Après avoir publié plusieurs études sur deux personnalités illustres de l’illuminisme : Le Bernois Friedrich Herbort et l’ésotérisme chrétien en Suisse romantique (Peter Lang, 1983) et Le théosophe de Francfort Johann Friedrich von Meyer (1772-1849) et l’ésotérisme en Allemagne au XIXe siècle (publié chez le même éditeur en 1989), c’est à Johann Heinrich Jung-Stilling, l’une des figures les plus marquantes de la pensée ésotérique chrétienne en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle, que Jacques Fabry consacre une étude.
Johann Heinrich Jung-Stilling, qui fut l’ami de Goethe et regardé par ses contemporains comme le patriarche du réveil religieux et le héraut du christianisme, nous dévoile une personnalité aux multiples facettes. Il se fait un nom en littérature en publiant son autobiographie, devient spécialiste des affections oculaires. Nommé professeur à l’université, il écrit des ouvrages d’économie avant de donner la plénitude de son talent dans de nombreux écrits à la gloire de la religion chrétienne. Dépassant le piétisme de son enfance, sa pensée puise aux sources d’une gnose hermétisante teintée de quiétisme, d’ésotérisme et de théosophie. Il est aussi l’auteur d’un roman dont Jacques Fabry nous propose une analyse fort intéressante.
Ce livre, Das Heimweh, est sans doute son œuvre la plus connue. Comme le précise Jacques Fabry, « c’est un long récit initiatique et symbolique qui plonge le lecteur dans une atmosphère prophétique et eschatologique ». Son titre évoque la nostalgie du pays originel, qui, pour Jung-Stilling, n’est autre la vraie patrie dont l’homme garde la nostalgie, l’Éden perdu par la Chute. À propos de ce livre, Saint-Martin écrit à son ami Kirchberger le 26 septembre 1796 : « Cette maladie me travaille depuis longtemps, et chaque jour elle s’augmente. »
Le roman de Jung-Stilling, véritable saga, nous fait partager le cheminement et les épreuves initiatiques vécues par Christian von Ostenheim au sein d’une société secrète qui œuvre à la fondation d’un royaume de paix, Solyma. Ce roman initiatique a connu un succès considérable. Il a été traduit dans de nombreuses langues, parmi lesquelles il faut signaler le russe, l’arabe et plusieurs langues asiatiques. Hélas, il n’en existe pas de traduction française.
Adversaire déclaré de la théologie rationalisante de l’Aufklärung, Jung-Stilling préconise un retour aux sources authentiques du christianisme biblique. Par son prophétisme apocalyptique, leitmotiv de son œuvre, il veut « réveiller » ses contemporains en leur offrant, au terme d’un parcours initiatique et symbolique, une véritable renaissance spirituelle. Cet aspect de son œuvre est particulièrement bien mis en évidence par le livre que Jacques Fabry lui a consacré. Son étude est un livre qui permet de mieux comprendre le milieu européen illuministe ; par conséquent, il trouvera naturellement sa place dans toutes les bibliothèques de ceux qui s’intéressent à ce thème si riche.
Dominique Clairembault
Titre : Johann Heinrich Jung-Stilling (1740-1817) Esotérisme chrétien et prophétisme apocalyptique
Auteur : Jacques Fabry
Editeur : Peter Lang, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, ,
Publication : 2003
Nb page : 207 p.
ISBN : 3-906770-78-8