme spirituelle, la deuxième est l’âme temporelle. L’âme spirituelle, destinée par le Créateur à prendre forme corporelle, est active éternellement, parce qu’elle émane de la Divinité et est visiblement distinguée de l’autre par la forme corporelle qu’elle actionne, et par les actions et opérations que cette même forme opère journellement et habituellement dans l’homme.
L’âme temporelle est l’assemblage des trois essences animales qui substantient la forme corporelle. Cette âme est passive, comme nous l’avons démontré ailleurs. […]