En 2016, Loïc Montanella publiait aux éditions de la Tarente la correspondance entre J.-B. Willermoz et le baron Weiller de 1772 à 1775, lettres qui permettent de mieux comprendre les étapes de la réforme de la Stricte observance templière en Régime écossais rectifié. La Correspondance maçonnique échangée par Jean-Baptiste Willermoz et Claude-François Achard, publiée par Jacques Rondat chez le même éditeur, se rapporte à une autre époque. Elle concerne plus particulièrement les années 1805 à 1812, période qui marque le réveil du Régime écossais rectifié après la Révolution. L’auteur présente ici la transcription des lettres échangées entre J.-B. Willermoz et C.-F. Achard, vénérable maître de la loge de la Triple espérance de Marseille, lesquelles constituent pour lui un véritable « cours de maçonnerie rectifiée ». Elles permettent en effet de mieux comprendre les particularités de ce régime spécifiquement chrétien, qui marie d’une façon subtile la doctrine martiniste avec la franc-maçonnerie.
Ce travail est la publication de la thèse de doctorat soutenue par Jacques Rondat le 16 décembre 2016 à l’École pratique des hautes études (section Sciences religieuses), sous la direction de Jean-Pierre Brach. Après une analyse du contexte culturel, politique et économique attaché à la fin du XVIIIe siècle, Jacques Rondat présente les deux épistoliers avec des notices biographiques. Ces dernières nous semblent toutefois un peu courtes. En effet, il aurait été intéressant d’insister davantage sur les événements ayant entraîné la déroute du Régime rectifié, avec l’affaire de l’Agent inconnu et la Révolution qui le réduisirent au silence. Certes, certains de ces points sont évoqués en quelques mots dans l’introduction du livre, mais il aurait été plus judicieux de les insérer dans la partie biographique de Willermoz, car ces étapes conduisent à ce qui constitue le sel de la correspondance entre Willermoz et Achard : la relance des activités du Régime sous l’Empire. Jacques Rondat met ensuite en évidence quelques-uns des thèmes marquants de cette correspondance : le magnétisme animal, le livre Des Erreurs et de la vérité, les pratiques ésotériques de C.-F. Achard, l’arithmologie du Régime écossais rectifié, le christianisme de ce dernier et celui de Willermoz. Certains de ces points auraient demandé des développements plus importants, en particulier à propos des Erreurs et de la vérité, livre qui a joué un rôle majeur dans la diffusion de la pensée théosophique en Europe. De même, le thème fondamental de l’arithmologie aurait mérité que l’auteur s’y attarde un peu plus, dans la mesure où il est essentiel dans la théosophie martiniste qui sous-tend la doctrine du Régime rectifié. Gérard Rondat insiste davantage sur d’autres aspects importants de cette correspondance, en particulier sur ce qui touche à l’organisation et à l’administration du R.E.R.
Le second volume propose la transcription complète des 82 lettres de Willermoz et Achard, ainsi que celles de l’oncle et du neveu de Willermoz, et du fils de C.-F. Achard. Ces documents viennent pour une part du fonds Willermoz de la bibliothèque municipale de Lyon, et pour l’autre des fonds du Grand Orient de France. Il s’agit d’un travail important (près de 400 pages), car les lettres de Willermoz sont souvent de véritables leçons, certaines couvrant plus de trente pages (par exemple celle du 17 février 1805, p. 101 à 136). Elles sont présentées d’une manière chronologique, mais l’auteur de l’ouvrage a classé séparément celles de chaque scripteur, ce qui ne facilite pas la compréhension des échanges. Pour contourner ce problème, nous avons trouvé intéressant d’ajouter au sommaire ci-dessous les dates des lettres.
Quoi qu’il en soit, ces deux volumes nous paraissent indispensables pour comprendre un épisode fondamental de l’histoire de la franc-maçonnerie. Ils mettent en évidence le rôle méconnu d’un personnage éminent, Jean-Baptiste Willermoz, en nous permettant de découvrir un homme attachant, Claude-François Achard, médecin, savant, encyclopédiste et philanthrope provençal. Comme le souligne justement Jacques Rondat, cette correspondance « représente un ensemble cohérent montrant un dialogue permanent qui nous fait découvrir la difficulté de pratiquer le Rite écossais rectifié, rite chrétien » assez éloigné des préoccupations de sociabilité et de mondanité qui caractérisaient la franc-maçonnerie de son époque.
Tome I : Un cours de Maçonnerie Rectifiée
Tome II : Transcription de la correspondance
Auteur : Jacques Rondat
Préface : Jean Pierre Brach
Postface : Roger Dachez
Nb. pages t. 1 : 384 p., t. 2 : 400 p.
Editions : Les Éditions de la Tarente
Collection : Fragments maçonniques
Année de parution : 2017
ISBN : 9782916280318 et 9782916280325
Présentation de l’éditeur
Les recherches sur l’histoire du Régime Rectifié sont en plein essor. Le travail de Jacques Rondat, consacré à la présentation de la correspondance échangée, de 1786 à 1810, entre Jean-Baptiste Willermoz et Claude Achard, en est un bel exemple.
J.B. Willermoz, important réformateur maçonnique, ambitieux dévoué et infatigable, nous a laissé bon nombre de témoignages écrits de son action. L’exemple particulier qu’a choisi de mettre en lumière l’auteur, est un exercice de pédagogie maçonnique concrète à propos de la conduite d’une loge, La Triple Union de Marseille, dont Achard était le Vénérable. J.B. Willermoz se montre virtuose, lucide et expérimenté dans ce délicat exercice de « direction spirituelle » à distance.
L’attention et le scrupule portés par le grand maçon lyonnais à la formulation de ses directives ou de ses conseils n’en sont que plus sensibles, tant sur le fond que sur la forme.
Jacques Rondat nous montre à quel point fut essentielle l’activité de J.B. Willermoz, celle d’un serviteur au sens le plus noble du terme. Il restera celui qui, sans jamais renoncer à ses convictions personnelles, se dévoua avec abnégation à l’avancement d’une cause dépassant ses propres intérêts.
Le deuxième volume de la correspondance inédite entre Jean-Baptiste Willermoz et Claude Achard est la transcription de leurs échanges épistolaires qui eut lieu de mai 1787 à mars 1812. Elle nous décrit la vie maçonnique ainsi que la société et l’environnement dans lequel vivaient des deux hommes.
Cet énorme travail de Jacques Rondat est une mine de renseignements pour les curieux, mais aussi une véritable somme pour les cherchants.