Dans cette nouvelle édition (6e) mise à jour de son étude sur l’ésotérisme, Antoine Faivre, traçant les contours de ce sujet souvent mal compris, nous offre notamment une introduction plus développée. Après avoir dénoncé les étymologies hasardeuses du mot « ésotérisme », l’auteur y répertorie les différents sens que revêt ce terme suivant les locuteurs, et présente ses diverses acceptions : un ensemble hétéroclite au parfum de mystère, une tradition primordiale…
Cette entrée en matière le conduit à définir deux modes d’approche de l’ésotérisme occidental, l’une religioniste et universaliste, l’autre historico-critique. Reprenant une thématique déjà formulée dans l’édition précédente de 1992, il définit six composantes caractérisant l’ésotérisme : idée de correspondances universelles, nature vivante, rôle des médiations et de l’imagination, expérience de la transmutation, pratique de concordance, idée de transmission. Cette introduction se termine par un état de la recherche sur la notion d’ésotérisme en Europe, où Antoine Faivre évoque les publications importantes et les institutions académiques étudiant ce sujet. Soulignant les obstacles à la reconnaissance de ce champ spécifique souvent objet de malentendus, il expose enfin de nouvelles perspectives de recherche.
Les cinq chapitres de son livre présentent les éléments marquants des grandes périodes de l’histoire de l’ésotérisme, depuis ses sources antiques et médiévales (l’hermétisme alexandrin, l’alchimie, la kabbale juive…) jusqu’aux sociétés initiatiques contemporaines, voire aux nouveaux mouvements religieux. Chaque chapitre se termine par une évocation de la présence de l’ésotérisme dans l’art, montrant que cette forme de pensée ne constitue pas un phénomène marginal, mais qu’elle s’inscrit dans la culture européenne.
Faute de pouvoir analyser ici l’ensemble des chapitres, nous nous attarderons quelques instants sur le troisième, intitulé « L’ésotérisme à l’ombre des Lumières ». Ce chapitre permettra en effet à ceux qui s’intéressent à l’Illuminisme, c’est-à-dire à l’ésotérisme du XVIIIe siècle, d’enrichir leurs connaissances sur l’époque où vécut Louis-Claude de Saint-Martin. Antoine Faivre en présente d’abord les précurseurs : G. Arnold, J. Boehme, W. Law, S. Richter. Il aborde ensuite les théosophes majeurs de cette période : E. Swedenborg, F. C. Œtinger, F. R. Saltzmann, Karl von Eckartshausen, J.-P. Dutoit-Membrini, sans oublier Martinès de Pasqually, L.-C. de Saint-Martin, et J.-B. Willermoz.
Ce chapitre évoque aussi des « visages de l’Illuminisme » moins connus, comme J. C. Lavater, J. F. Oberlin, J. H. Jung-Stilling, I. V. Loupouchine, Court de Gébelin, avant de parler de l’aspect initiatique de cette époque avec la Stricte Observance templière, le Rite Écossais Rectifié et autres systèmes maçonniques ou paramaçonniques.
En résumé, on peut dire de cet ouvrage à la fois érudit et synthétique qu’il est le guide idéal pour ceux qui souhaitent élargir leurs connaissances en matière d’ésotérisme. Il permet de mieux appréhender la richesse et les implications de ce domaine si particulier dans l’histoire de la culture, dont il constitue un aspect trop souvent négligé, faute d’être mal compris.
Dominique Clairembault
Titre : L’Ésotérisme – « Que sais-je ? »
Auteur : Antoine Faivre
Editeur : Puf
Nb pages : 127 p.
Parution : 2019 (éd. originale 1992)
ISBN : 978-2-13-056064-7
Présentation de l’éditeur
De l’initiation maçonnique au yoga en passant par l’alchimie ou le spiritisme, l’extrême diversité de ce qui relèverait de la catégorie d’ésotérisme fait perdre tout sens précis à cette notion. Or l’intérêt porté à la dimension irrationnelle et spirituelle de l’homme ne cesse d’augmenter le nombre de manifestations dites ésotériques, qu’elles soient pratiques ou théoriques, nouvelles ou réactualisées. L’ambition de cet ouvrage est d’esquisser les contours de cette forme de pensée, en s’appuyant sur les courants qui l’illustrent dans le monde occidental, et particulièrement depuis le début des Temps modernes.
L’auteur : Antoine Faivre est directeur d’études à l’École pratique des hautes études, dans la section des sciences religieuses.