Ce bulletin débute par une série d’articles nous éclairant sur la vie maçonnique bordelaise au XVIIIe siècle. Le premier poursuit la série commencée dans le bulletin précédent à propos des archives maçonniques bordelaises découvertes à Minsk, en Biélorussie. Anatole Stébouraka y analyse cette fois le « Livre d’architecture de la loge Anglaise 204 (vérifier la majuscule)» et met en évidence les visites qu’y fit Étienne Morin, haute figure de la maçonnerie écossaise, entre 1746 et 1750. Ces mêmes archives permettent à Michelle Nahon et Maurice Friot de nous présenter une loge bordelaise peu connue : la loge du Saint-Esprit, qui fut créée en 1770. Comme ils le montrent, « entre 1761 et 1772, la franc-maçonnerie est active et d’importance, ce qui donne à Martinès à la fois des possibilités, mais aussi des freins, car lorsqu’un franc-maçon est de passage à Bordeaux, il a vraiment le choix de visite entre plusieurs loges et l’on comprend mieux les actions que déploient Martinès pour que le choix se fasse sur son propre atelier » (p. 17).
Toujours à la pointe de la recherche sur la vie maçonnique bordelaise au XVIIIe siècle, Michelle Nahon consacre également un article à la loge des Élus Parfaits ou Parfaite Loge d’Écosse de Saint-Jean de Jérusalem, fondée par Étienne Morin, que nous avons déjà croisé dans l’article d’Anatole Stébouraka. Après avoir évoqué la vie des loges à l’époque où Martinès de Pasqually était présent, Michelle Nahon s’interroge sur l’existence de possibles relations entre le premier maître de Saint-Martin et cet illustre maçon.
André Kervella nous livre un long article, très documenté, sur Jean-Baptiste Collas de Maignet, le beau-frère de Martinès de Pasqually. Il retrace son parcours maçonnique à Saint-Domingue, notamment à la première loge écossaise du Cap. Une fois de plus, cet auteur nous offre de nombreuses informations qui nous permettent de mieux comprendre l’implantation de la franc-maçonnerie dans cette colonie française.
Dans un article qui ne nous a guère convaincu, Michelle Nahon revient sur la question du « portrait » en silhouette de Martinès de Pasqually. Sans doute à tort, nous continuons à penser que celui-ci n’a rien d’authentique.
Jean-Louis Boutin propose deux articles. Le premier nous offre la fin de la transcription du Traité sur la réintégration des êtres créés, d’après la copie déposée aux archives départementales de Lot-et-Garonne. Cette dernière livraison présente les dernières pages du manuscrit (p. 51 à 64). Elles correspondent aux § 67 à 78 de la version du Fonds Z, selon la numérotation du Traité établie par Robert Amadou. Ce travail permettra aux chercheurs de se plonger plus en détail sur les différences manifestes qui existent entre les différentes versions du Traité.
Jean-Louis Boutin nous expose ensuite une découverte des plus intéressantes : Le Petit livre du Chrétien dans la pratique du service de Dieu… dont Martinès de Pasqually recommandait l’usage à Willermoz, particulièrement pour son « Office du Saint-Esprit », qui devait être pratiqué régulièrement. Nous avions été nombreux à le chercher en vain, mais cet ouvrage demeurait introuvable en France. Jean-Louis Boutin, après de patientes recherches, est arrivé à en découvrir plusieurs éditions à la British National Bibliography et à la Harvard Library. Après nous avoir expliqué la place de l’Office du Saint-Esprit dans la liturgie chrétienne, il nous propose une traduction inédite de ce recueil de piété. Cette découverte met fin à bien des spéculations sur ce rituel et met en évidence une fois de plus l’importance des pratiques spirituelles chrétiennes dans la vie intérieure des Élus coëns.
Ce numéro présente enfin deux publications de Thierry Lamy. La première ouvre une série d’études consacrées au corpus élu coën, c’est-à-dire à un « état des pièces d’ordre rituel, administratif ou autre touchant de près l’organisation et le fonctionnement de l’Ordre des Élus coëns » (p. 68). Ce premier épisode aborde le premier texte du Livre vert ou Manuscrit d’Alger : la « Lettre sur l’harmonie ». Il n’apporte cependant pas d’éléments novateurs. Il aurait été intéressant de s’intéresser par exemple à la source utilisée par Robert Amadou en 1977, lors de la première publication de ce texte. Comme à son habitude, ce dernier ne révéla pas sa source, mais il semble qu’il s’agisse du Manuscrit d’Alger que Robert Ambelain refusait alors de montrer. Le second article, plus intéressant, présente des extraits de lettres de Martines de Paqually venant du même Manuscrit d’Alger. Ces textes, exposant ou commentant divers points de sa doctrine, ont été copiés par un de ses disciples.
Comme à son habitude, le Bulletin s’achève par quelques notes de lecture. Michelle Nahon y présente le numéro de décembre des Cahiers d’Occitanie et les deux derniers livres de Jean-Marc Vivenza : L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin et Le Culte en « esprit » de l’Église intérieure, la célébration de la liturgie céleste dans le Sanctuaire du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin (éd. La Pierre Philosophale).
Dominique Clairembault
Titre : Bulletin de la Société Martines de Pasqually – Numéro 24, année 2014
Auteur : Publié par la Société Martines de Pasqually
NB. p. = 177 p.
ISSN : 1152 – 6440
Sommaire
- Avant-propos de la Présidente
- Suite d’étude des manuscrits maçonniques français bordelais en Bélarus (II) Livre d’architecture de la loge Anglaise 204, visite d’Etienne Morin, par Anatole Stébouraka.
- Loge du Saint-Esprit à l’Orient de Bordeaux (registre I du 24.06.1786) par Michelle Nahon et Maurice Frion.
- La Loge des Élus Parfaits ou Parfaite Loge d’Écosse de Saint-Jean de Jérusalem de Bordeaux, par Michelle Nahon.
- Jean-Baptiste Collas de Maignet, quelques aperçus de son parcours maçonnique, par André Kervella.
- Questionnement sur le « portrait » de Martinès de Pasqually, par Michelle Nahon.
- Traité sur la réintégration des êtres créés dans leur première propriété, vertu et puissance spirituelle divine (AD de Lot et Garonne) suite et fin de la transcription par Jean-Louis Boutin.
- L’Office du Saint-Esprit par Jean-Louis Boutin.
- Présentation du corpus élu cohen, 1, par Thierry Lamy.
- À propos des lettres attribuées à Martinès de Pasqually, par Thierry Lamy.
- Disposition et proposition de la signification des 10 deltas de la patente, par Thierry Lamy.