« C’est à son arrière-grand-père, Jean de Saint-Martin, né en 1628 que la famille du Philosophe inconnu doit son titre de noblesse. »
À Robert Amadou
Le marquis de Saint-Martin !
Dans La France littéraire contenant les auteurs français de 1771 à 1796 (1798) Johann Samuel Ersch fait de Saint-Martin un marquis [1. Johann Samuel Ersch, La France littéraire contenant les auteurs français de 1771 à 1796, Hambourg, Volume 3, 1798, p.231, https://books.google.fr/books?id=g0P4vaBbX7kC repris dans l’édition de 1806, p. 469, https://books.google.fr/books?id=BuwOAAAAQAAJ, consulté le 06/04/2019. ] : « Marq[is] de Saint-Martin, résidant tantôt à Paris, tantôt à sa terre près de Tours. »
Quérard reprend cette information dans la France littéraire de 1836 [2. J. M. Quérard, La France littéraire, ou dictionnaire bibliographique des savants, historiens, etc. Firmin-Didot, Paris, Volume 8, 1836, p.352, article « SAINT-MARTIN », https://books.google.fr/books?id=UwfUqMtSxEgC, consulté le 06/04/2019. ] « SAINT-MARTIN (le marquis Louis-Claude de) dit le Philosophe inconnu… » tout comme Stanislas de Guaita dans Au seuil du mystère [3. Essais de sciences maudites, I, Au seuil du mystère, Paris, Georges Carré, 1890, p. 61. ] :
Nous avons été injuste pour Saint-Martin (1743-1803) dans la première édition de cet essai : nous le jugions alors sur la lecture hâtive et trop superficielle des Erreurs et de la Vérité (1775), […] ses dernières productions, […] témoignent de l’initiation du marquis de Saint-Martin aux plus hauts arcanes traditionnels. »
De son côté, Marin Ferraz fait de Saint-Martin un chevalier de Saint-Louis dans son Histoire de la philosophie pendant la Révolution [4. Marin Ferraz, (1820-1898), Histoire de la philosophie pendant la Révolution (1789-1804) : Garat, Tracy, Cabanis, Rivarol, Condorcet, Volney, Mme Condorcet, Villers, Saint-Martin, Chateaubriand, etc. Paris 1889, p.7, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k114156t/f27.item.r, consulté le 06/04/2019. ] :
Mais le plus redoutable contradicteur de Garat fut un personnage d’un âge mûr, ancien officier, chevalier de Saint-Louis qui avait déjà publié plusieurs ouvrages, sous le nom de philosophe inconnu : je veux parler du mystique Saint-Martin ».
Saint-Martin ne fut ni marquis, ni chevalier de Saint-Louis, même s’il fut tenté d’obtenir ce dernier titre comme le montre un passage de Mon portrait :
Pendant le ministère de Mr de Montbarey, il m’eut été très aisé d’avoir la croix de St-Louis, si j’avais su profiter de la bonne volonté qu’avaient pour moi sa femme, sa fille la princesse de Nassau, et sa sœur, la comtesse de Coaslin. Mais au premier refus qu’il fit de me faire avoir un relief pour l’interruption de mes services, je m’en tins là ». [5. Louis-Claude de Saint-Martin, Mon portrait historique et philosophique (1789-1803), publié par Robert Amadou. Paris, Julliard, 1961, n°153, p.102. L’orthographe a été modernisé. ]
La famille Saint-Martin appartient cependant à la noblesse française depuis 1674. Robert Amadou ayant abordé cette question dans la revue L’Initiation en 1963, nous lui empruntons les informations que nous présentons ici, tout en les complétant par la reproduction de documents.
Jean de Saint-Martin
C’est à son arrière-grand-père, Jean de Saint-Martin, né en 1628 que la famille du Philosophe inconnu doit son titre de noblesse. Fils de Arnault Saint-Martin et de Anne La Fitte, Jean de Saint-Martin se marie à Amboise le 17 octobre 1668 avec Anne Lefranc, née en 1628 ( ?), de François Lefranc décédé en 1695. Membre des Gardes royales depuis 1639, Jean de Saint-Martin participe à de très nombreuses campagnes où il est d’abord brigadier puis nommé capitaine ; il sera blessé à Gravelines en 1658. Il est anobli par Louis XIV en septembre 1672, avec le titre de Sieur de la Borie et du Buisson.
L’acte d’anoblissement de Jean de Saint-Martin semble perdu, mais Robert Amadou a trouvé une copie de ce document adressée pour enregistrement à la Cour des Aides, document aujourd’hui conservé aux Archives Nationales (AN) sous la cote Z 1a 569, ff. 502 n° – 503 V°. Robert Amadou a transcrit et publié le texte de cet acte dans la revue L’Initiation. [6. « Calendrier de la vie et des écrits de Louis-Claude de Saint-Martin » par Robert Amadou, revue L’Initiation, n°4, 1963, p. 153-156 et suiv. ]
Précisons également qu’il n’existe aucune trace de l’anoblissement de Saint-Martin dans les fonds conservés en Touraine et malgré ses recherches, R. Amadou n’a pas trouvé le Registre des Remembrances, registre où l’on consigne les conclusions des parties et les sentences du tribunal, registres judiciaires compilés par un jurisconsulte dans un recueil. [7. Remembrance, mot vieilli et littéraire : Ce qui revient à l’esprit, fortuitement ou volontairement, des expériences passées. Synonyme : souvenir. La remembrance de quelqu’un correspond au souvenir de la personne. Chateaubriand : La remembrance de Mmede Polastron (Mém., t. 4, 1848, p. 234), CNRTL, http://www.cnrtl.fr/definition/remembrance, consulté le 10/04/2019.
Le registre des remembrances est un registre où l’on consigne les conclusions des parties et les sentences du tribunal, registres judiciaires compilés par un jurisconsulte dans un recueil. Ces registres, reste de la justice seigneuriale, existaient dans toutes les Provinces de France et avaient un grand intérêt : ils conservaient des renseignements sur la justice foncière (Anjou, Maine, par exemple) comme sur la justice contentieuse comme celle des assises. Or il s’avère qu’en Touraine, les différents registres des remembrances n’existent pas. Cf. François Brizay, Antoine Follain, Véronique Sarrazin, Les justices de village : Administration et justice locales de la fin du Moyen Âge à la Révolution. Presses universitaires de Rennes, 2002 p.287. ] ou le Registre des délibérations aux AN, à la Bibliothèque municipale de Tours ni aux Archives départementales d’Indre-et-Loire.
Cependant, une copie partielle de l’acte d’anoblissement a été publié par Henry Lambron de Lignim dans les Mémoires de la Société archéologique de Touraine, volume X, en 1858 [8. Mémoires de la Société archéologique de Touraine, Tome X, Tours et Paris, 1858, p. 214-215. Ce texte se trouve à la BNF, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5492270d/f226.image ou sur Google, https://books.google.fr/books?id=aRhMAAAAMAAJ&pg=PA214 (consultées le 02/04/2019). ] :
1672. Jean de St-Martin, sieur de La Borie et du Buisson, fut anobli par Louis XIV au mois de septembre de la dite année, sans finance présente ou future » [9. Lambrin note à la suite : « Nous pensons qu’il est utile d’offrir, une fois au moins, le texte d’un titre d’anoblissement afin d’en faire connaître le style officiel : celui que nous avons choisi est digne, à tous égards, d’être conservé dans la mémoire de nos concitoyens ». ] .
En note, Lambron de Lignim ajoute :
Inscrit au registre des remembrances de l’Hôtel de Ville de Tours, p. 130, sur la demande faite à ce sujet par Mme veuve Aubry, née de Saint-Martin ou de St-Martin — Louis-Claude de St-Martin, né à Amboise 18 janvier 1743, d’abord avocat du roi au présidial de Tours et depuis lieutenant au régiment de Forez [10. Lambrin fait ici une erreur puisqu’il s’agit du régiment Foix-Infanterie. ], infanterie, auteur de plusieurs ouvrages de métaphysique, mort le 14 octobre 1804 [11. La date du décès du Philosophe inconnu est le 13 octobre 1803. Son acte de décès indique « L’an douze de la République française, le vingt et un vendémiaire à onze heures du soir… », mais ce décès a été déclaré le lendemain, soit le 14 octobre ! ], et sa sœur madame Aubry ont été les derniers représentants de cette famille. — Louise Françoise de Si-Martin, fille mineure de Messire Claude-François de St-Martin, chevalier, ancien maire de la ville d’Amboise et de feue dame Louise Tournier, épousa, le 10 mai 1763, le sieur Denis-Louis Aubry, inspecteur des manufactures et pépinières du roi en la généralité de Tours, fils majeur de feu Messire Denis Aubry, écuyer, trésorier de l’argenterie de la chambre de Sa Majesté, et de feue dame Madelaine de Boisgaultier. (Actes de la paroisse de St-Florentin d’Amboise.)
De cette alliance provint un fils unique, Louis-Marie Aubry, marié le 24 octobre 1793 à damoiselle Madelaine-Henriette Lambron de Maudoux, fille de défunt Messire Jacques-Nicolas Lambron de Maudoux, vivant écuyer, seigneur de St-Georges-sur-Loire, le Puy et autres lieux, ancien mousquetaire de la garde ordinaire du roi, capitaine chef de la Grande-Fauconnerie de France et de défunte dame Gille-Marguerite Testard des Bournais (ibidem). — Sans postérité.
Devenue veuve de M. Aubry, seigneur de Beauvais, Mauny et de la Herpinière, Louise-Françoise de St-Martin, prit une seconde alliance avec Messire Antoine-Auguste Desherbiers de l’Étenduère, chevalier, seigneur marquis de l’Etenduère, ancien capitaine au régiment royal-comtois.
Voir aussi le Registre des délibérations, séance du 17 septembre 1781. »
L’acte de noblesse
1. Version abrégée
Selon le Mémoires de la Société archéologique de Touraine, tome X (1858). p. 214-215. Nous avons ajouté les signes […] pour indiquer la présence de coupures par rapport au texte original.
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, etc. […], ayant une particulière connaissance des fidèles et recommandables services qui ont été rendu au feu roi, notre très honoré seigneur et père, de glorieuse mémoire, et à nous depuis trente-trois années, sans discontinuation, par notre cher et bien aimé Jean ST-MARTIN, sieur de Borye et du Buisson, premier brigadier des gardes de notre corps, ayant dès l’année 1639 commencé de porter le mousquet dans la compagnie de Guiscars [Giscarau] [12. Nous avons mis entre crochets les rectifications nécessaires. ], capitaine au régiment de nos gardes françaises, avec lequel étant passé en Italie, il y aurait servi et se serait trouvé aux sièges et prises des places et villes de Hayden [Hesdin], Quiers, Turin, Yvray [Ivrée]… [Monval, Coni], Villeneuve, Vast [Villeneuve d’Ast], Nice de la Paille, Tortonne [Tortone], Crina [Orin] et Pont-Destrie [Pontdesture], et dans toutes les autres occasions qui s’offrirent audit païs, même à la retraite de Guis [Quiers], bataille de Carignan, secours de Cazal [Casal], et au combat et [du] secours de Turin ; qu’ensuite de ce, étant passé en Flandre dans la même compagnie, il aurait servi aux sièges du grand Climar [de Gravelines], La Motte-Contray [La Mothe, Courtrai], Bergues, Mardik [Mardyck], [Furnes], survenu au secours de Landreçy [Landrecies]et à la bataille de Lens, puis en celle de Rhetel et de Sommepuy [Sommepuis], ayant été blessé à Gravelines d’un éclat de grenade à la tête ; que la guerre civile étant survenue [en notre royaume,] il nous aurait suivi au voyage que nous fîmes à Poitiers, étant toujours dans notre [dit] régiment des gardes françaises, et se serait trouvé au secours de Cognac et aux sièges de Saintes et Taillebourg.
Après quoi, étant repassé par deçà avec notre armée, ledit Saint-Martin se serait trouvé au combat rendu au faubourg St-Antoine ; ensuite, étant passé sur nos frontières de Champagne, il aurait servi au siège et prise de Stenay et au secours et défaite des ennemis devant [dans] la ville d’Arras ; qu’après cela ayant honoré ledit St-Martin d’une charge de garde dans l’une des compagnies des gardes de notre corps, il nous y a depuis continuellement servi, ayant fait la campagne de Flandre, en 1668, où il aurait été blessé d’un coup de mousquet ; au siège de Douai, comme aussi à la campagne que nous venons de faire en Hollande, s’étant trouvé à [dans] toutes les conquêtes que nous y avons faites, et même au [à ce] fameux passage du Rhin que nos troupes traversèrent à la nage, nonobstant l’opposition des ennemis qui en défendaient l’abord de l’autre côté ; dans toutes lesquelles occasions ci-dessus le dit [s.] de St-Martin a donné des marques d’une véritable valeur, courage, expérience en la guerre, prudente et sage conduite, fidèle [fidélité,] et singulière affection à notre service, n’ayant point épargné sa vie pour notre service et la défense de cet état, et désirant le [l’en] reconnaître par quelques marques d’honneur qui passant à sa postérité.
Savoir faisons que, pour ces causes et par [de notre] grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons par ces présentes, signées de notre main, anobli et anoblissons ledit Jean de St-Martin, sieur de Borie et du Buisson, et du titre et qualité de noble et gentilhomme l’avons décoré et décorons, [voulons] et nous plaît qu’il soit tenu et réputé pour tel, ensemble ses enfants, [et postérité] tant mâles que femelles nés et à naître en loyal mariage, tout ainsi que s’il était issu de noble et ancienne race […] présente ou future.
Donné à Versailles, au mois de septembre l’an de grâce 1672 et de notre règne le 30e. Signé Louis, et sur le repli, Le Tellier. Registré en la Cour des Aides le 27 avril 1674 ( ?) signé Dupuy […] ».
2. Version complète d’après la copie
Copie de l’acte d’anoblissement de Jean de Saint-Martin, Cour des Aides, Archives nationales, côte Z 1a569, ff. 502 n° 503 V°. Le texte étant d’un seul tenant, pour faciliter la lecture, nous le présentons avec l’orthographe modernisé et avons inséré quelques coupures que nous signalons par ces « / ». Nous avons également mis en couleur le texte absent de la version abrégée.
Louis par la grâce de Dieu Roi de France et de Navarre, à tous présents et venir salut. Comme il n’y a rien qui excite davantage les hommes à la vertu et à servir leur prince et leur patrie que les récompenses d’honneur qui passent à leur postérité, nous avons aussi, à l’exemple des Rois nos prédécesseurs, estimé avantageux à notre service et utile à notre État d’élever au degré de noblesse ceux qui s’en rendraient dignes en servant cette couronne. /
Et, ayant une particulière connaissance des fidèles et recommandables services qui ont été rendus au feu Roi notre très honoré seigneur et père de glorieuse mémoire et nous depuis trente-trois années sans discontinuation par notre cher et bien-aimé Jean Saint-Martin, sieur de Borie et du Buisson, premier brigadier des Gardes de notre corps, ayant dès l’année 1639 commencé de porter le mousquet dans la compagnie de Giscarau [13. La compagnie du capitaine Giscaro qui fut tué devant Ivrée en 1641 pendant la guerre au Piémont. Cf. Louis Susane, Histoire de l’infanterie française, Volume 2, 1876, p. 50, https://books.google.fr/books?id=Hs5SAAAAYAAJ consulté le 06/04/2019. Les dates mises entre crochet proviennent de cet ouvrage dans le chapitre I consacré aux Gardes françaises. Il n’existe pas toujours de concordance dans ces dates… ], capitaine au régiment de nos Gardes françaises, avec lequel étant passé en Italie, il y aurait servi, et se serait trouvé aux sièges et prises des villes et places de Hesdin [1639], Quiers [1639] , Turin, Ivrée [1641], Monval, Coni, Villeneuve-d’Ast, Nice-de-la-Paille [1642], Tortone [1642], Orin et Pontdesture, et dans toutes les autres occasions qui s’offrirent audit pays, même à la retraite de Quiers [1639], bataille de Carignan, secours de Casal, et au combat du secours de Turin qu’ensuite de ce, étant passé en Flandre dans la même compagnie, il aurait servi aux sièges de Gravelines [1652], La Mothe, Courtrai [1661], Bergues, Mardyck [1657], Furnes, au secours de Landrecies [1655 ?] et à la bataille de Lens [1648], puis en celle de Rethel et de Somme puis, ayant été blessé à Gravelines [1658] d’un éclat de grenade à la tête ; que, la guerre civile étant survenue en notre royaume, il nous aurait suivi au voyage que nous fîmes à Poitiers, étant toujours dans notre dit régiment des Gardes françaises, et se serait trouvé au secours de Cognac [1651] et aux sièges de Saintes [1652] et Taillebourg. /
Après quoi, étant repassé par-deçà avec notre armée, ledit Saint-Martin se serait trouvé au combat rendu au faubourg Saint-Antoine [1652] ; ensuite, étant passé sur nos frontières de Champagne, il aurait servi au siège et prise de Stenay et au secours et défaite des ennemis dans la ville d’Arras [1650] ; qu’après cela ayant honoré ledit Saint-Martin d’une charge de garde dans l’une des compagnies des Gardes de notre corps, il nous y a depuis continuellement servi, ayant fait la campagne de Flandre en 1668, où il aurait été blessé d’un coup de mousquet au siège de Douai, comme aussi à la campagne que nous venons de faire en Hollande, s’étant trouvé dans toutes les conquêtes que nous y avons faites, même à ce fameux passage du Rhin que nos troupes traversèrent à la nage, nonobstant l’opposition des ennemis qui en défendaient l’abord de l’autre côté ; dans toutes lesquelles occasions ci-dessus le s. de Saint-Martin a donné des marques d’une véritable valeur, courage, expérience en la guerre, prudente sage conduite, fidélité, et affection singulière à notre service, n’ayant point épargné sa vie pour notre service et la défense de cet État ; et désirant l’en reconnaître par quelque marque d’honneur qui passe à sa postérité, savoir faisons que, pour ces causes et de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons, par ces présentes signées de notre main, anobli et anoblissons ledit Jean de Saint-Martin, sieur de Borie et du Buisson, et du titre et qualité de noble et gentilhomme décoré et décorons ; voulons et nous plaît qu’il soit tenu et réputé pour tel, ensemble ses enfants et postérité tant mâles que femelles nés et à naître en loyal mariage, tout ainsi que s’il était issu de noble et ancienne race /
et que tant lui que sa postérité soient en tous actes lieux et endroits, en jugement et dehors, censés et réputés nobles et gentilshommes et comme en prendre la qualité d’écuyer et qu’ils puissent parvenir aux degrés de chevalerie et autres réservés à notre noblesse : jouir et user de tous les honneurs, privilèges prudhommiers, franchises, exemptions dont jouissent les autres nobles de notre royaume et tout ainsi que s’ils étaient descendus de noble et ancienne race, compte aussi qu’ils puissent acquérir, tenir et posséder toutes sortes de fiefs, terres, seigneuries de quelque qualité et nature qu’elles soient ; et en outre lui avons permis et à ses enfants et descendants de porter les armoiries timbrées telles qu’elles sont réglées par le premier héraut de nos armes et seront ci empreintes, et icelles faire peindre, graver et empreindre en tels endroits de ses maisons, terres, seigneuries, que bon lui semblera ; sans que pour raison de ce présent anoblissement le s. de Saint-Martin et ses descendants soient tenus de nous payer ni à nos successeurs royaux aucune finance ni indemnité dont, à quelque somme qu’elle se puisse monter, comme de toutes taxes sur lui faites ou à faire sous prétexte de notre anoblissement et d’avoir pris la qualité d’écuyer, nous lui avons fait et faisons don par les présentes, à la charge de vivre noblement sans déroger à ladite qualité. /
Si donnons en mandement à nos armés et féaux les gens tenant notre Cour des aides à Paris, présidents et trésoriers généraux de France au Bureau de nos finances établi à Tours et à tous autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, que ces présentes ils aient à faire enregistrer et du contenu en icelles jouir et user ledit s. de Saint-Martin, ensemble ses enfants et postérité nés et à naître en loyal mariage, pleinement, paisiblement et perpétuellement, nonobstant tous édits, règlements, ordonnances, et révocations tant anciennes que modernes, arrêts, lettres et autres choses à ce contraire, auxquelles et aux dérogations y contenues nous avons dérogé et dérogeons pour ce regard seulement par ces présentes. Car tel est notre plaisir et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel [sic pour sceaux ?] à ces présentes, sauf en autres choses notre droit et l’autrui en toutes. /
Donné à Versailles, au mois de septembre l’an de grâce 1672, et de notre règne le trentième. Signé Louis. Et sur le repli : Par le roi Le Tellier. Et à côté est écrit : Visa d’Aligre pour anoblissement du sieur de Saint-Martin, brigadier des Gardes du corps. Signé Le Tellier. Et scellé du grand sceau de cire verte sur lacs de soie rouge et verte.
Registrées à la Cour des aides, ouï le procureur général du Roi, pour être exécutoire et jouir par l’impétrant et ses enfants nés et à naître en loyal mariage en l’effet contenu ès présentes lettres selon leur forme et teneur cy aumônant la somme de 150 livres. À Paris, le vingt-septième jour d’avril 1674 ».
Armoiries de Jean de Saint-Martin
Les armoiries de Jean de Saint-Martin sont données par Ch. D’Hozier dans son Armorial général [14. Charles D’HOZIER. (1697-1709), Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696. Volumes reliés du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Tome XXXIII Tours, I., p.75, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111141r/f78.item.r, consulté le 06/04/2019. ] : « Anne Le Franc veuve de Jean de St-Martin, Ec.r, et Commandant pour le Roy au fort de Blain, à Salins. »
La description des armoiries de la famille de Saint-Martin est décrite par Carré de Busserolle [15. J.-X. Carré de Busserolle, « Armorial général de la Touraine », publié par la Société archéologique de Touraine, tome XIX, 1867, p. 883-884 donne uniquement la description du blason https://books.google.fr/books?id=-NHoqtrqPakC, consulté le 06/04/2019. ] : Porte d’« azur au lion naissant d’or coupé de gueules à fasce ondée d’argent. »
Robert Amadou propose de comparer ce blason familial avec les armoiries maçonniques de Louis-Claude de Saint-Martin inspirées, d’après lui, du blason familial [16. Détail du Tableau des dignitaires… Bibliothèque municipale de Lyon, Ms 5526, pièce 29. ]
On peut également comparer ces blasons avec les « Cachets de Saint-Martin » publiés par Papus dans l’ouvrage qu’il a consacré à Louis-Claude de Saint-Martin [17. Papus (Gérard Encausse), Louis-Claude de Saint-Martin, sa vie, sa voie théurgique, ses ouvrages, son œuvre, ses disciples, suivis de la publication de 50 lettres inédites. Paris, Chacornac, 1902, p. 2. ]
La noblesse de Louis-Claude de Saint-Martin
Le texte de l’acte de noblesse de la famille de Saint-Martin précise bien que ce titre est transmissible :
… par ces présentes signées de notre main, […] tant lui que sa postérité soient en tous actes lieux et endroits, en jugement et dehors, censés et réputés nobles et gentilshommes et comme en prendre la qualité d’écuyer et qu’ils puissent parvenir aux degrés de chevalerie et autres réservés à notre noblesse. »
Louis-Claude de Saint-Martin, comme son père, est noble. Cette situation lui vaudra d’être obligé de partir de la capitale en avril 1794 à la suite du décret du 27 germinal, qui oblige les nobles à quitter Paris. Il précise dans son Portrait (n°449) :
Le décret du 27 germinal me forçant de sortir de Paris comme bien d’autres, je suis revenu à Amboise ma patrie, très dévoué à tout ce que le sort peut me préparer, car j’ai une persuasion secrète que ce décret n’est que la préface de ceux qui pourront lui succéder. Et dans le vrai si parmi les nobles il y a des individus respectables, honnêtes, et justes, il faut convenir néanmoins que la noblesse en elle-même est une gangrène qui ne subsiste qu’en dévorant ce qui l’environne ; l’espèce n’en vaut rien, or l’espèce n’étant composée que des individus, comment frapper sur l’arbre sans frapper sur ses branches et les entraîner dans sa chute ? Ces idées peuvent se regarder comme le commentaire de ce que j’ai écrit n° 367. »
Dans une lettre à son ami Kirchberger datée du 23 octobre 1793 [18. Correspondance inédite de Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu avec Nicolas-Antoine Kirchberger, baron de Liebistorf, Membre du Conseil souverain de la République de Berne, Du 22 mai 1792 jusqu’au 7 novembre 1797. D’après l’édition de L. Schauer et A. Chuquet Paris, E. Dentu, 1862, p.102, https://books.google.fr/books?id=StFPAAAAcAAJ consulté le 25/04/2019. ], Saint-Martin demande à son correspondant
de supprimer, sur l’adresse de [ses] lettres, le mot monsieur, et d’y substituer celui de citoyen ; c’est la dénomination actuelle de tout ce qui compose la nation française, et je suis jaloux de m’y conformer. »
Avec la Révolution, les titres de noblesse héréditaires ont été abolis par l’Assemblée constituante dans sa séance du 19 juin 1790. Ces titres ne seront restitués qu’avec la restauration en 1814.
Nous terminerons en signalant que sur l’acte de décès du Philosophe inconnu son nom est précédé de la particule associée au qualificatif de citoyen. Il semble qu’après la Révolution Saint-Martin ait continué d’utiliser la particule « de » sans toutefois l’associer à la Noblesse.
Jean-Louis Boutin
Annexe I : Descendance de la famille De Saint-Martin
1. SAINT-MARTIN Arnault.
2. SAINT-MARTIN (de) Sieur de Borie et du Buisson) Jean, N : ../../1628
x LEFRANC Anne, N : ../../1628 M : 17/10/1668 Amboise (37) D : ../../1695
3. SAINT-MARTIN (de) François, N : 23/11/1669 Amboise (37) D : 04/03/1729 Amboise (37)
x BÉRANGER Françoise N : 20/02/1682 M : 26/01/1717 Amboise (37) D : 17/10/1748 Amboise (37)
4. SAINT-MARTIN (de) Claude-François N : 15/11/1717 Amboise (37) D : 11/01/1793 Amboise (37)
X1. TOURNIER Louise N : 31/08/1710 Amboise (37) M : 09/05/1739 Amboise (37) D : 17/10/1746 Amboise (37)
5.1. SAINT-MARTIN (de) Louise-Françoise N : 25/01/1741 Amboise (37) D : 14/02/1828 Tours (Indre et Loire)
X1. AUBRY (Seigneur de BEAUVAIS) Denis-Louis M : 09/05/1763 Tours (Indre et Loire)
X2. DESHERBIERS (Marquis de l’ESTANDUÈRE) Antoine-Auguste N : ../../1749 M : 17/05/1783 Tours (Indre et Loire) : ../../1794
5.2. de SAINT-MARTIN François-Elisabeth N : 31/12/1741 Amboise (37) D : 24/05/1750 Amboise (37)
5.3. de SAINT-MARTIN Louis-Claude N : 18/01/1743 Amboise (37) D : 13/10/1803 Aulnay (Seine Saint Denis)
5.4. de SAINT-MARTIN Jean-Anne N : 24/07/1744 Amboise (37)
X2. TRÉZIN Marie-Anne B : 06/03/1723 M : 15/09/1750 D : 15/01/1797
5.5. de SAINT-MARTIN Louis Jean N : 15/09/1750 Amboise (37)
Abréviations : X ou M : mariage ; B : baptême ; N : naissance, D : décès. Les chiffres correspondent aux différentes générations.
Annexe II : Les gardes françaises
Nous donnons ici le texte publié dans l’Encyclopédie de Diderot [19. Denis Diderot, Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Sociétés typographiques, Lausanne et Berne, 1782, Volume 15, p. 760, https://books.google.fr/books?id=NMY_AAAAcAAJ, consulté le 06/04/2019. ] :
« C’est un régiment d’infanterie créé par Charles IX en 1563, composé de trente-trois compagnies divisées en six bataillons. Tout le corps est commandé par un colonel ; chaque compagnie par un capitaine, qui a sous lui un lieutenant, un sous-lieutenant, un enseigne et quatre sergents, à l’exception de la colonelle, où il y a trois lieutenants, autant de sous-lieutenants, deux enseignes, six sergents : chaque bataillon a, outre cela, son commandant, son major et ses aides-majors. Les gardes-françaises tiennent toujours la droite sur les gardes-suisses ; et leurs officiers portent le hausse-col doré, au lieu que ceux des gardes-suisses le portent d’argent. Ils ont aussi leur juge particulier, qu’on nomme le prévôt des bandes. Leur uniforme est bleu, parement rouges, avec des agréments blancs, leurs drapeaux bleus traversés d’une croix blanche et parsemés de fleurs de lis d’or. Plusieurs compagnies montent la garde chez le roi et sont relevées par autant d’autres au bout de quatre jours. Ils gardent les bâtiment extérieurs du Louvre, les cours et avant-cours, où ils se rangent en haie lorsque le roi ou la reine doivent sortir ; ils restent dehors jusqu’à la rentrée du roi ou de la reine ; les tambours battent au champ pendant leur passage. Ils appellent pour les enfants de France et ils rendent le même honneur à leur colonel. On les emploie aussi à différentes gardes dans Paris, où ils sont logés dans les faubourgs et ont divers corps-de-garde ; et lorsque le roi n’est pas à Versailles, ils fournissent toujours un certain nombre d’hommes pour la garde de la reine et des enfant de France ».