Dans le « Onzième entretien » des Soirées de Saint-Pétersbourg, Joseph de Maistre présente le Philosophe inconnu comme « le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes ». L’auteur des Soirées, chevalier bienfaisant de la Cité sainte, a lu, non sans les critiquer parfois, les œuvres de Saint-Martin. Il l’a aussi rencontré en septembre 1787, à l’occasion de son passage à Chambéry, alors que le théosophe voyageait vers l’Italie.
Lorsqu’en 1793 il évoquera cette rencontre, il précisera :
M. de Saint-Martin est un gentilhomme français de 35 à 45 ans, de mœurs fort douces et infiniment aimables. On n’aperçoit rien d’extraordinaire dans ses manières ni dans sa conversation. » (Mémoire à Vignet des Étoles, archives départementales de la Savoie, 2J 11.)
L’influence de la pensée du Philosophe inconnu sur l’œuvre de Maistre a été étudiée par plusieurs auteurs. Georges Goyau l’aborde dans son étude sur « La pensée religieuse de Joseph de Maistre, d’après des documents inédits », publiée en 1921 dans la Revue des deux-mondes. La même année, François Vermale publie ses Notes sur Joseph de Maistre, Inconnu (Librairie Dardel, Chambéry). Il s’était déjà penché sur le cas de Maistre dans La Franc-Maçonnerie savoisienne à l’époque révolutionnaire (Leroux, 1912). Paul Vulliaud et Émile Dermenghem s’intéressent également à la question du martinisme de l’auteur des Soirées, le premier dans Joseph de Maistre franc-macon (Nourry, 1926), le second dans Joseph de Maistre mystique (éd. du Vieux Colombier, 1946). Depuis, d’autres chercheurs ont repris leurs réflexions, sans toutefois apporter d’éléments réellement novateurs.
Parmi ces études consacrées à Joseph de Maistre, celle de Georges Goyau (1869-1939), spécialiste de l’histoire religieuse, membre de l’Académie française (dont il deviendra le secrétaire perpétuel), reste méconnue. Nous avons donc trouvé intéressant de la mettre en relief en proposant ici l’extrait dans lequel il aborde plus spécialement les relations de Joseph de Maistre avec Saint-Martin. Ceux qui souhaiteraient lire l’étude de Georges Goyau dans son intégralité – ce que nous ne saurions trop leur conseiller – pourront la découvrir en suivant le lien placé à la fin de l’extrait que nous vous proposons. L’auteur y expose en détail la carrière maçonnique de Joseph de Maistre, ses relations avec Jean-Baptiste Willermoz, sa position à propos des « illuminés », en les contextualisant dans la pensée religieuse de l’écrivain.
Le texte de Georges Goyau est suivi de quelques extraits de l’œuvre de Joseph de Maistre, dans lesquels le martinisme est évoqué : d’abord un passage du onzième entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg, puis un extrait du dernier chapitre de Quatre chapitres sur la Russie. Une série de liens placés à la fin de cette étude propose un accès aux textes complets de Joseph de Maistre.
En introduction à l’ensemble de ces éléments, il nous semble important de préciser ce qu’entendait Joseph de Maistre par « martinisme ». Voici la définition qu’il en donne dans Quatre chapitres sur la Russie :
« On croit communément que les [martinistes] titrent leur nom de M. de Saint-Martin, né à Amboise en 1743, mort à Aunay le 13 octobre 1804 et qui a publié de nos jours plusieurs ouvrages de théosophie ; mais rien n’est plus faux. Les martinistes tirent leur nom d’un certain Martino Pasquales, qui vécut jadis assez longtemps en France, et qui mourut en Amérique il y a peut-être quarante ans. » (Chap. IV, De l’illuminisme.)
Dominique Clairembault
1. Joseph de Maistre et le Philosophe inconnu par Georges Goyau
Extrait de : Georges Goyau, « La pensée religieuse de Joseph de Maistre, d’après des documents inédits », Revue des deux mondes, mars-avril 1921 (p. 137-173 et 586-624). Reproduit avec l’aimable autorisation de la Revue des deux-mondes.
» Vers cette même époque, passant des loges aux salons et des salons aux loges, Claude de Saint-Martin, le « philosophe inconnu, » se flattait de ramener l’esprit de l’homme, par une voie naturelle, aux choses surnaturelles. Si familières que lui fussent les rêveries de Martinez Pasqualis, c’est à l’écart de cette théurgie que se déroulaient ses spéculations. Saint-Martin considérait que le monde n’était pas du même âge que lui, mais que Dieu lui avait donné dispense pour l’habiter ; heureux de souligner l’anachronisme qui, en logeant son âme dans un pareil siècle, l’avait contrainte d’être une esseulée, il se qualifiait « le Robinson de la spiritualité. » Mais ce Robinson courait l’Europe, il se mêlait à la société humaine, en quête de « petits poulets qui vinssent de temps à autre lui demander la becquée ; » il lui advenait de s’intituler, avec une conquérante emphase, « le Jérémie de l’universalité » Un des « petits poulets » de Saint-Martin s’appela Maistre.
Saint-Martin avait à Lyon beaucoup d’attaches : Willermoz entretenait avec lui des rapports suivis [1] La notice historique accompagnant la publication de Franz von Baader, Les enseignements secrets de Martinet Pasqually (Paris, Chacornac, 1900), est riche de, détails sur les rapports de Saint-Martin avec la maçonnerie lyonnaise, sur ses suspicions à l’endroit de la théurgie de Willermoz, sur les impressions de « repoussement spirituel » qui, vers 1790, aboutirent à une rupture entre Saint-Martin et la maçonnerie lyonnaise. , et c’est à Lyon que s’était imprimé, en 1777, son livre : Des Erreurs et de la Vérité, manifeste enflammé contre le matérialisme de l’époque. Les longues familiarités de Maistre avec la pensée de Saint-Martin s’inaugurèrent probablement durant sa pérégrination lyonnaise. Un peu plus tard, – en 1787, semble-t-il, – il le vit en personne, au moment où celui-ci traversait la Savoie pour se rendre en Italie : ils passèrent ensemble une journée. Il le trouva « de mœurs fort douces et infiniment aimable, » sans « rien d’extraordinaire dans ses manières et dans sa conversation » [2] Mémoire inédit à Vignet des Étoles . Quant à. Saint-Martin, il disait de son interlocuteur : « C’est une excellente terre, mais qui n’a pas reçu le premier coup de bêche. » Maistre, qui connut ce propos, le racontera en 1816 à l’un de ses correspondants, et ajoutera : « Le bon Saint-Martin a eu la pensée de se souvenir de moi et de m’envoyer des compliments de loin [3] Œuvres, XIII, p. 331 . »
Que voulait dire Saint-Martin, lorsqu’il parlait de ce chevalier profès comme d’une friche mal bêchée ? J’imaginerais volontiers que dans cette « excellente terre » il avait senti les fortes racines catholiques et regretté qu’un coup de bêche ne les eût pas dispersées. Car Saint-Martin, qui, lorsqu’il voulait être respectueux, définissait le catholicisme « la voie d’épreuves et de travail pour arriver au christianisme, » instituait volontiers des réquisitoires contre cette Église coupable d’avoir inoculé des vices au corps social, contre ce clergé qui avait prétendu remplacer la Providence, et pressentait avec joie l’heure prochaine où « les docteurs purement traditionnels perdraient leur crédit, » et où la religion « ne serait plus susceptible d’être infectée par le trafic du prêtre et par l’haleine de l’imposture. » Il y avait chez ce mystique autant de virulence contre l’institution cléricale, que chez ces philosophes auxquels il jetait le défi ; et cette virulence s’exacerbera lorsque après 1788 il sera devenu le traducteur de Jacob Boehme, le mystique allemand du XVIIe siècle, ennemi passionné du sacerdoce catholique.
Maistre, plus tard, à plusieurs reprises, notera l’ « antipathie naturelle » des disciples de Martinez Pasqualis et de Saint-Martin « contre l’ordre sacerdotal et contre toute hiérarchie. À cet égard, insistera-t-il, je n’ai jamais vu d’exceptions ; tous regardent les prêtres, sans distinction, comme des officiers au moins inutiles, qui ont oublié le mot d’ordre [4] Œuvres, VIII, p. 329 ; V, p. 249. . » Mais sans qu’il adhérât aux passions anticléricales des martinistes ou de Saint-Martin, le charme qu’exerçaient sur lui leurs spéculations religieuses devait survivre, et longuement survivre, aux « travaux » maçonniques de la Sincérité.
Une lettre à sa sœur Thérèse, du 42 juillet 1790, est significative. Saint-Martin venait de publier l’Homme de désir. Qu’est l’homme ? demandait-il : et que doit être l’homme ? Il répondait, lyriquement éloquent : L’homme est un désir de Dieu, qui veut infiltrer en lui une sève merveilleuse, et l’homme doit être un homme de désir, par son assiduité même à développer en soi les propriétés divines. Ainsi devaient tomber les obstacles suprêmes entre deux natures semblables, entre deux existences aspirant à l’union, entre l’homme et Dieu ; ainsi devait se pacifier cette soif de vie supérieure qui devait sortir, pour l’homme, du sein de la mort.
Thérèse de Maistre, un peu déconcertée, trouvait ce prophète « tantôt sublime, tantôt hérétique, tantôt absurde ; » mais Joseph n’accordait que le premier point. « Ce point-là ne souffre point de difficulté. Je te nie formellement le second, et je m’engage à soutenir son orthodoxie sur tous les chefs, même sur celui de l’Assemblée nationale, qu’il condamne clairement. Sur le troisième point, je n’ai rien à te dire, ou, si tu veux, je te dirai qu’il est très certain qu’avec une règle de trois on ne peut pas faire un ange, pas même une huître, ou un savant du café de Blanc ; ainsi le prophète est fou s’il a voulu dire ce que tu as cru ; mais s’il a voulu dire autre chose, ma foi ! Qu’il s’explique, c’est son affaire. En attendant, ma très chère, tu peux sans inconvénient entreprendre une seconde lecture[5] Œuvres, LX, p. 8-9. Le café de Blanc était un grand café de Chambéry. . » Bref, Maistre, en 1790, délivrait quittance à l’orthodoxie de Saint-Martin, faisait crédit à son prophétisme, et proclamait sa sublimité. En 1797, copiant dans les Mélanges A certaines accusations de l’eudiste Le Franc contre Saint-Martin, il ajoutera : « Rien n’est plus digne du fou rire inextinguible ; » et transcrivant dans les Mélanges B une citation du philosophe, il la fera suivre de ces mots : « Morceau écrit avec beaucoup de mesure et d’intelligence. »
Les loges dites martinistes et les écrits de Saint-Martin furent pour Maistre, à certains égards, une école. Une école qui avait su conquérir son imagination, et dont sa conscience même, d’ailleurs, demeurait libérée. Qu’on songe au rationalisme assez froid, assez terne, dépourvu de toutes vues sur l’au-delà, dont essayaient de se satisfaire les adeptes du philosophisme. Même enchaînés encore à quelques pratiques religieuses par des liens de famille ou de tradition, le christianisme leur faisait désormais l’effet de quelque chose de mortel ; sur ses ruines, l’Homme enfin régnait, s’assurant lui-même, avec une fatuité souveraine, de la marche indéfinie du progrès. Le Dieu qui depuis la Genèse jusqu’à saint Augustin et depuis saint Augustin jusqu’à Bossuet avait régné sur l’histoire universelle, était secoué de son trône séculaire, traduit en jugement par la souffrance humaine, et d’avance condamné ; et ceux mêmes qui ne contestaient pas la réalité de son être contestaient la valeur de son gouvernement. Voilà les idées qu’offrait au Chambéry de l’époque le philosophisme immigré de Paris.
Mais dans les loges martinistes, Maistre entendait parler, – nous le savons par lui-même, – d’un « christianisme réel, ascendant, » qui était « une véritable initiation, » qui avait été « connu des chrétiens primitifs, » qui était « accessible, encore, aux adeptes de bonne volonté, » et qui « révélait et pouvait révéler encore de grandes merveilles, et non seulement nous dévoiler les secrets de la nature, mais nous mettre même en communication avec les esprits, » et qui peut-être, – c’était l’opinion de certains piétistes, – unifierait bientôt les diverses communions sous un chef qui résiderait à Jérusalem. Maistre entendait Saint-Martin et ses disciples « envisager comme plus ou moins prochaine une troisième explosion de la toute-puissante bonté en faveur du genre humain [6] Œuvres, VIII, p. 327-328, et V, p. 241. ».
Les philosophes sonnaient le glas du christianisme, et les martinistes auguraient certains renouveaux ; ceux-là niaient le surnaturel, et ceux-ci cherchaient au contraire les « connaissances surnaturelles » comme le « grand but de leurs travaux et de leurs espérances ; » les premiers incriminaient la Providence, et les seconds, avec un enthousiasme fervent, se faisaient les fourriers et les annonciateurs de son prochain coup d’État ; les uns « expliquaient » la Bible à la façon de Voltaire, et les autres se flattaient de la « trouver en nature dans eux-mêmes » et la respectaient comme l’expression même de « l’état où se sentait leur âme quand elle cédait aux inspirations du sens moral ; » les philosophes se gaussaient, avec leur aient Bayle, des incurables contradictions entre les religions diverses ; et les martinistes préféraient saluer, de loin, « je ne sais quelle grande unité vers laquelle on marchait à grands pas. »
Les martinistes maintenaient Dieu sur son trône, non comme un roi fainéant, mais comme le conducteur de l’histoire. Ils s’évadaient de cette geôle, la dialectique, dans laquelle le raisonnement emprisonnait la raison ; vivant dans une « grande attente » et voyant, dans la révélation même, « des raisons de prévoir une révélation de la révélation, » ils comptaient sur l’enthousiasme inspiré, sur l’intuition prophétique, pour atteindre, par l’élan spirituel, jusqu’à certains mystères redoutables. Et voilà qu’en cinglant ainsi vers l’invisible, la rêverie de Saint-Martin découvrait des doctrines où le catholicisme retrouvait quelques vestiges de sa propre foi ; il saisissait, dans chacune de nos facultés, des traces de déchéance ; il présentait le mal physique comme une conséquence du mal moral ; il expliquait les sacrifices et le plus auguste de tous, la Rédemption, en considérant le sang comme une sorte de réactif à l’aide duquel la matière était précipitée dans les bas-fonds, et l’esprit rendu à la liberté ; il glorifiait enfin les mécanismes de réversibilité, en vertu desquels l’innocent souffre pour le coupable.
Adolphe Franck, plus tard, confrontant ces thèses de Saint-Martin avec les Soirées de Saint-Pétersbourg, fera de Maistre un débiteur du « philosophe inconnu [7] Journal des Savants, 1880, p. 246-256 et 269-276. – Amédée de Margerite op. cit., p. 429-442, soumit à une critique très serrée cette thèse de Franck, et rappela que le chapitre III des Considération, où s’esquissent déjà les idées fondamentales des Soirées, est antérieur de six ans au Ministère de l’Homme-Esprit, de Saint-Martin. . » Comme si, pour croire à la Providence et au péché originel, à l’efficace du sang rédempteur et à la solidarité des hommes devant Dieu, Maistre avait eu besoin d’un autre Credo que de celui de ses maîtres jésuites. Mais les convergences mêmes entre l’illuminisme et ce Credo devaient intéresser Maistre. Il les montrait du doigt, parfois, à ses interlocuteurs martinistes. Se moquant de leur phraséologie bizarre, qui désignait, sous le nom de pâtiments, les épreuves infligées aux coupables, il écrira en 1810 : « Souvent je les ai tenus moi-même en pâtiments, lorsqu’il m’arrivait de leur soutenir que tout ce qu’ils (lisaient de vrai n’était que le catéchisme couvert de mots étranges [8] Clément de Paillette, op. cit, p. 285. – Œuvres, V, p. 248-249. . »
Et tandis que les martinistes, au point d’arrivée de leurs spéculations, rencontraient ainsi certains aspects du catéchisme catholique, ils avaient en Allemagne des cousins germains, les piétistes, qui rencontraient le catholicisme, eux, dès le point de départ de leurs élans, puisqu’ils prenaient pour guides et pour oracles, tout protestants qu’ils fussent, sainte Thérèse, saint François de Sales, Fénelon[9] Œuvres, VIII, p. 328. .
C’est une chose fort extraordinaire, signalait Maistre dès 1793 à Vignet des Étoles, que dans l’Allemagne protestante une foule de spéculateurs illuminés penchent au catholicisme ; » et il lui citait avec allégresse un propos du duc de Brunswick disant en plein convent de Wilhelmsbad : « Il faut laisser aller à la messe les frères catholiques, parce qu’il y a dans leur culte quelque chose de plus substantiel que dans le nôtre, qui ne leur permet pas comme à nous de se dispenser du service divin [10] Mémoire inédit à Vignet des Étoles. .
Maistre notait tous ces faits : il les fallait noter avec lui, pour expliquer le long et patient et durable intérêt qu’il prit aux spéculations de l’illuminisme. Il conserva, nous le savons par une lettre de 1816, une correspondance avec quelques-uns des principaux personnages martinistes [11] Margerite, op. cit., p. 431. , et parmi les durs soucis que devait lui apporter la turbulente année 1797, il est curieux de le voir, à Turin, prendre le temps de copier de sa main trois discours anonymes, tenus avant 1790 dans les loges lyonnaises. Il les copiait, sans même savoir qu’ils étaient de Saint-Martin et qu’il devait les retrouver, plus tard, dans les œuvres posthumes du « philosophe inconnu. » Et il passait à cette besogne, ainsi qu’il prenait la peine de le noter dans son Journal, trente-huit heures treize minutes [12] Clément de Paillette ; op. cit., p. 284-287. – Journal, 4 décembre 1797. A cette date de 1797, Maistre n’allait plus en loge ; mais les morceaux religieux d’origine maçonnique le captivaient toujours ; et sans ombre de jactance, il pourra, en 1816, se rendre ce témoignage : « Je suis si fort pénétré des livres et des discours de ces hommes-là, qu’il ne leur est pas possible de placer dans un écrit quelconque une syllabe que je ne reconnaisse [13] Œuvres, XIII, p. 220. ».
Distinguer expressément la religion de l’Évangile de toutes les autres élaborations religieuses ; rêver, en vue de 1a réunion des Églises issues de l’Évangile, une mystérieuse conjuration des bonnes volontés ; imposer la croyance à la divinité du Christ comme une condition nécessaire d’accès aux plus hautes spéculations ; s’éprendre, eu pleine atmosphère gallicane, de ce fait religieux qu’est la primauté pontificale ; et, d’autre part, demander aux loges, en même temps qu’à l’Église, l’intelligence du christianisme ; dire parfois aux Frères, d’ailleurs, avec un sourire, que ce qu’ils viennent de découvrir se trouvait déjà dans le catéchisme ; mais continuer, cependant, d’aller avec eux à la découverte, comme dignitaire d’un organisme d’études religieuses dénommé le rite écossais c’était assurément une attitude originale, et cette attitude exprimait, par ses complexités mêmes, la fiévreuse ardeur d’une curiosité intellectuelle, le bouillonnement d’un esprit assoiffé de comprendre l’homme, assoiffé de comprendre Dieu. Nous la verrons plus tard, sous certaines influences, se corriger et s’assagir ; mais qu’elle eut été complètement inféconde, c’est ce que Maistre n’admettra jamais ; et les pages mêmes où il se montrera le plus détaché de l’illuminisme avoueront encore quelque dette de sa pensée, et laisseront transparaitre, presque malgré lui, ces soubresauts d’attachement tenace que suscitent les souvenirs d’une lointaine jeunesse. »
Notes :