En juillet 1765, Louis-Claude de Saint-Martin rejoint le régiment de Foix. C’est dans ce cadre qu’il sera initié dans l’ordre des Élus-coëns. L’histoire de ce régiment étant peu connue, nous en présentons un résumé écrit par le général Louis Susane en 1876.
C’est à Bordeaux que l’ordre fondé par Martinès de Pasqually s’épanouit, notamment grâce aux officiers du régiment de Foix qui vont le seconder dans l’organisation d’une organisation encore en gestation. Pour remplir ses missions, ce régiment d’infanterie se déplace d’une région à l’autre, quand il ne va pas combattre dans des pays éloignés. Ainsi, c’est en rentrant de Saint-Domingue qu’il s’installe à Bordeaux en juillet 1765, ville où il ne restera que jusqu’en novembre 1766. C’est donc essentiellement lors de certains de leurs quartiers d’hiver que les membres du régiment pourront réellement apporter leur aide à Martinès de Pasqually. On imagine d’ailleurs mal comment la loge Élus-coëns du régiment pouvait réellement poursuivre ses activités pendant ses périples. C’est sans doute pour cette raison que Saint-Martin abandonnera dès 1771 la carrière militaire pour devenir le secrétaire de Martinès de Pasqually. Le texte du général Louis Susane nous permet de suivre l’itinéraire du régiment de Foix, depuis sa création en septembre 1684, jusqu’en 1815. Nous avons ajouté à ce texte quelques illustrations montrant quelques-uns des lieux où il a stationné. Nous avons également inséré dans des encadrés des éléments qui permettent de situer le Philosophe-inconnu dans cette chronologie.
Le texte du général Louis Susane que nous reproduisons ci-dessous est extrait de : Histoire de l’infanterie française, Librairie militaire J. Dumaine, Paris 1876, tome 5, p 30-36. C’est la version abrégée d’un texte plus conséquent qu’il avait publié précédemment dans le tome 5 de son Histoire de l’ancienne infanterie française, Librairie militaire, Maritime et Polytechnique de J, Corréard, Paris, 1853, p. 140-150. (Ilustration) [1. Composition réalisée à partir d’une gravure représentant le Château Trompette de Bordeaux avec un soldat vêtu de l’uniforme du régiment Foix-Infanterie. ]
Sommaire
Histoire du régiment
Le régiment de Foix, créé sous ce titre le 13 septembre 1684, a été formé sur le pied de 15 compagnies, dont plusieurs venaient des régiments de Normandie et de La Marine. Il fut porté à 20 compagnies en 1688, et il débuta cette année sur le Rhin à la prise de Philippsbourg, Manheim et Frankenthal. Il a servi pendant les deux campagnes suivantes sur les côtes de Normandie.
En 1691 il fait partie de l’armée des Alpes et contribue à la soumission de Montmélian et de Chambéry. Il est en Flandre en 1692 et assiste au siège de Namur et à la bataille de Steenkerque, où il se distingue sous la conduite du lieutenant-colonel de Champagnac. Il se fait encore remarquer l’année suivante à Neerwinden et devant Charleroi, où ses grenadiers et un piquet de 50 fusiliers montent, 26 septembre, à l’assaut de la redoute de Darmay. Foix sert en 1694 sur la Meuse, contribue en 1695 à la défense de Namur et achève cette guerre sous Boufflers, dans la brigade de Piémont.
En 1701, Foix est porté à deux bataillons, et sert en Flandre. Il se trouve en 1702 au combat de Nimègue et soutient, 27 juin, un combat particulier dans les bruyères de Moock. En 1703 il passe à l’armée du Rhin ; le 1er bataillon est employé au siège de Kehl et suit Villars en Bavière. Le lieutenant-colonel Desroberts est chargé, au mois de mai, avec 100 hommes du régiment et 50 maîtres, d’aller lever des contributions dans la Souabe ; il surprend et rançonne les villes de Freding et d’Ebengheim. Attaqué au retour par 200 cuirassiers de l’Empereur et 30 hussards, il soutient une lutte terrible dans laquelle il est blessé ; mais il force l’ennemi à la retraite.
Le bataillon assiste dans cette campagne aux affaires de Munderkirchen et d’Hochstedt, et à la prise de Kempten, d’Ulm et d’Augsbourg. Le colonel de Ravignan mérita des éloges particuliers pour sa conduite à Hochstedt. Le 2e bataillon, resté sur le Rhin avec Tallard, fait les sièges de Brisach et de Landau, combat au Speyerbach, passe lui aussi en Bavière et s’installe à Ulm. A la deuxième bataille d’Hochstedt en 1704, le 1er bataillon était au corps de Marsin et le 2e à celui de Tallard. Leurs débris se jetèrent dans Brisach avec le régiment de Saintonge et contribuèrent à déjouer la tentative du prince Eugène. Foix, continuant à servir sur le Rhin, figure au secours du fort Louis, à la prise de Drusenheim, de Lauterbourg, de l’île du Marquisat, des lignes de Stolhofen et de Schorndorf, à la défaite du général Janus, à la conquête du Suabs-Gemunden.
Envoyé en Flandre en 1708, au moment où l’armée de cette frontière se faisait battre à Audenarde, il se jette dans Lille et contribue à la belle défense de Boufflers dans cette place. La nuit du 26 au 27 août, 400 hommes du régiment firent une sortie, attaquèrent la chapelle de la Madelaine, l’emportèrent et rasèrent tous les ouvrages de l’ennemi. Le colonel de Ravignan fut blessé dans cette sortie. Après la prise de la ville, Foix se retire dans la citadelle et y fit encore une belle résistance, après laquelle il fut envoyé sur les côtes de la Normandie. Il se rétablit pendant l’hiver et reparut dès l’année suivante à l’armée pour combattre à Malplaquet. En quittant ce champ de bataille, il alla se renfermer dans Bouchain, où il fut assiégé en 1711 par le général hollandais Fagel.
Il y obtint une capitulation honorable que Marlborough ne voulut pas ratifier. Le régiment fut traité en prisonnier de guerre et conduit à Tournai, puis en Hollande. Avec les soldats qui parvinrent à s’échapper, on forma un bataillon, qui demeura en garnison jusqu’à la paix. En 1714, Foix se trouva rétabli par l’incorporation du régiment de Blacons et des compagnies franches de Gaudemberg et de Guise. On y versa encore en 1716 les compagnies franches de Maucomble et d’Antoine.
Foix partit pour l’Italie en 1733 et fut employé à la prise des places du Milanais. En 1734, il débute parles siège de Novare, de Tortone et du fort d’Arrona. Le 4 juin, lorsque les Autrichiens attaquent les retranchements de Colorno, il arrive des premiers au secours des troupes engagées, et il recueille une bonne partie de la gloire de la journée, en chassant l’ennemi du château et en s’emparant, après un combat meurtrier, du pont sur le Lorno que les Impériaux avaient fortifié.
Le colonel de Thome fut grièvement blessé à la jambe et obtint le grade de maréchal de camp en récompense de ses longs services, de l’habileté et du courage qu’il avait déployés dans cette affaire. Le régiment fut donné à son frère, qui se fit tuer le 29 juin à la bataille de Parme. Le lieutenant-colonel de La Caze fut à son tour très dangereusement blessé, le 17 septembre, à la bataille de Guastalla. Dans ces deux grandes journées, Foix était embrigadé avec Picardie. Il fit en 1735 les sièges de Revere, Reggio et Reggiolo, rentra en France en septembre 1736, et se rendit à Landau.
Parti pour la Bavière en mars 1742, Foix est d’abord placé à Amberg avec le régiment d’Orléans. Il marche bientôt vers la Bohême, se trouve au combat de Sahay, au ravitaillement de Frawemberg et arrive à Prague au mois de juin. Il était déjà, à cette époque, réduit à 478 hommes. Pendant le blocus de Prague, il forme brigade avec le régiment de La Reine : il est écrasé à la sortie du 22 août ; le colonel de Boudeville y reçoit une très grave blessure.
A sa rentrée en France en février 1743, et quoiqu’il eût reçu des miliciens, Foix était réduit à 2 officiers et moins de 300 hommes, la plupart éclopés qui furent envoyés à Saint-Omer. En 1744, le régiment, à peu près rétabli, se mit en route pour l’Italie, participa à la conquête du comté de Nice, franchit le col de Tende et se trouva à la prise de Château-Dauphin et de Démont, au siège de Coni et à la bataille de la Madonna de l’Ulmi, livrée le 30 septembre sous les murs de Coni. Il y était embrigadé avec Lyonnais et fut de la grande charge qui décida la victoire. Cantonné sur les Alpes en 1745, il est, 11 octobre, au combat livré près de Josseau dans la vallée de Pragellas, où le comte de Lautrec défait un corps piémontais. Il redescend en Italie en 1746, fait le siège d’Acqui et se trouve aux deux malheureuses batailles de Plaisance et de Tidone. Dans cette dernière affaire, il dispute vivement avec Anjou le passage de la rivière : le colonel de Grollier y est blessé.
Le régiment se retire en Provence. Après que l’ennemi a repassé le Var en mars 1747, il entre au camp de Tournoux et il y demeure jusqu’au 10 septembre. Il rejoint alors l’armée, prend part aux combats de 17 et 18 octobre autour de Vintimille, et il garde les débouchés de cette frontière jusqu’à la paix. Foix faisait partie en 1756 du camp du Havre. Il part en mars 1757 pour Stockheim, rendez-vous de l’armée du Bas Rhin. Il se distingue à la prise de Lippstadt, où il reste en garnison. Au commencement de 1758 il est placé en observation sur la frontière hollandaise, et après la défaite de Créfeld, il est jeté dans Dusseldorf avec d’autres corps français et autrichiens. Comme les autres corps français, il refuse d’accepter la capitulation consentie le 29 juin par le gouverneur autrichien : il rentre en France, est envoyé en Bretagne, et s’embarque en 1760 pour Saint-Domingue. Il est porté à 2 bataillons le 30 août 1762, passe au service des ports et colonies le 10 décembre et reste à Saint-Domingue jusqu’en juillet 1765.
Note : Le 26 juillet, Louis-Claude de Saint-Martin obtient par le duc de Choiseul un brevet de sous-lieutenant de grenadier au régiment de Foix. Il le régiment à Bordeaux.
« Après le duc de Choiseul, c’est Grainville premier capitaine de grenadiers au régiment de Foix qui a été l’instrument de mon entrée dans les hautes vérités qu’il me fallait. C’était en 1765, quelques jours après mon arrivée dans le régiment. Je n’étais pas très jeune, il me distingua entre mes camarades, et vint à moi sur la place du Château-Trompette. Il me fit quelques questions auxquelles je répondis de mon mieux selon les faibles connaissances que j’avais ; il fut content néanmoins, et dans peu de jours, on m’ouvrit toutes les portes que je pouvais désirer. Champoléon, capitaine au même régiment était plus instruit que Grainville, et il aurait pu m’être plus utile qu’il ne me l’a été s’il ne s’était cru obligé de se voiler et de me faire tirer la langue. Il n’y avait pas de zèle aussi vif, et aussi pur que le mien. […] » (Mon Portrait, n° 167)
A sa rentrée en France, Foix fut placé au Château-Trompette de Bordeaux et à Blaye, d’où il est allé à Nantes en novembre 1766, à Port-Louis, Lorient et Belle-Isle en septembre 1767, à Rochefort en mai 1769, à Longwy en novembre 1769, à Saint-Omer en décembre 1770, à Lille et Aire en janvier 1771, à Lorient et Belle-Isle en octobre 1772, à La Rochelle en novembre 1774, à Auch et Nérac en février 1775 et à Toulon en octobre 1776.
Citadelle du Port-Louis près Lorient en 1792
Note : En 1771, Saint-Martin démissionne de l’armée et devient le secrétaire de Martinès de Pasqually – Un document conservé aux Archives Service historique de l’Armée (Château de Vincennes) montre qu’il était passé à une autre sous-lieutenance le 18 octobre suivant, puis à une lieutenance le 23 juillet 1769. Des observations précisent : 1765 « Excellent sujet à tous égards. 67. idem, 68 idem. » (Registre Yb 198, f. 51 r°)
« […] Les six ans que j’ai passés au service ne m’ont pas laissé deux jours de suite sans cette incommodité parce que la fatigue du métier était trop grande pour moi, et que les forces passant toutes dans mes jambes, il n’en restait plus pour les digestions, c’est là ce qui a puisé le baume de mon sang, et m’a rendu frêle pour le reste de mes jours. Une seule idée de plus dans une tête qui m’est bien chère m’aurait épargné beaucoup de ces inconvénients, mais cette idée ne lui était pas donnée, et ma vie entière a été une immolation perpétuelle opérée sur moi par cette puissance. » (Mon Portrait, n° 64.)
Cette même année [1776], 500 hommes sont embarqués sur la flotte du comte d’Estaing, et le nom de Foix est glorieusement mêlé aux événements de la guerre d’Amérique. Les compagnies expéditionnaires prennent part les 3 et 4 juillet 1779, à la conquête de la grenade, et, le 6, au combat naval livré à l’amiral Byron ; le capitaine de Frémont y est tué. Au mois de septembre, elles servaient au siège de Savannah sur le continent américain.
Après un séjour de deux ans à la Grenade, ces compagnies montent sur le vaisseau Le Magnanime de la flotte du comte de Grasse, et assistent aux affaires des 9 et 12 avril 1782 contre l’amiral Rodney : le lieutenant de Trogoff y est tué. Pendant ce temps, le gros du régiment s’était rendu de Toulon à Béziers en décembre 1778, et en novembre 1781, pendant les troubles de Genève, il était venu prendre des cantonnements dans le pays de Gex. En décembre 1783, Foix était tout entier à Strasbourg. Il est allé depuis à Landau en avril 1786, à Sedan en novembre 1787 et à Givet à la fin de 1790.
En juin 1791, en apprenant la fuite du roi, les soldats de Foix offrirent l’argent de leurs masses à l’Assemblée nationale pour la réparation des fortifications de Givet, et ils se mirent eux-mêmes à l’œuvre avec une ardeur qui leur valut, le 12 juillet, un décret spécial de remerciements. En 1792, Foix fait partie de l’armée de La Fayette. Il se distingue extrêmement, 23 mai, en compagnie du régiment de Condé, au combat d’Hamptine. Conduit par le lieutenant colonel Champollon, il fit sa retraite en échelons par demi-bataillon et arriva en bon ordre à Philippeville. Le 1er bataillon fut alors envoyé à Sedan et le 2e à Cambrai.
En 1793, le 1er bataillon sert à l’armée du Nord et passe dans la Vendée avec le général Cordellier. Il a servi dans l’Ouest jusqu’à la fin de la guerre civile, sans avoir été amalgamé : il est entré directement, le 22 avril 1796, dans la 7e demi-brigade nouvelle. – Voir au régiment de Vintimille. Le 2e bataillon de Foix quitta Cambrai en 1793 pour se rendre à l’armée du Rhin. Il servit deux ans sur cette frontière et fut versé, le 29 avril 1795, dans la 154e demi-brigade, qui est entrée, 20 février 1796, à l’armée de Rhin et Moselle, dans la composition de la 10e légère nouvelle.
La 10e légère a servi jusqu’à la paix en Allemagne et en Suisse. Elle est citée aux combats de Rastadt, d’Hindenheim et de Freysing, à la bataille de Zurich, aux combats d’Enghen et d’Hochstedt, au passage du Danube et au combat de Neubourg. A la paix, elle stationne à Spire, Worms et Oppenheim, puis à Rouen et Évreux. Sous le titre de 10e infanterie légère, ce corps fait partie du camp de Saint-Omer et du 4e corps de la Grande Armée depuis 1805 jusqu’en 1808. Il fait les campagnes de 1809 et 1810 au 2e corps de l’armée d’Allemagne. A partir de 1811, il est partagé entre l’Allemagne et l’Espagne.
En 1814, il est au 7e corps et en 1815 au 5e. Le 10e léger, licencié à Strasbourg, a versé son fonds à la Légion du Bas-Rhin, 34e de ligne aujourd’hui.
Les drapeaux de Foix étaient vert et isabelle dans chaque quartier par triangles assemblés base à base sur la diagonale de l’étoffe. Il s’était longtemps distingué par la veste bleue, le collet et les parements rouges, des boutons jaunes, des poches ordinaires à 3 boutons ; 3 boutons sur la manche ; chapeau bordé d’or. Il eut en 1763 le revers vert de Saxe, prit en 1775 les parements et les passepoils cramoisis avec des boutons jaunes, et en 1776 le collet jaune, et les revers et parements vert foncé.
Général Louis Susane
Colonels et Mestres de camp
1.- BLAINVILLE (Jules-Armand COLBERT, marquis de), 13 septembre 1684
2.- HENRICHEMONT (N. de BÉTHUNE-SULLY, prince d’), 6 septembre 1689
3.- RAVIGNAN (Joseph de MESMES, marquis de), 4 mars 1696
4.- THOME (Pierre de), 22 janvier 1709
5.- THOME de SAINT-GEORGES (N. de), 1er août 1734
6.- BOUDEVILLE (Jean-François de MALORTIE, marquis de), 13 octobre 1734
7.- GROLLIER de SERVIÈRES (Antoine-Charles-Joseph, chevalier de), 1er décembre 1745
8.- ROUGE (Gabriel-François, comte de), 7 mai 1758
9.- DAMAS-CRUX (Louis-Alexandre, marquis de), 20 février 1761
10.- MAULEVRIER-LANGERON (Alexandre-Nicolas-Claude-Hector ANDRAULT, comte de), 1er décembre 1762
11.- NIEUL (François-Alexis PONTE, chevalier de), 3 janvier 1770
12.- LA ROCHE-AYMON (Guillaume Marie, vicomte de), 1er janvier 1784
13.- BOUAN (Jean-Baptiste-François de CHEF du BOIS, chevalier de) 5 février 1792
14.- CHAMPOLLON (Gaspard-Adrien BONET du LOUVAT de), 12 juillet 1792
15.- BALLAND (Antoine), 8 mars 1793.
Extrait de Histoire de l’infanterie française, Librairie militaire J. Dumaine, Paris 1876, tome 5, p 30-36
Petit mémorial rédigé par Saint-Martin à propos de Foix-Infanterie
« Voici un petit mémorial sur mon historique à Bordeaux. Mon entrée baroque au régiment de Foix, mon début avec le colonel, comte de Langeron sur la place d’arme du Château-Trompette, prés d’un sergent du rgt. de Condé qui était venu dresser le rgt. tout en recrue depuis son retour des Iles. Les noms qui me sont restés des officiers. St-Cou, Fitz-Patrik, du Laurent, Courteville, du Chastelet, Mayac, Champoléon, du Rosel, Renti, Concarnau, San-Dominguo, Montal, d’Hayenge, Guillemain (tué à Nantes) le major Cher d’Ary, le lieutenant-colonel d’Anderni (son bon valet La Pierre) Macdonal, L’Epine, La Haye, des Hayes, La Cottiere, Deval, Sigoyer, La Serre, Flamenville, Cauliere, Chasteignier, Gayot, Malherbe, Legrand (neveu de Grainville, et le plus bel homme que j’aie vu de ma vie) Trenonay (qui m’engagea à dîner le jour de l’affaire de Nantes) les deux Mondion, d’Au, Rey, La Girousiere, Montredon, les deux Dustou, Villars, Bouvet, de Lys Cleramboust, Vanosq, Cohasseau, Bayeux, La Richardiere, Grandoit, d’Amfreville, Fremont (qui fut tué au combat de Monsieur Destaing) Milly ; je ne dois pas oublier le fameux père Bullet, aumônier du régiment, ni Strolle chirurgien-major, ni le beau L’Espérance tambour-major, Maxa qui de sergent de ma compagnie devint officier, ainsi que Langevin, etc. Mes garnisons ont été Bordeaux, Blaye, Nantes, L’Orient, Rochefort, Longwy, Tours par intérim pour veiller aux dépôts des malades.
J’ai quitté le régiment en 1771 lorsqu’il était à L’Ile [Lilles], pendant un semestre. Ces semestres que j’allais toujours passer à Bordeaux déplaisaient un peu à Mr de Langeron ; j’étais même obligé de jouer au fin avec lui et avec mon père, pour cultiver mes grands objets dans ce pays-là comme si j’eusse eu de mauvais desseins, témoins l’affaire des recrues pour lesquels je supposai une mission.
Mais je passe à d’autres détails et à d’autres liaisons dans cette même ville. Liaisons mondaines, le maréchal de Richelieu, Madame Ainslie, Sandilan, Grace, Montbrison, les musiciens Beck, et de La Lande, Monsieur Prune, les Vertamon, Messieurs Pifon au Château-Trompette etc. Liaisons spirituelles, le Maître Pasqually, quelques officiers du régiment et en ville, de Serre, d’Hauterive, l’abbé Fournier, Fatin, Shild, Laborie, les Coëffard, quelques personnes de Libourne, Fortin et sa soeur, (il me mena à Polliac chez Monsieur de Loupes de Geres) Mathias un ingénieur des ponts et chaussées, le major Colas, son frère Benoni, le père Verillac. Evénements spirituels, soit à St-Surin, soit dans la rue des Juifs, soit dans la rue Carpenteyre, soit dans la rue Sainte-Croix ; brûlure de papiers un mardi gras, lors de l’arrestation de Monsieur de Labaume, etc. Tous ces lieux, toutes ces personnes, tous ces événements laissent dans mon esprit des souvenirs intéressants, et les couleurs que mon être a prises dans ce pays en différents voyages sont au nombre des plus essentielles qui puissent entrer dans mon portrait. (Mon Portrait, n° 294)
Quelques souvenirs de Saint-Martin à propos des officiers du régiment
And… lieutenant colonel
Il y a des personnes d’un caractère froid et réservé avec lesquelles on ne sait comment se conduire. Tel fut pour moi Monsieur d’And… lieut… col… au régt. de Foix. Si je lui avais laissé voir mon dégoût pour le métier, c’était me couper le col. Si je paraissais m’y attacher, il me prenait pour un jeune homme sans expérience. Que fallait-il donc faire ? Obéir aussi froidement que j’étais commandé. » (Mon Portrait, n° 1054)
M. de Langeron
Le 1er mai 1803 j’ai perdu à Paris Mr de Langeron mon ancien colonel au régiment de Foix. C’était un homme de bien, et qui a été regretté de tous ceux qui le connaissaient. Je ne peux jamais penser à ce régiment ni m’occuper de ceux qui le composaient, sans m’attendrir de reconnaissance pour la Providence, puisque c’était par cette voie, en apparence si étrangère pour moi, qu’elle avait eu le dessein d’accomplir ses projets sur moi. » (Mon Portrait, n° 1118.)
Adrien Gaspard Bonnet de Louvet de Champollon (Champoléon)
Champoléon capitaine au régiment de Foix me dit un jour cette sentence : Ce n’est que l’intérêt ou l’exemple qui a rendu les hommes méchants ; ils ne le sont pas naturellement ; car alors les hommes bons seraient des monstres, comme étant contraires à leur nature. Cette proposition est plus spécieuse que vraie. L’homme naît avec un mixte dans son moral comme dans son physique. Il devient bon ou mauvais dans la société, selon que c’est l’un ou l’autre de ces germes qui végète. La proposition que j’attaque supposait l’homme à époque primitive où tout était pur ; cette époque n’est plus. » (Mon Portrait, n° 1055.)