« La Maçonnerie a pour devise « Liberté, Égalité, Fraternité » lit-on dans un Mémento Maçonnique [1. Petit Mémento Maçonnique rédigé en forme de dictionnaire, 1921, p. 43. ] Elle a pour auteur Claude de Saint-Martin, et elle avait cours dans les Ateliers martinistes du XVIIIe siècle, avant que la République, en 1792, l’empruntât à la Maçonnerie. »
Cette erreur fut maintes fois répétée ; elle semble avoir été commise pour la première fois par Louis Blanc quand il écrivit [2. Histoire de la Révolution française, 1847, t. II, p. 101. ] :
Par les sentiers de l’allégorie (Louis-Claude de Saint- Martin) conduisait son lecteur au sein du royaume mystérieux, que, dans leur état primitif, les hommes avaient habité… Et le mot de la grande énigme, qu’il posait devant la nation française, c’était : Liberté, Égalité, Fraternité ! formule que dans son style symbolique il appelait le ternaire sacré et dont il ne parlait que sur un ton solennel… »
Or, au passage de Saint-Martin cité par Louis Blanc, on trouve seulement le texte suivant :
La nature indique qu’il n’y a que trois dimensions dans les corps ; qu’il y a trois divisions possibles dans tout être étendu ; qu’il n’y a que trois figures dans la géométrie ; qu’il n’y a que trois facultés innées dans quelque être que ce soit; qu’il n’y a que trois mondes temporels; ou trois grades dans la vraie Franc- Maçonnerie; en un mot, que sous quelque face qu’on envisage les choses créées, il est impossible d’y trouver rien au-dessus de trois [3. Des erreurs et de la Vérité, 1782, t. 1re p. 125. ] »
Nous regrettons de constater que Saint-Martin n’a pas employé une seule fois les trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité. Ce qui n’empêcha pas Malapert, Orateur du Suprême Conseil du Rite Ecossais, d’écrire [4. La Chaîne d’Union, 1874, p. 85. ] :
Pour la pratique de la vie nous avons cherché une formule capable de réunir toutes les conditions désirables. Elle répond le mieux aux aspirations des Maçons… elle fut précisée par l’un de nos frères, du nom de Saint-Martin. La puissance du vrai est si grande que la devise révélée par Saint-Martin éblouit les yeux. Les trois mots : Liberté, Égalité, Fraternité, disposés dans cet ordre indiquent ce que doit être une société bien réglée. Tous les Ateliers les ont acceptés, et les grands hommes de la Révolution en ont fait la devise de la République française. »
Jules Boucher (1948)
Extrait de La Symbolique maçonnique, Dervy, 1948, p. 344-345 « La Symbolique maçonnique est depuis sa première édition, en 1948, un livre qui ne vieillit pas. Les symboles de la Franc-Maçonnerie font partie de sa tradition. Or une tradition – qui n’a rien à voir avec une répétition d’habitudes – est un système de valeurs qui traverse les siècles, comme l’étymologie du mot l’indique, sans être fondamentalement modifié par le temps. Cet ouvrage est une somme et un livre de référence. » Ce livre est disponible aux éditions Dervy.
Note : Pour une étude complète des relations entre la devise Liberté Égalité Fraternité, voir l’étude publiée par Robert Amadou « Liberté, Égalité, Fraternité ». La devise républicaine et la Franc-maçonnerie » Renaissance Traditionnelle, n° 17-18, janvier-avril 1974, n° 19-20, juillet-octobre 1974, et n° 21-22, janvier-avril 1975.